Lire ici l’histoire des luttes de classes au Cameroun

Le Cameroun colonisé en films
Le Cameroun colonial en 1920
Le Cameroun colonial en 1957
Encore en 1957
En 1959
L’indépendance en 1960
En 1961, la réunification des deux Cameroun (colonisé par l’Angleterre et par la France
La classe ouvrière au Cameroun
En 1947, a lieu la grande grève des cheminots dans toute la partie de l’Afrique de l’ouest colonie française. En 1947, les ouvriers des chemins de fer de la ligne Dakar-Niger (de Dakar à Koulikoro via Bamako) cessent le travail afin d’obtenir les mêmes droits que les cheminots français. Nombre de dirigeants politiques de la lutte d’indépendance sont des syndicalistes et l’action syndicale se double souvent d’une lutte politique :
En Gold Coast, le Trade Union Congress engage en 1950 une grève générale.
En AOF, les grèves des fonctionnaires en Guinée ou grève des cueilleurs en Côte d’Ivoire, sont animées par des syndicalistes.
Un des mensonges les plus couramment diffusés concernant l’indépendance de l’Afrique coloniale française est qu’elle aurait été octroyée sans lutte. Le Cameroun est des exemples les plus caractéristiques d’une lutte d’indépendance violente qui a été longtemps occultée, y compris après l’indépendance car ceux qui ont profité de cette indépendance ne sont pas ceux qui se battaient contre l’impérialisme colonial mais, au contraire, étaient ses amis.
En fait, la lutte s’est développée en Afrique noire à la fin de la guerre mondiale avec un développement notamment de grandes luttes ouvrières, du côté colial français comme du côté colonial anglais. Puis, il y a eu des mouvements nationalistes, notamment à Madagascar, au Cameroun ou au Congo (futur Zaïre). En même temps, se développait le mouvement Mau-Mau au Kenya qui prenait le tour d’une guerre civile en 1955. C’est tout le continent africain qui était concerné par la lutte d’indépendance mais aussi par le développement de la lute et de l’organisation de la classe ouvrière. Là aussi, contrairement à une image mensongère, il y a une classe ouvrière à l’époque en Afrique et elle a déjà tout un passé de luttes.
La guerre mondiale et l’après-guerre n’avaient fait qu’accroître l’exploitation des peuples colonisés et aussi leur révolte. Elle leur a dévoilé les richesses de l’impérialisme et les guerres entre impérialismes leur ont montré aussi la capacité à se battre.
C’est ce qui a incité en 1944, à Brazzaville, De Gaulle à parler de liberté des peuples d’Afrique pour faire croire le gentil impérialisme allait tenir compte des aspirations des peuples pour les remercier de l’avoir défendu au prix de leurs vies. La réalité était tout autre et on le voyait déjà dans le contenu de ces déclarations. La conférence de Brazzaville écrivait en préalable : « Les faits de l’œuvre de la civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire. La constitution même lointaine de self gouvernement est à écarter. » Le programme général confirme : « On veut que le pouvoir politique de la France s’exerce avec précision et rigueur sur toutes le terres de son empire. » La réalité coloniale durant et à la fin de la guerre en dit encore plus long.
Toute la thèse de la « France libre » est là dedans, de la droite au parti communiste français. Ce dernier reproche, de manière nationaliste au nom des intérêts de l’empire, au Maréchal Pétain de « ne pas s’être opposé à la pénétration japonaise en Indochine, la grande colonie française de l’extrême orient (…) et de vouloir livrer la Syrie aux Allemands. » N’oublions pas qu’à la fin de la guerre, c’est le PCF qui poussera les résistants à s’engager dans le corps expéditionnaire en Indochine, que c’est le ministre « communiste » Tillon qui commandera les forces armées aériennes françaises quand celles-ci bombardaient l’Algérie à Sétif en 1945.
Alors que dans toutes les colonies, le mouvement pousse les masses vers les partis staliniens (voir Ruben Um Nyobe par exemple), le stalinisme est en pleine lune de miel avec l’impérialisme (Staline et Roosevelt ont scellé leur entente qui concerne le monde entier).
La guerre n’a pas changé la nature de l’impérialisme français côté vichyste comme côté gaulliste. L’essentiel des colonies est vite passé côté « France libre », mais le colonisé y est toujours un esclave dont la vie ne compte pas. Le Tchad, passé très rapidement dans le camp de la « France libre » de De Gaulle, ou camp de l’impérialisme anglo-américain, est une colonie qui exploite et opprime affreusement ses populations. L’exploitation y est même accrue à l’après-guerre, reconstruction du capital français oblige. Le massacre de Madagascar comme celui de Sétif en Algérie, les émeutes du Maroc violemment réprimées, la répression du Kenya comme celle du Vietnam, montrent pleinement que les impérialismes n’étaient ni plus pacifiques, ni plus démocratiques, après la guerre qu’avant, malgré la nécessité après la guerre de reconstituer les illusions et les faux espoirs des peuples.
Dès 1945, la répression coloniale française fait rage en Afrique. Elle prend un tour violent à Douala, au Cameroun. Dans cette ville, c’est un soulèvement spontané de la classe ouvrière qui menace de débuter une véritable insurrection anticoloniale. Elle est écrasée dans le sang le 24 septembre 1945. Au début des événements, la grève des journaliers du chemin de fer pour laquelle le quartier populaire de Bou-Béri a pris fait et cause. C’est toute une population pauvre qui s’est mobilisée, armée seulement de bâtons, et a envahi le quartier de New Bell. Les Blancs réagissent à l’arme à feu, faisant immédiatement 80 morts et lançant une chasse à l’homme contre les militants ouvriers. Les chemins de fer sont un des hauts lieux de la classe ouvrière et, partout, ils sont le point central de la mobilisation. On a déjà cité la grève de 1947 de chemin de fer, grève qui s’est étendue du Sénégal à la Côte d’Ivoire. On peut également citer la grève qui oppose les cheminots, et avec eux tous les travailleurs, aux Blancs armés de Matadi à Léopoldville, ou encore le soulèvement ouvrier au Kenya en 1947, dans le centre ferroviaire de Mombasa où, pendant onze jours, dockers et cheminots dirigent toute la classe ouvrière, domestiques compris, et font la loi dans la ville. En 1945-46, au Congo-Zaïre, ont lieu des mouvements de grève des lignes de chemins de fer accompagnés de révoltes urbaines. En 1946, c’est la grève de Dakar, en 1949 la grève des mines de charbon du Nigeria, les émeutes en Côte d’Ivoire en 1947 et 48. Et encore, en 1950, c’était à Nairobi qu’avait lieu la grève générale. Enfin, en 1956, en Côte d’ivoire et au Nigeria, de nouveaux soulèvements de la classe ouvrière réprimés férocement, par des fusillades et des arrestations.
