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Tunisie : gouvernement d’union nationale et élections présidentielles, deux pièges pour les aspirations démocratiques

mardi 18 janvier 2011, par Robert Paris

"Il est aussi dans l’intérêt d’un tyran de garder son peuple pauvre,
pour qu’il ne puisse pas se protéger par les armes,
et qu’il soit si occupé à ses tâches quotidiennes qu’il n’aie pas le temps pour la rébellion."

Aristote.

Le système Ben Ali sans Ben Ali se maintient.

Le peuple tunisien ne s’est pas révolté, avec des morts et des blessés, pour en arriver à cette mascarade !

Le premier ministre sortant a reconduit six membres du gouvernement de l’ère Ben Ali et a choisi d’intégrer trois opposants. Des élections seront organisées d’ici à 6 mois. L’opposant historique Moncef Marzouki dénonce une « mascarade ».

La Tunisie, en pleine incertitude depuis la fuite de Ben Ali, connaît enfin la composition de son gouvernement d’union nationale nous dit-on. Non, ce gouvernement est une union nationale contre le peuple révolté et pour sauver la classe dirigeante et son Etat !

Trois chefs de l’opposition y font leur entrée tandis que six membres de l’ancien gouvernement sont reconduits, a annoncé lundi après-midi Mohammed Ghannouchi. Le premier ministre sortant du président déchu conserve ses fonctions, de même que les ministres de l’Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances. Côté opposition trois figures intègrent le nouveau cabinet. Najib Chebbi, chef de file du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale la plus radicale en Tunisie) prend le poste de ministre du Développement régional. Moustapha Ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et la liberté (FDTL) récupère la Santé et Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid (Renaissance, ex-communiste) obtient le portefeuille de l’Enseignement supérieur.

Manifestation contre le nouveau gouvernement : réprimée !

La nouvelle formation, qui compte 19 ministres, accueille également des représentants de la société civile. Tranchant avec les 23 ans au pouvoir de Ben Ali, elle perd un portefeuille emblématique. Mohammed Ghannouchi a supprimé le ministère de l’Information, accusé de censurer la liberté de la presse et d’expression dans le pays. Le premier ministre s’est même engagé à garantir « une liberté totale de l’information ». Il a levé de l’interdiction de toutes les organisations non-gouvernementales dont la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et annoncé la libération de tous les prisonniers politiques. Tous les partis qui le demandent seront légalisés. Des investigations seront lancées contre les responsables soupçonnés de corruption et les personnes ayant connu un enrichissement rapide suspect, a-t-il prévenu.

Un millier de personnes a déjà manifesté lundi matin avenue Bourguiba, la grande artère de la capitale, contre la composition anticipée du gouvernement. La police n’a pas réussi à les disperser malgré un recours à des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des tirs en l’air.

Des manifestations ont éclaté lundi matin dans le centre de Tunis, à Sidi Bouzid et à Regueb. Les manifestants exigeaient l’abolition du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), et s’opposaient à la présence de membres du RDC, dont Mohammed Ghannouchi, dans le futur gouvernement de transition. La secrétaire générale du PDP avaient assuré dans la journée que les partis qui soutenaient Ben Ali seraient écartés. Cependant, expliquait-elle, ce cabinet intégrerait d’anciens membres de l’équipe sortante, au profil de technocrates politiquement peu marqués.

Le Figaro rapporte : "Ce discours de technocrate n’est absolument pas au goût de l’homme de la rue. La personnalité du ministre de l’Intérieur, Ahmed Friaâ, maintenu alors qu’il dirigeait la police pendant la dernière semaine des émeutes, ne passe pas. « Comment voulez-vous croire en ces gens ? Ce sont toujours les mêmes que sous Ben Ali ! », s’écrie un jeune cadre, avant d’être obligé de fuir sous les jets des canons à eau, avenue Bourguiba.