Le rôle dirigeant, le caractère central, de la classe ouvrière dans la contestation de la domination coloniale à la fin de la guerre, est évident. Et d’autant plus qu’il convient de rappeler que les « élites » africaines comme Houphouët Boigny ou Senghor ne sont pas du côté des grévistes ni des émeutiers. Des leaders syndicalistes apparaissent et jouent un rôle dirigeant dans les luttes sociales et politiques. Par contre, les petites bourgeoisies et bourgeoisies nationales ont des leaders qui ne revendiquent généralement même pas l’indépendance et ne prennent pas la tête des luttes. Là où des soulèvements des masses pauvres des campagnes explosent, comme en Algérie, à Madagascar, au Kenya, ou au Congo, elles sont amenées à les accompagner mais ne leur offrent aucune perspective. La radicalité des luttes sera plus due à la violence de la répression coloniale qu’à la radicalité des leaders de la petite bourgeoisie. Les dirigeants staliniens sont en pleine phase « démocratique », d’ « alliance anti-fasciste » avec leur colonialisme au nom de l’alliance de l’URSS avec l’impérialisme. Les dirigeants petits bourgeois en restent aux espoirs suscités par les discours de De Gaulle à Brazzaville. Les petites bourgeoisies nationalistes craignent de perdre cette perspective d’être appelées à gouverner en prenant partie pour les masses populaires. Les dirigeants nationalistes sont des modérés qui jouent le jeu électoral. Les Partis communistes obéissent à la politique de Moscou d’alliance contre-révolutionnaire avec l’impérialisme ce qui les empêche même d’être anti-colonialistes.
Au Cameroun aussi, c’est la classe ouvrière qui commencé la lutte en 1955, comme on l’a rappelé, à Douala, à Yaoundé et dans d’autres villes de moindre importance. C’est ce qui va amener les dirigeants nationalistes comme Ruben Nyobe, ancien syndicaliste, à se radicaliser. L’organisation de Ruben, l’UPC, n’est pourtant pas si radicale. Au début, elle se contente d’organiser des manifestations non violentes. La répression ne va pas lui donner le choix. Pour le pouvoir français, il n’est pas question d’accepter le moindre compromis, car l’UPC est « communiste ». En 1955, la répression de Roland Pré, gouverneur du Cameroun, fait 5000 morts. L’UPC n’a pas choisi tout de suite la lutte armée. Très clairement, Um Nyobé, tout stalinien qu’il était, ne proposait pas la révolution, ni la lutte radicale. Il ne s’en cachait pas, déclarant : « Nous offrons des garanties qui prouvent non seulement notre détermination d’œuvrer pour sortir le Cameroun de l’impasse, mais aussi de travailler de concert avec le gouvernement français (…) ». Ce qui montre le mieux les limites sociales et politiques des nationalistes de l’UPC, c’est leur volonté de laisser la classe ouvrière en dehors du combat. L’UPC mobilise trois régions : Bassa, Bamiléké et la Sanaaga. Les travailleurs de Douala qui ont pourtant maintes et maintes fois montré leur combativité sont laissés en dehors par l’UPC. Nyobé a tourné le dos à la classe ouvrière, d’où il vient. Désormais, il est un dirigeant de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie camerounaises. Il s’adresse à eux ainsi qu’aux chefs traditionnels.

Images de l’indépendance

Um Nyobe
L’Union des Populations du Cameroun (UPC) engage en 1955 une lutte de guérilla dans la partie française du Cameroun. Déclarée illégale, elle entreprend une guerre secrète qui fait des dizaines de milliers de morts avant de prendre fin en 1971.
À sa fondation, en avril 1948, l’UPC est dirigée par Ruben Um Nyobé. Principal mouvement de résistance qui prône la réunification du Cameroun et son indépendance de la France, elle compte 20 000 membres et 80 000 sympathisants en janvier 1955. Son association au Parti communiste français, son opposition farouche à la colonisation, son support aux revendications syndicales et aux grèves qui se multiplient à partir de janvier 1955, placent l’UPC dans la mire du pouvoir français. Au printemps, le gouverneur Roland Pré tente de briser son support populaire. Il réforme l’administration locale en faisant élire des chefs de villages modérés, organise une alliance des partis modérés et conservateurs, puis lance une politique de répression contre l’UPC. Des émeutes, qui éclatent les 26 et 27 mai 1955, servent de prétexte au bannissement de l’UPC le 13 juillet. En mai 1955, de violentes manifestations entrainent des nombreux morts camerounais. L’UPC est accusée d’avoir organisée ces heurts et le gouvernement français (Gouvernement Edgar Faure (2))en conseil des Ministres décide d’interdire l’UPC et ses démembrements. l’UPC prend alors le maquis. Dans la clandestinité, Nyobé forme l’Armée de libération nationale du Kamerun (ALNK) qui recourt à la lutte armée et au sabotage. Nyobé sera tué dans le maquis par l’armée française en septembre 1958, alors que l’UPC, légalisée en 1959, participe aux élections qui mènent à l’indépendance en 1960. La même année, les services secrets français assassinent le successeur de Nyobé, Félix Roland Mounié, ce qui entraîne le retour de l’UPC dans la clandestinité. En dépit de l’indépendance, c ?est l’armée française, chargée de former l’armée camerounaise, qui mène les opérations contre l’ALNK jusqu’en 1964. Le conflit prend fin en 1971 avec le procès et l’exécution publique d’Ernest Ouandié, dernier chef historique de l’UPC. Ni la France, ni le Cameroun ne veulent confirmer ou infirmer le chiffre de 80 000 victimes avancé par des historiens. L’UPC sera légalisée avec l’ouverture démocratique de 1991.
La lutte pour l’indépendance au Cameroun et en Afrique


Après l’indépendance trafiquée par le nouveau pouvoir, les trusts occidentaux ont continué et aggravé leur pillage....



L’entente avec l’impérialisme français ne s’est pas démentie

Soumission néocoloniale La présence de coopérants français dans des administrations camerounaises, les séjours fréquents du président Biya en France, l’omniprésence des entreprises françaises dans l’exploitation des principales richesses (pétrole, bois, banane…), etc., amènent aujourd’hui encore des Camerounais à penser qu’aucune importante décision ne peut être prise sans l’aval de l’ancienne puissance coloniale. Par exemple, Joseph Tchiofouo voit comme un signe de soumission l’absence de monument célébrant la mémoire des patriotes camerounais. Pourtant, s’exclame-t-il, "à Bonanjo (quartier administratif de Douala, Ndlr), trône le monument du général Leclerc… un Français !". Robert Fokou, commerçant, 40 ans, est du même avis : "C’est la France qui a fait démissionner feu l’ex-président Ahmadou Ahidjo en passant par ses médecins français pour lui faire croire qu’il était malade", allusion faite à une information jamais confirmée publiée en 1983 par le magazine français Afrique-Asie. Sévérain Manfo, 23 ans, comptable, regrette que 50 ans après les indépendances, le Cameroun, comme d’autres pays francophones d’Afrique noire, dépende toujours de la France pour leur monnaie, le franc CFA officiellement né en 1945. Feu le Pr Joseph Tchundjang Pouemi, économiste camerounais, écrivait en 1979 que le franc CFA, "c’est bien le franc français à 100 % (…) L’Afrique est encore à la recherche de l’indépendance économique". Dans le livre Zone franc et coopération monétaire, publié en 1980 par le ministère français de la Coopération, parlant des représentants français au sein des conseils d’administration des banques centrales africaines, il est écrit que ces derniers "disposent lors de circonstances particulièrement délicates pour la gestion de la monnaie d’un pouvoir de blocage". "L’indépendance nous a été donnée d’une main, les accords de coopération l’ont retenue de l’autre", résume Gervais Tchimi.
1990-91 : révolte sociale et contre la dictature
Le 19 février 1990, lors d’une perquisition au domicile et à l’étude de Maître Yondo Black, la police camerounaise récupère un document intitulé : Coordination nationale pour lu démocratie et le multipartisme. Déféré au tribunal militaire de Yaoundé (et jugé avec neuf de ses partenaires en avril 1990), sa tentative de créationd’un parti politique sera assimilée à un crime.
Le Gouvernement déclare pourtant que Me Yondo Black n’a pas été arrêté pour N délit )) de création d’un parti politique. Ceci incite un libraire de Bamenda, John Fru Ndi, à créer et à vouloir légaliser le Social Democratic Front (SDF), en mars 1990. Sans attendre la position de l’administration, il tient la réunion constitutive le 26 mai 1990 à Bamenda, suivie d’une marche qui fera six morts tués par l’armée.
La lutte pour le multipartisme franchissait un nouveau cap, appuyée par la réaction favorable de l’épiscopat.
La lettre pastorale du 17 mai 1990 dénonce avec dureté les (( violations flagrantes des droits de l’homme )) (5). Ces événements provoquent le 9 juin 1990, la démission du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) de John Ngu Foncha, un des pères de la réunification.
La presse privée, piaffant d‘impatience face aux atermoiements du pouvoir et subissant une censure plus grande, va entrer en dissidencecontre le régime. Dans son numéro 209 du 27 décembre 1990, le journal Le Messager de Pius Njawe publie une (( lettre ouverte à Paul Biya )) intitulée <( La démocratie truquée )), rédigée par Célestin Monga.
Le 7 janvier 1991, Célestin Monga, Pius Njawe et Le Messager sont cités en justice. Ce procès va faire des accusés de véritables héros de la liberté qu’on soutient face au régime. La censure administrative va s’abattre sur la presse privée alors sans discernement, faisant douter des velléités démocratiques du pouvoir.
En mars 1991, les chauffeurs de taxi et les vendeurs à la sauvette de Douala manifestent leur ras-le-bol face à la hausse du prix du carburant, aux tracasseries et exactions dont ils sont victimes. Le pouvoir désemparé réprime le mouvement et procède à des arrestations.
Le pays entre alors dans un cycle de violence sans précédent : troubles graves dans plusieurs villes du pays et apparition à Douala de petits cartons rouges frappés du slogan ((Biya must go).
A l’université de Yaoundé, les forces de l’ordre font des victimes. Les leaders des partis d’opposition lancent alors le mouvement de revendication pour la tenue d’une conférence nationale souveraine suivant l’exemple béninois. L’opposition cherche à contraindre le pouvoir à convoquer une conférence nationale souveraine.
Pour ce faire, elle met sur pied une coordination nationale des partis politiques et des associations de défense des droits de l’homme pour obtenir la conférence. En mai-juin 1991, elle lance l’opération (( villes mortes )) et la campagne de désobéissance civile pour paralyser l’activité dans les grandes villes du pays, de manière musclée au besoin. L’opposition fait régner, dans certaines villes, la terreur et l’insécurité. Pour une partie du pays, il n’est plus question de payer les impôts, les taxes douanières, les quittances d‘eau et d’électricité.
Face à l’intransigeance de l’opposition, le pouvoir se radicalise., I1 met en place des commandements militaires opérationnels dans les sept provinces sur dix qu’il ne contrôle plus.
Alors que la tension est à son comble, le 27 juin 1991, devant l’Assemblée nationale, le président Paul Biya prend clairement position contre la tenue d’une. conErence nationale souveraine au Cameroun : (< Je l’ai dit et je le maintiens : la conférence nationale est sans objet pour le Cameroun ... Nous nous soumettrons au verdict des urnes. Seules les urnes parleront )).
Suite à ce discours, l’opposition durcit sa position et décrète l’opération M pays mort !. Un autre cycle de violence va embraser le pays. Les effets de toutes ces opérations contre le pouvoir se ressentent de plus en plus sur la vie du pays : baisse drastique des recettes de l’Etat, difficultés de paiement de la dette, des salaires des fonctionnaires et des bourses d‘étudiants.
Le régime est alors contraint de négocier. Le président Paul Biya, reprend l’initiative le 11 octobre 1991, et annonce la création de deux commissions mixtes chargées de l’élaboration d‘un projet de code électoral et d’un code des înédias e ? propose des élections législatives anticipées , pour début 1992.
La tenue de la conférence tripartite gouvernement-partis politiques-personnalités indépendantes, à Yaoundé, du 30 octobre au 18 novembre 1991 se traduit par une désescalade. La déclaration du 13 novembre sera assimilée à la signature d’un armistice entre le pouvoir et une partie de l’opposition (7). La présidence a fait des concessions qui ont permis de diviser l’opposition sans revenir sur le cheminement électoral de la démocratisation.
La crise du processus électoral
Certaines forces de l’opposition (SDF ou UFDC, Union des forces démocratiques du Cameroun de Victorin Hameni Bieleu) ont refusé de participer aux élections législatives de mars 1992. Le refus de la conférence nationale a alimenté leur intransigeance. Elles subordonnent leur participation au jeu politique au respect des libertés et à la transparence de l’action gouvernementale.
L’opération (( zéro vote )) conduira à une représentation parlementaire artificielle de la population des provinces du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Ouest. Le pouvoir n’obtiendra cependant qu’une majorité relative : 88 sièges sur les 180 mis en jeu. Et il devra s’allier au Mouvement pour la défense de la république (MDRà l’Union des populations du Cameroun (UPC
Une forte tension politique a marqué la réélection mitigée de Paul Biya dont l’annonce a été longue à intervenir, le scrutin étant serré et des irrégularités dénoncées.