Lundi, dans cette foule d’un millier de personnes au centre de Tunis, les manifestants étaient furieux : « C’est comme si Ben Ali était encore là ! On veut un nouvel État avec des gens neufs ! », disait l’un. « Les gens de ce gouvernement n’ont jamais eu le courage de dire “Assez !” à Ben Ali. Ils ne vont pas nous priver de notre révolution. Ils n’ont rien fait pour le chasser ! Qu’ils s’en aillent ! », expliquait Hosni, un jeune chômeur. À Paris, l’opposant Moncef Marzouki, qui s’est déjà porté candidat à la prochaine élection présidentielle, a dénoncé « la mascarade » de ce gouvernement de transition. La télévision nationale emboîte le pas, sur un ton soudain devenu révolutionnaire : « L’intifada continue ! Le peuple est puissant ! », est sa nouvelle devise…"

L’illusion est difficile : les nouveaux dirigeants ressemblent trop à la vieille garde, les changer par leur vote pourrait être plus difficile qu’il n’y paraît. Le scrutin se tiendra en effet dans le cadre d’une Constitution taillée sur mesure pour Ben Ali.

Le pouvoir déclare que la nouvelle équipe sera chargée de préparer des élections présidentielle et législatives « libres et transparentes » surveillées par un comité indépendant et des observateurs internationaux.

Non, il s’agit d’éviter que le peuple tunisien s’appuyant sur sa force dans la rue mette en place sa propre démocratie : directe sans passer par des structures du pouvoir...

Toutes les classes dirigeantes du monde, qui n’ont cessé d’exploiter le peuple tunisien sont pour cet enterrement de la vraie démocratie. L’Union européenne et les Etats-Unis ont déjà proposé leur aide pour préparer ces scrutins. La nouvelle formation gouvernementale devra aussi faire face à l’insécurité ambiante. Des affrontements sporadiques opposent l’armée et la police à des milices restées fidèles à Ben Ali.

Les opérations militaires en cours n’ont rien à voir avec une « transition » vers la démocratie. Le régime tente de stabiliser la situation en sa faveur. Il veut neutraliser les fanatiques qui nourrissent encore l’espoir de ramener Ben Ali au pouvoir, tout en maintenant la législation répressive dirigée contre le peuple. L’Etat d’urgence est maintenu, tout comme le couvre-feu et l’interdiction des rassemblements et des manifestations. En participant au « gouvernement d’union nationale », les partis et personnalités de l’« opposition légale » – c’est-à-dire de l’opposition loyale – ont redoré la façade de la même machine gouvernementale qui, avec ou sans Ben Ali, restera au service des mêmes intérêts capitalistes, avec essentiellement les mêmes méthodes dictatoriales.

Ces « opposants » n’étaient tolérés, sous Ben Ali, que parce qu’ils ne représentaient aucune menace pour le régime en place. C’était une opposition de façade, un faire-valoir « démocratique » de la dictature. Le gouvernement d’union nationale concrétise la collaboration de cette pseudo-opposition avec tous ceux qui ont le sang du peuple sur les mains. Ghannouchi conserve son poste de Premier ministre, de même que les ministres de la Défense, de l’Intérieur, des Finances et des Affaires étrangères. Trois anciens « opposants » intègrent le gouvernement : Najib Chebbi, qui dirige Parti Démocratique Progressiste (ministre du Développement régional), Moustapha Ben Jaafar (Forum démocratique pour le travail et la liberté) et Ahmed Ibrahim (Ettajdid).

Sarkozy et les gouvernements occidentaux accompagnent cette mascarade. Au passage, ils atteignent les sommets de l’hypocrisie et de la perfidie. Sarkozy, comme Chirac avant lui, a toujours accordé un soutien inconditionnel au régime de Ben Ali. Ce dernier avait aussi de fervents adeptes au sein de la « gauche », comme par exemple Strauss-Kahn – entre autres. L’attitude de la droite a été bien résumée par Alliot-Marie, qui, par réflexe, a publiquement proposé d’aider Ben Ali à réprimer les manifestations. Depuis toujours, la France a massivement contribué à l’arsenal répressif du régime. Les capitalistes français profitaient directement des bas salaires, des mauvaises conditions de travail et de l’absence de droits démocratiques en Tunisie. La préoccupation du gouvernement Sarkozy est la même que celui du nouveau gouvernement tunisien. Derrière quelques changements de façade, il lui importe avant tout que les intérêts des capitalistes qui ont profité de la dictature pendant des décennies soient pleinement protégés. Il s’agit de rétablir l’ordre ancien sous une couverture « démocratique ».