Le Social Democratic Front de John Fru Ndi, son compétiteur le plus sérieux, a fait monter la tension en préparant (( ua front du refus du verdict des urnes D si les résultats officiels lui étaient défavorables. Ce climat de tension a débouché sur le saccage des domiciles de personnes proches du pouvoir à Douala et des violences contre les Bamiléké et les anglophones dans le quadrilatère béti du sud.
L’annonce des résultats le 23 octobre 1992 mettra le feu aux poudres. Selon les résultats officiels, seulement 40 % des votants ont opté pour le président Paul Biya. La violence refait surface dans les régions ayant voté Fru Ndi. Un proche du régime est brûlé vifà Bamenda et on frôle l’insurrection populaire dans les provinces anglophones.
Le contexte de la libéralisation politique a suscité une recrudescence des antagonismes ethniques pour préserver certains intérêts. L’appartenance ethnique ou régionale ne détermine toutefois pas toujours l’adhésion politique. On peut être (( Beti )) comme Mongo Beti et militer dans l’opposition et (( Bamiléké 1) comme Kontchou Kouomegni tout en étant proche du pouvoir. I1 n’empêche que les suffrages ont revêtu une expression ethno-régionale massive. Etre citoyen d’une communauté locale semble plus facile que de se sentir membre de la communauté nationale. En fait, si la décomposition de l’hégémonie de l’ordre dirigeant n’a nullement débouché sur la ruine du système de domination, elle remet en cause l’intégration nationale.
Préservation et ajustement du système de domination politique
La restructuration institutionnelle de la société politique devient, après les procédures de légalisation électorale du pouvoir, le site privilégié des luttes entre acteurs pour monopoliser la formulation des règles du jeu. Le contrôle du changement politique et la continuité sans ébranlement de l’ordre dirigeant en dépendent. Le pouvoir ici ne cherche pas le retour à la situation antérieure, mais à stabiliser son hégémonie dans un contexte déréglé et complexe. I1 se réserve ainsi la maîtrise de la forme, des conditions, du contenu et du rythme du changement légitime. Pour préserver son pouvoir, il procède à un (( élargissement prudent )) (9). I1 cherche enfin à déconsidérer les acteurs concurrentiels pour retrouver une nouvelle légitimité
La construction hégémonique de la continuité politique
Dès 1990, les risques d’explosion sociale et politique sont si grands’ que l’ordre dirigeant va tenter de canaliser et d’instrumentaliser le changement afin de lui imprégner l’orientation fhture désirable en utilisant toute la panoplie des moyens à sa disposition. Le pouvoir en place fonde sa résistance sur une lecture intéressée de la Constitution qui consacre le monopole de la représentation nationale et l’action des pouvoirs élus. La Constitution du 2 juin 1972 ne permet pas la mise entre parenthèses des institutions publiques, la conférence nationale souveraine n’est donc pas légale.
La stratégie de libéralisation (( responsable )> consistera donc à contrôler le calendrier législatif, l’énonciation du droit et les cadres de préparation du changement.
Ainsi en va-t-il de la commission des libertés publiques présidée par M. Foumane Akam en 1990, du comité national des droits de l’homme, de la conférence tripartite présidée par le Premier ministre, Sadou Hayatou en 199 1.
L’ouverture d’un large débat national en 1993 sur la révision de ,la Constitution va dans le même sens. Si on recueille avis, propositions et motions, on travaille sur les propositions du président de la République.... Les pouvoirs publics usent du décret et de la nomination pour tracer un cadre juridique et avoir des hommes dévoués pour sortir de l’impasse. Le recours à l’Assemblée nationale par la classe dirigeante procède de la volonté de respecter la Constitution à travers la sublimation de la légalité. Ceci est d’autant plus aisé que le parlement de 1990 est contrôlé par le RDPC. I1 a statué sur une trentaine de projets de loi dits de droits et des libertés en novembredécembre 1990. Le 17 septembre 1992, le parlement pluraliste dominé par le parti au pouvoir a voté la loi régissant l’élection présidentielle en adoptant un scrutin à un tour qui divisera l’opposition. En décembre 1995, ce parlement entérinera le projet de révision constitutionnelle évitant ainsi un référendum risqué. La classe dirigeante utilise le recours à l’élection puisqu’elle représente la seule source de légitimité. Seules les urnes parleront ), tonnait le président Paul Biya.
Le boycott des élections législatives de mars 1992 par le cartel des partis politiques de l’opposition radicale (10) semble avoir permis à l’ex-parti unique de conquérir les sièges de la province du Nord-Ouest et du département du Noun, territoires d‘influence du SDF et de 1’UDC. L’UNDP (Union nationale pour la démocratie et le progrès) en a profité dans les provinces du Sud-Ouest et de l’Ouest, ce qui lui donne une dimension nationale.
Ces élections consacrent le découpage de la carte géopolitique du Cameroun en plusieurs fiefs de partis. Et l’on voit se constituer une alliance RDPC-MDR l’Assemblée nationale revient à un ressortissant de l’Extrême-Nord, Cavaye Yegue Djibril.
L’élection présidentielle pose, par son caractère pluraliste pour la première fois depuis 1960, le problème de l’alternance politique. L’élection anticipée d‘octobre 1992 met en lice six candidats . Deux candidats obtiennent entre 35 et 40 % des voix, Paul Biya et John FIX à un contentieux électora1 et à des émeutes notamment en zone anglophone.
Victoire B à l’arraché, elle remet en selle le pouvoir ébranlé qui fait montre d’une réelle capacité de récupération des élites de l’opposition lors des élections législatives de mars 1992 et présidentielles d’octobre 1992. Alliances RDPC-MDRUPC politiques, le RDPC, le SDF et YUNDP.
Le RDPC obtient la majorité des sièges dans les provinces du Centre, du Sud et de l’Est et dans plusieurs circonscriptions de l’Extrême-Nord et du Nord notamment à Rey Bouba.
Le SDF contrôle les provinces du Nord-Ouest, de l’Ouest, une partie du Sud-Ouest, du Littoral et obtient la majorité absolue des sièges à Douala.
L’UNDP contrôle la province du Nord, de l’Adamaoua, et une partie de l’Extrême-Nord. Sur 336 communes, le RDPC en contrôle 219, le SDF 62, 1’UNDP 29, le reste allant aux petites formations. Pour se maintenir, l’ordre dirigeant aura recours enfin aux pouvoirs de crise.
Le dispositif législatif de maintien de l’ordre et de gestion de l’état d’urgence révisé en décembre 1990 lui en donne les moyens. Ces dispositions lui permettent d‘user de la force physique mais aussi d’exercer la censure, la saisie et la suspension des journaux proches de l’opposition, de dissoudre les associations (de défense des droits de l’homme) et d’interdire réunions et manifestations.
La mise en place de commandements opérationnels dans les provinces rebelles en 1991 et l’instauration de l’état d’urgence dans la province du Nord-Ouest au lendemain des élections de 1992 constituent le stade le plus achevé de la construction autoritaire de la continuité politique. Malgré tout cela, le contrôle étatique du changement n’est pas total et ne veut pas l’être.
1992
C’était au début des années 1990, celles de la revendication démocratique tous azimut. Au sein du « Parlement des Étudiants », lui et ses camarades soufflent tant qu’ils peuvent sur les braises de la révolte estudiantine. Une révolte que Biya, soutenu par ses « amis » français, se fait un devoir d’écraser [1]… Modo, qui n’a alors que vingt-deux ans, se souviendra toute sa vie de ces trois hommes en treillis qui ont armé leur tir, un jour de mai 1991 : un jeune manifestant, qui essayait de fuir, s’est effondré sous son nez. « Zéro mort », qu’ils disaient, ceux du gouvernement… Tu parles ! Il lui est resté en travers de la gorge, à Modo, le « zéro mort »…
Le mouvement étudiant terrassé dès 1991, le jeune homme devient rapidement journaliste. « Pour continuer le combat », dit-il. Il restera presque dix ans dans la presse privée camerounaise. Challenge Hebdo, Génération, La Nouvelle Expression, Le Messager : la crème de la presse d’opposition, celle qui transformait ses colonnes en champ de bataille pendant « les années de braises ». Dégainer la plume comme on sort un calibre ? Voilà qui plaisait à Modo. « La presse à l’époque était revendicatrice, se souvient-il. Tout le monde disait : "Il faut que ça change", "Il faut que les choses avancent". On titrait : "Biya must go !". On mettait ça à la une, à l’époque… »
« À l’époque »… Car Modo déchante rapidement. L’opposition n’est plus ce qu’elle était – ou pas ce qu’il a cru, et manifestement la crème tourne à la mayonnaise. L’ancien leader étudiant découvre la routine qui mine à petit feu. Il découvre le gombo, ces petits billets qu’on glisse « permanemment » aux journalistes pour orienter leur verve. Il découvre surtout, dans ses patrons successifs, de petits roitelets égoïstes qui roulent carrosse et écrasent leurs employés. Il s’aperçoit, en somme, que la presse privée ne fonctionne pas mieux que le régime honni. « Il faut que ça change ! », « Que les choses avancent ! », « Biya must go ! », qu’ils gueulaient… Tu parles ! De guerre lasse, Modo se retire dans sa caverne à la fin des années 1990. Et arme sa plume.
Résultat, six ans plus tard : un brûlot de trois cents pages intitulé Mes patrons à dorer. Non sans aigreur, l’auteur étale en place publique les petits et les grands travers quotidiens d’une presse d’« opposition » qui ne fait plus son job. Et allume, comme le titre l’indique, les seigneurs de cette presse « indépendante » qui n’en n’a que le nom. Feu sur les Benjamin Zébazé, Vianney Ombé Ndzana, et autres Séverin Tchounkeu ! Même Pius Njawué, figure quasi mythique de la scène médiatique camerounaise, se prend quelques rafales ! C’est vilain. C’est mesquin même, à certains endroits. Mais le sniper solitaire ne tire pas à balles réelles, lui. Zéro mort donc, c’est promis, car le criminel n’est, au fond, qu’un amoureux trahi.
Le Parlement des étudiants camerounais, précurseur de la « révolution » au Cameroun et dirigé par Senfo Tonkam, donne des sueurs froides au régime Biya qui ne ménage aucun effort pour le réprimer. Après les élections d’octobre, une campagne « ville mortes » paralyse la vie économique pendant six mois. La « libéralisation » est aussi et surtout marquée par des mouvements de grève sur le campus de l’université de Yaoundé, où un groupe déjeunes étudiants parmi lesquels Senfo Tonkam, Nyobe, Tene Sop, Chuam, Fadimatou, Talla Chorentin, décident de se syndiquer pour exprimer les doléances des étudiants camerounais au sein du Parlement des étudiants. Malgré la répression du gouvernement, le Parlement n’entend pas arrêter la lutte à mi-parcours. Notamment avec la création d’une milice, l’Autodéfense, formée par le professeur Jean Messi, « loyal »serviteur du président Paul Biya, pour démanteler le Parlement des étudiants, et l’intervention de la police et des autres forces de l’ordre. A Ngoa-Ekelle, le fief estudiantin, les esprits s’échauffent, les antagonismes sont à vifs. Tous les regroupements sont filtrés, traqués. Les hommes en tenue tuent, violent, torturent et pillent. La chasse aux « sorciers parlementai- res » et leurs alliés est lancée. La psychose en- vahit tous les étudiants qui désertent leurs résidences pour se réfugier en famille, chez des amis, loin de la zone universitaire. De malheureux innocents ramassent des balles perdues au passage. D’autres, ciblés, trépassent. Le bilan of- ficiel de toutes ces victimes ? « Zéro », comme l’annonce à la télévision nationale, pince-sans rire, le ministre de la Communication de l’épo- que, Augustin Kontchou Kouomegni, surnommé depuis « Zéro mort ». C’est ainsi qu’en 1991, Senfo Tonkam, le prési-dent du Parlement et tous ses camarades sont définitivement radiés de toutes les universités du Cameroun et prennent le chemin de l’exil, alors qu’une réforme universitaire va suivre.
Décembre 2005
Comme en 1990 et en 1995, les autorités universitaires, incapables de faire face aux revendications des étudiants font appels aux milices pour intimider et casser la grève.
A Ngoa Ekelle, c’est désormais la chasse à l’étudiant gréviste. Et de quelle manière ? Un étudiant membre de l’Association de Défense des Droits des Etudiants du Cameroun (Addec) que Le Messager a approché explique : " Des individus qui ne sont ni étudiants, ni membres des forces de l’ordre encore moins du personnel d’appui de l’université, parcourent aussi bien de jour comme de nuit le campus et la cité universitaire de Yaoundé I pour arrêter et molester physiquement les étudiants. Une prison a même été installée au sein du rectorat et nos camarades qui y sont gardés sont cruellement maltraités par ces individus qui agissent sous les ordres des autorités universitaires dont Madame le recteur en personne ".
2006
Pour dénoncer le processus de scissions, de liquidations et autres privatisations des sociétés d’Etat, en général, et particulièrement de la Camair, les présidents et secrétaires généraux des organisations syndicales des travailleurs du Cameroun ont décidé de taire leurs divergences.