Seule une intervention massive et énergique des travailleurs tunisiens pourrait déjouer cette manœuvre réactionnaire.

La démocratie dont les travailleurs, les chômeurs, les jeunes, les femmes ont besoin est à l’opposé des manoeuvres de ces gens-là. Elle se bat contre cet Etat et contre cet ordre social, ceux justement que les jeux politiques actuels essaient de sauver.

Un point essentiel doit toujours être rappelé : il n’y aura pas de démocratie tant que le peuple ne pourra pas être assuré de manger, de se loger, de travailler, de soigner ses enfants et de les envoyer à l’école, de vivre en somme.

Il n’y aura pas de démocratie tant que l’essentiel des richesses sera monopolisé par une infime minorité d’exploiteurs.

Il n’y aura pas de démocratie tant que les militaires seront au services des capitalistes nationaux comme impérialistes.

Il n’y aura pas de démocratie tant que le peuple ne sera pas organisé dans des comités populaires dans lequel il puisse choisir en son propre sein ses dirigeants, choisir lui-même les orientations et urgences.

La bourgeoisie ne nous offrira jamais la démocratie que nous voulons. Il faut l’arracher et la construire nous-mêmes. Et pour cela il faut éradiquer jusqu’à la racine la dictature sociale et politique !!!

Messages

  • A peine formé, le nouveau gouvernement d’union nationale compte déjà quatre démissions. Abdeljelil Bedoui, Anouar Ben Gueddour et Houssine Dimassi, les trois ministres de la centrale syndicale UGTT, ont annoncé ce mardi leur retrait en raison du maintien au gouvernement du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), le parti du président déchu Zine el-Abidine ben Ali.

    Les postes clés de Premier ministre et les ministères de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Intérieur et des Finances n’ont en effet pas changé de main. Nommé ministre de la Santé, Moustafa Ben Jaafar a également démissionné, selon un responsable de son parti, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL). D’autres démissions seraient intervenues dans la journée, mais sans confirmation officielle.

    Par ailleurs, Foued Mebazaa et Mohamed Ghannouchi, respectivement président et Premier ministre par intérim de l’actuel gouvernement d’union, ont démissionné du parti présidentiel de ben Ali ce mardi pour se démarquer du président déchu.

  • « Ils veulent que nous les écoutions et ils ne nous écoutent pas, alors nous cassons » Cette déclaration d’un jeune émeutier en Algérie résume tout le désarroi d’une jeunesse qui vit dans l’exclusion politique et sociale, la précarité et le déni de ses droits.

    Ce « ILS » ne désigne pas seulement les tenants du pouvoir mais l’ensemble des institutions et organismes et partis d’opposition absents et silencieux durant ce qu’il faut bien appeler une « intifadha ».

  • « Suite à la décision de confier à Mohamed Ghannouchi la formation d’un nouveau gouvernement chargé de surveiller les nouvelles élections présidentielles ; et compte tenu du vide administratif dans les villes de Sidi Bou Ali, province de Sousse, nous, les citoyens de la ville de Sidi Bou Ali, rassemblés dans la Place du Peuple de la ville, déclarons ce qui suit :

    Nous rejetons cette décision puisqu’elle est basée sur une constitution non démocratique, non populaire et qui ne garantit pas les droits de toutes les sensibilités nationales dans le pays.

    Nous refusons la domination du parti au pouvoir sur la vie politique du pays, représentée par tous ses symboles dans le gouvernement actuel – et ses laquais.

    [Nous procédons à] l’élection publique d’un Conseil local intérimaire chargé d’assurer la gestion des affaires de la ville et d’agir localement, et en coordination au niveau régional et national, pour maintenir l’ordre de la vie civile, économique, culturelle et politique dans le pays, jusqu’à l’élaboration d’une nouvelle constitution démocratique et populaire qui va ouvrir la voie à des élections qui assureront une alternance pacifique et sans monopole du pouvoir. Et qui veillera à ce que tous les partis nationaux soient représentés.

    Les fonctions de ce Conseil seront :

    Former des comités pour protéger les quartiers, et coordonner ces comités

    Garantir la restauration de la vie économique quotidienne et les nécessités de la vie des citoyens.