Ce qui s’est d’ailleurs traduit par la signature de chacun d’eux sur le communiqué ayant sanctionné leur rencontre du 17 juillet 2006 avec le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Robert Nkili. Il s’agit notamment de Maximilien Ntone Diboti de la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (Cstc), Flaubert Moussole de l’Union des syndicats libres du Cameroun (Uslc), René Bernard Ekedi de la Confédération générale des travailleurs-Liberté (Cgt-L), Isaac Bissala de l’Union générale des travailleurs du Cameroun (Ugtc), Oumarou Mougoue de la Confédération des syndicats indépendants du Cameroun (Csic ) et Louis Sombes de la Confédération des syndicats autonomes (Csac). Mais l’action attend toujours...
2007

Grève universitaire en 2007

Grève à la SCDM en 2007
Ambiance inhabituelle, ce mardi 23 mars à la société camerounaise de métallurgie (Scdm), au quartier Ndogsimbi à Douala. Assis à même le sol, groupés par endroits, les employés (150 personnes) de cette entreprise observent le mot d’ordre de grève lancé par leurs vingt-et-un (21) camarades licenciés il y a treize jours. Quelques gendarmes, en faction dans la cour, observent en silence.
Sur le mur extérieur et sur un portail à l’intérieur, on peut lire : “ Arrêt pour non-respect de l’article 40 du code du travail camerounais.” A un jet de pierre, l’avocat, les huissiers de l’entreprise et quelques membres de la direction devisent.
Selon les 21 employés virés, leurs licenciements n’ont respecté aucune procédure. “ Le 21 mars, juste après la récréation, le patron nous a appelé en présence d’un huissier, pour nous partager des enveloppes contenant des lettres de licenciement. Nous étions surpris. Face à notre étonnement, ils nous ont fait savoir qu’il y a suppression de certains postes. Ni les délégués, ni les syndicats, ni l’inspecteur du travail n’ont été saisis. Nous leur avons demandé d’aller déposer nos enveloppes à l’inspection. Ils nous ont révélé que le blanc a dit qu’il ne passe pas par l’inspection de travail. Vers la fin du mois, nos délégués ont évoqué notre situation au cours d’une réunion avec le patron. Les délégués lui ont demandé en vain de nous reverser au moins le salaire du mois pendant que la procédure suit son cours ”, raconte M. Sema, lamineur, porte-parole des grévistes.
Par ailleurs, les grévistes justifient leur mouvement par une lettre envoyée au Dg de la Scdm le jour de leur licenciement, par la délégation provinciale du travail et de la sécurité sociale du Littoral (Dptssl). Dans cette lettre, la Dptssl fait savoir que “ les licenciements ont été opérés en violation flagrante des dispositions de l’article 40 du code du travail camerounais. ” Par la suite, elle demande la réintégration des 21 employés licenciés. A ce jour, le Dg n’a pas réagi, du moins selon les dires des employés.
Parmi les licenciés, on dénombre des travailleurs du service de gardiennage, des personnels de l’atelier forge, la standardiste, un agent commercial, un magasinier et la “ bonne ” du directeur général. Ils déplorent tous la méthode par laquelle leur patron a décidé de se débarrasser d’eux. M. Bakele, contrôleur à la fabrication, explique : “ La loi prévoit qu’en cas de suppression des postes, le directeur général doit écrire au délégué du personnel de la société et à l’inspection du travail. Après trois mois, ces correspondants se réunissent. Et ils peuvent prendre une décision commune comme le prévoit code du travail. De même, l’article14 de notre règlement intérieur stipule à l’alinéa 10 qu’il doit y avoir une tripartite entre l’inspection du travail, les délégués et notre syndicat. Le directeur n’a pas suivi cette procédure. ”
Approchés par Le Messager alors qu’ils devisaient dans la cour de l’entreprise, des dirigeants de la Scdm ont refusé de s’exprimer sur cette affaire.
Septembre 2007
Selon une information relayée par la Crtv Radio (Poste national) dans son journal de 17h d’hier, Abong-Mbang, chef-lieu du département du Haut Nyong (province de l’Est), a été le théâtre d’une émeute mettant aux prises les forces de sécurité aux populations locales. Les affrontements ont laissé deux élèves sur le carreau. Trois autres élèves sont grièvement blessés (Ndenke Gilbert, fracture au femur droit ; Gaom Meyasse Yves, fracture aux métastases ; Andjin Jude Alexis, plaie au thorax). Tous sont élèves au Lycée Classique d’Abong Mbang. Ils sont évacués à Yaoundé (CHU) pour des soins sanitaires plus appropriés.
A en croire la Crtv, les manifestants protestaient contre les coupures intempestives du courant électrique. Depuis quatre mois en effet, la cité serait privée d’électricité et d’eau potable. Les désagréments ont connu leur pic lors des examens de fin d’année, en juin 2007. Les populations espéraient le rétablissement de l’énergie électrique et de l’eau potable avant la rentrée scolaire.
Les populations avaient déjà menacé en donnant un préavis de manifestation aux autorités. Mais elles n’ont jamais été prises au sérieux. Elles sont donc passées de la parole aux actes hier. Effrayé par l’envergure de la manifestation, le préfet serait sorti, renseigne-t-on, avec un pistolet. C’est cette arme qui aurait craché le feu fatal. Par la suite, la foule en furie a mis à sac les services publics. La préfecture, de même que la résidence et le véhicule du préfet, sont incendiés. Aux dernières nouvelles, le “ chef de terre ”, M. Essama Sylvestre, aurait pris la fuite.

LES EMEUTES DE 2008 AU CAMEROUN
En février 2008
, la révolte

Sur fond de protestation contre la modification de la constitution, le mot d’ordre de grève donné par les syndicats des transporteurs contre la hausse du carburant plonge la capitale économique du Cameroun dans le chaos.
Tôt dans la matinée, les rues étaient vides. Pas une voiture ni un benskineur (moto taxi) ne circulait. Ecoles, bureaux et commerces sont fermés. Le mot d’ordre de grève lancé par les syndicats des transporteurs contre la hausse des carburants, et basé sur le concept de « ville morte », est donc bien respecté.
Quelques picks-ups transportant des forces anti-émeutes passent en trombe. Déjà, on signale de violents affrontements entre gendarmes et jeunes d’un quartier périphérique de Douala, qui brûlent stations-service, pneus et voitures. Un habitant joint par téléphone témoigne :
« Il y a plusieurs barrages enflammés. Les gens sont très énervés. La police a bouclé le quartier. »
Mais très vite la situation dégénère et touche d’autres points de la ville. Plusieurs personnes font part de pillages et de coups de feu. Dans les quartier populaires, les jeunes commencent à poser des barrages empêchant les gens de passer en voiture. La sous-préfecture, le centre des impôts et la marie du cinquième arrondissement de la ville, fief d’une figure emblématique et contestée du RDPC le parti au pouvoir, ont brûlé.
Selon une radio locale, des policiers auraient été pris en otage par la population. Faisant allusion au harcèlement policier que subit quotidiennement la population, le présentateur indique que « le chasseur est devenu gibier ». A la sortie de Douala, les gendarmes ont fui leur poste.
« Si Paul Biya s’entête dans son projet, nous allons demander sa démission. »
Selon plusieurs informations non confirmées, il y aurait déjà plusieurs morts. Jean Michel Nitcheu, coordinateur du Social democratic front (SDF), principal parti d’opposition, enrage :
« Comme d’habitude, alors que les gens font une manifestation pacifique, les forces de l’ordre viennent provoquer la population, comme cela s’est passé après notre meeting. »
Selon la préfecture, l’armée intervient, la police étant débordée, ce qui a été constaté sur place.
Dès dimanche, des éléments de l’armée sont venus de Yaoundé, capitale politique, renforcer les effectifs de Douala en prévision de la grève du lendemain. Car la situation était déjà tendue le 24 février en raison des événements de la veille.
Une manifestation de plusieurs centaines de militants du SDF avait été brutalement réprimée par le cordon de sécurité déployé dès 5 heures du matin, faisant deux morts et plusieurs blessés. Les émeutes se sont poursuivies durant la nuit. Le SDF protestait contre la volonté du président Paul Biya de modifier la constitution afin de se représenter aux élections présidentielles de 2011. Au pouvoir depuis vingt-cinq ans, et effectuant son dernier mandat, il s’est déclaré favorable au projet proposé par ses partisans, lors de son discours de fin d’année. Selon le chef d’Etat, la majorité des Camerounais y est favorable.
Dès janvier, plusieurs marches de protestation de partis d’opposition et d’organisations de la société civile sont organisées. Le 18 janvier, le gouverneur de la province interdit toute manifestation publique. L’arrêté est perçu comme un bâillonnement de l’expression démocratique. Mais les marches se poursuivent, systématiquement réprimées par les forces de l’ordre. Une télévision locale, Equinoxe, a été fermée jeudi dernier par les autorités pour « non paiement de la licence ». Elle diffusait des images sur les manifestations.
La grève touche également Yaoundé et les grandes villes de l’Ouest. Jean Michel Nitcheu poursuit :
« Ces événements vont montrer à Paul Biya que le peuple adhère à la grève, qu’il s’oppose à la modification de la Constitution, qu’il est pour le changement et qu’il en a marre de vivre dans la misère. S’il s’entête dans son projet, nous allons demander sa démission. »
Pour Achille N’kotto, organisateur du « Front du non », la solution se trouve dans une « consultation de toutes les parties » :
« Si le pouvoir passe par la force, les violence risquent de continuer. »
Le Cameroun -17 millions d’habitants- est un pays qui va plutôt mal malgré une remise de dette de 3,6 milliards d’euros en avril 2006 par les bailleurs de fonds. Le PIB par habitant stagne et les prévisions de croissance sont passées de 3,2% en 2006 à 2,7% en 2007, bien en-deçà des 5% espérés. Des milliers de jeunes diplômés se retrouvent sans avenir professionnel et cherchent à quitter le pays. Depuis plusieurs années, les systèmes éducatif et de santé se dégradent.
Ces tensions sociales ne sont pas nouvelles : en octobre dernier par exemple, deux manifestations d’étudiants contre les coupures d’électricité à l’est du pays avaient occasionné la mort de deux personnes. La corruption n’est pas jugulée malgré quelques procès retentissants de gestionnaires d’entreprises publiques. Régulièrement, la presse locale relate des cas de détournements de fonds publics par de hauts fonctionnaires ou dénonce leur train de vie luxueux, ce qui alimente la rancœur de la population.

En mars 2008
La répression fait 100 morts
Combien de morts au Cameroun au cours du vaste mouvement de révolte de la semaine dernière ? Personne n’est capable, à l’heure actuelle, de donner un chiffre précis. Mais, selon un décompte provisoire réalisé vendredi 29 février par Madeleine Afite, de la Maison des droits de l’homme du Cameroun, il pourrait s’élever à plus d’une centaine de morts, dont une bonne partie dans la seule ville de Douala, capitale économique du pays. Comme au début des années 1990, lors du mouvement de protestation « villes mortes » qui avait abouti à des élections multipartites « libres », le régime du président Paul Biya n’a pas lésiné sur les moyens militaires et policiers pour mater la population.
Parti de Douala lundi 25 février avant de gagner la capitale politique, Yaoundé, et les principales villes de l’Ouest et du Nord-Ouest du pays (Bafoussam, Bamenda, Dschang, Loum, Bafang, etc.), le mouvement de contestation a une double origine, sociale et politique.
Sociale d’abord puisque les Camerounais sont, à l’instar de nombreux autres Africains, pris à la gorge depuis des mois par la hausse vertigineuse du coût de la vie, consécutive à l’explosion du prix du pétrole. Mais la révolte est également politique, le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 1982, ayant annoncé une « révision constitutionnelle » qui lui permettrait de briguer un nouveau mandat en 2011. Echaudée par l’interdiction depuis le 18 janvier de toutes les manifestations organisées contre ce projet et profitant de la paralysie du pays par la vaste grève lancée par les transporteurs routiers lundi 25 février contre les prix du carburant, la jeunesse camerounaise a investi les rues des grandes villes pour exprimer son ras-le-bol généralisé.
« Baissez le prix du ciment ! », « Non à la dictature ! », « Laissez-nous vivre ! ». Tels étaient, selon les témoins, quelques-uns des slogans entendus lors de ces cortèges improvisés. Mais les autorités, dont la principale ambition consiste à défendre M. Biya pour continuer à bénéficier des privilèges et des faveurs que leur accorde le régime, n’ont trouvé d’autre solution que de boucler militairement les quartiers et de faire tirer sur les « émeutiers ». Les habitants s’étant terrés chez eux, les manifestations se sont ainsi rapidement transformées en batailles rangées, derrière les barricades et les pneus enflammés, entre jeunes militaires et jeunes protestataires.
La vie semble reprendre un cours normal (après intervention parfois musclée des forces de l’ordre pour faire rouvrir les commerces). Si la psychose paraît avoir gagné une bonne partie de la population, les habitants de Yaoundé acceptent de raconter comment ils ont vécu les jours sanglants. Difficile de faire le tri entre la rumeur et l’information. Mais les récits sordides qui parviennent de Douala et des autres villes camerounaises, et les quelques images de cadavres atrocement mutilés que la presse locale commence à publier, confirment que les forces de l’ordre n’ont pas fait dans la dentelle.