    Garantir l’ouverture des institutions civiles (banques, hôpitaux, municipalités, écoles, instituts, poste, bureau d’impôts...)

    Assurer la propreté de la ville.

    La Coordination avec les Conseils locaux et régionaux.

    Communiquer et assurer la liaison avec l’armée nationale, la seule force existante dans le pays.

    Nous avons décidé de former les comités suivants :

    Comité sur la publicité et l’information

    Comité de communication avec l’Armée nationale

    Comité de surveillance pour la protection des quartiers

    Comité de la propreté de la ville

    Comité d’approvisionnement des nécessités de base

    Comité de la sensibilisation, de l’orientation et de la culture »

  • Les troubles sociaux qui secouent la Tunisie depuis près de 15 jours ont fait entre 60 et 100 morts. Le département d’Etat américain avait déjà convoqué la veille (le jeudi 13) l’ambassadeur de Tunisie, Mohamed Salah Tekaya, pour lui exprimer son inquiétude et demander le respect des libertés individuelles, selon la langue de bois occidentale consacrée.
    Le gouvernement US avait déjà téléphoné immédiatement, début janvier, aux caciques de l’armée tunisienne pour éjecter le plus vite possible le fusible Ben Ali. Ce dernier s’est enfui dans la province d’Arabie Saoudite sunnite. La bourgeoisie US finance l’islamisme sunnite dans le monde. Sans coup férir la bourgeoisie US a lâché sa carte Ben Ali, carte usée. Il avait été formé par la CIA avec pour mission de tenir la Tunisie et surtout d’apporter un soutien aux palestiniens du Fatah, pour contrer le Hamas et le Hezbollah(Iran) ; cette stratégie qui n’a pas donné les fruits escomptés. La ministre de la guerre, Mme Clinton a eu peur d’un trop grand dérapage dans la répression qui pouvait entraîner des dégâts collatéraux, tout particulièrement pour "les autocraties" voisines soutenues par « l’administration » Obama.
    Le problème avec le monde arabo/musulman – armée de réserve de chômeurs pour l’occident - est qu’il est difficile à maîtriser avec les seules forces islamistes car Allah ne fait rien pour réduire le chômage. Immédiatement, lors de la fameuse journée du 14 janvier (fuite de Ben Ali) la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a appelé le gouvernement tunisien à oeuvrer à une "solution pacifique" pour faire cesser les troubles sociaux qui secouent le pays, dans une interview à la chaîne al-Arabiya basée à Dubaï. Elle a appelé surtout Tunis à "se concentrer sur la création d’emplois pour les jeunes" : « Nous sommes inquiets quant aux troubles et à l’instabilité" qui touche la Tunisie, a déclaré Mme Clinton dans cette interview diffusée mardi soir, en se disant également préoccupée par "la réaction du gouvernement, qui a malheureusement provoqué la mort de certains jeunes protestataires"."Nous ne prenons pas partie, mais nous espérons qu’il y aura une solution pacifique. Et j’espère que le gouvernement tunisien pourra trouver une telle solution", a-t-elle ajouté ». Charmant conseil à l’usine tunisienne de sous traitement de soutifs !
    Le gouvernement intérimaire tunisien cherche encore les solutions et va continuer à voir ses ministres fantoches dévaler les escaliers à la renverse chaque jour parce que c’est un gouvernement de faux-cul parce que c’est un gouvernement d’héritiers hypocrites de la dictature Ben Ali, parce que c’est un gouvernement qui protège encore les tueurs de la police, etc. Au cours de l’épisode suivant de la mascarade successorale, le président par intérim Foued Mebazaa et le Premier ministre Mohammed Ghannouchi ont démissionné du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), qui a régné sans partage pendant 23 ans sur la vie politique tunisienne. Dans le même temps, le RCD a renchéri pour tenter de sauver ses meubles et ses affiches, en annonçant, dans un communiqué, avoir radié de ses rangs l’ex-président Ben Ali. Ben dis donc ! Le syndicat gouvernemental, présenté aussi mensongèrement par Le Monde comme un acteur principal de la « révolution de jasmin » a invoqué les protestations de sa « base » pour retirer ses ministrables. Ben dis donc !

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