La chasse à l’homme est d’ailleurs loin d’être terminée. Maintenant que les mitrailleuses se sont tues, et que les hélicoptères et les chars ont été remisés, les observateurs s’inquiètent de la répression souterraine qui a été déclenchée immédiatement après la très martiale déclaration télévisée du président Biya, mercredi soir 27 février. A peine avait-il mis en garde les « apprentis sorciers » qui, selon lui, manipulent la jeunesse à des fins politiques et assuré que « tous les moyens légaux dont dispose le gouvernement seront mis en œuvre pour que force reste à la loi », des centaines de jeunes anonymes étaient déférés devant les tribunaux et condamnés, sans témoins, à des années de prison.
A écouter les familles qui attendent avec anxiété devant le palais de justice de Yaoundé, il ne fait aucun doute que des centaines d’innocents, souvent très jeunes, ont été arrêtés au hasard, dans la rue ou chez eux, pour être envoyés dans les mouroirs que constituent les prisons camerounaises. Ce que confirment les quelques avocats qui ont approché les « suspects » et qui dénoncent une pure et simple « parodie de justice » ayant pour unique objectif d’étouffer dans l’œuf toute nouvelle contestation.
Preuve que le pouvoir craint une reprise de la contestation, ou que certains fonctionnaires zélés cherchent, coûte que coûte, à accréditer la thèse du « complot » claironnée par le chef de l’Etat lors de son allocution télévisée du 27 février, le militant Mboua Massock est porté « disparu » depuis samedi. Instigateur des « villes mortes » dans les années 1990, il avait appelé à un rassemblement pacifique à Douala pour le samedi 1er mars, rassemblement qui a finalement été empêché par le quadrillage militaire du quartier. L’artiste « Joe la Conscience » qui menait une grève de la faim contre la révision de la Constitution devant l’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé serait quant à lui incarcéré au Secrétariat d’Etat à la défense (SED). Les deux hommes avaient déjà été arrêtés, respectivement les 16 et 17 février derniers. Et le fils de « Joe la Conscience », âgé de 11 ans seulement, a été tué par balle la semaine dernière par les forces de l’ordre. D’autre part, on apprend la mort d’un autre opposant, Jacques Tiwa.
Les médias sont également dans la ligne de mire. A Douala, la chaîne de télévision et la station de radio du groupe privé Equinoxe, fermées par les autorités après la diffusion des images de répression policère, n’a toujours pas reçu l’autorisation d’émettre. A Yaoundé, la radio privé Magic FM, réputée pour ses émissions interactives, a été fermée manu militari, et son matériel subtilisé par une escouade de gendarmerie jeudi 28 février, alors que les auditeurs commentaient le discours présidentiel de la veille. Ainsi mis en garde, les autres médias audiovisuels montrent une très grande prudence, préférant diffuser en boucle des « messages d’apaisement », des émissions de variété et des cérémonies religieuses…
Rien ne s’est amélioré au Cameroun après quinze ans d’« ouverture démocratique ». « Dans les années 1990, les mouvements étaient structurés, organisés, se souvient un responsable associatif rencontré au quartier Melen (Yaoundé). Ce n’est plus le cas aujourd’hui : personne ne contrôle rien du tout ». Un peu dépassé par les événements malgré des années de travail avec les jeunes des quartiers les plus déshérités de Yaoundé, ce responsable associatif ne peut que souscrire au sentiment général : « le pire est à venir ».
Tel est le triste bilan après vingt-cinq ans d’un régime Biya qui a réussi, par la répression, la corruption et le trucage systématique des élections (avec l’assentiment des gouvernants français) à broyer, compromettre ou tout simplement « acheter » ceux qui, il y a quinze ans, avaient incarné le changement. Alors que la précédente génération contestatrice avait bénéficié d’importants relais politiques, sociaux et médiatiques, et était portée par l’espoir d’une rupture radicale, la jeunesse camerounaise d’aujourd’hui sait qu’elle ne peut plus compter que sur elle-même.
Emeutes en avril 2008

En septembre 2008 ...
Les activités ont été perturbées lundi et mardi au Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC), puisque des personnels qui observent un mouvement de grève pour exiger la régularisation de leur statut social ont décidé de bloquer l’accès à l’entreprise.
Plus de deux cents travailleurs, constitués en majorité des temporaires ayant effectué pour d’aucuns plus trois ans travail sans être embauchés, ont décidé d’observer un débrayage, suite à la décision de la direction générale de se séparer d’eux « sans autre forme de procès ».
Munis de pancartes, où on pouvait lire, « nous demandons à être recrutés ou indemnisés », « les stagiaires sont embauchés pour une durée de six mois et non pour trois ans », « nous luttons pour notre avenir parce que nous sommes dans nos droits », les manifestants ont pu être délogés chaque fois, avec l’intervention des forces de l’ordre.
Selon des manifestants, ces derniers auraient pu être embauchés depuis un an, ceci après avoir suivit la formation ainsi que des tests psychotechniques au cours d’une séance de sélection organisée par l’entreprise.
« Au terme de cette formation, nous étions supposés être embauchés, ou du moins signé un contrat de travail. Mais suite aux perturbations qu’a connu l’entreprise, nous nous retrouvons aujourd’hui sans emploi, et pire, la direction refuse de nous payer quelque indemnité que ce soit », ont souligné les manifestants.
Les grévistes qui ont affiché leur détermination jusqu’à ce que « justice soit faite », ont déclaré avoir épuisé toutes les voies du dialogue.

En août 2008...
Une grève des releveurs paralyse depuis quelques jours les activités de l’AES SONEL, la société américano-camerounaise chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l’énergie électrique au Cameroun, a constaté mercredi APA à Douala.
Les releveurs qui demandent leur intégration comme employés de AES SONEL après « plus de quatre années comme temporaires », ont décidé de se mettre en grève.
« Nous sommes fatigués d’entendre les mêmes promesses alors que concrètement, rien n’a changé. Pourtant, après une période d’essai de trois mois renouvelable une fois, nous devions déjà être engagés conformément à la législation du travail au Cameroun », ont souligné les grévistes.
Cette grève qui tend à se durcir pourrait avoir de grosses conséquences dans les prochaines semaines, avec un risque de voir les recettes diminuer, puisque de nombreux abonnés pourraient ne pas recevoir leur facture de consommation du mois d’août.
Les tentatives de conciliations menées par les syndicats, en occurrence, la Confédération générale des travailleurs (CGT-Liberté), la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC) et l’Union des syndicats libres du Cameroun (CSTC), n’ont rien donné.

En octobre 2010...
Les chauffeurs de taxi de la ville de Kumba rentrent dans une grève massive ce jeudi d’après les médias locaux. L’annonce a été faite par un groupe composé de conducteurs de taxi de cette ville anglophone du Cameroun.
Le mouvement de protestation fait suite aux actes de brutalité dont auraient été victimes plusieurs chauffeurs de taxi dans la nuit de lundi à mardi 12 octobre dernier. La Brigade d’Intervention Rapide (BIR) est particulièrement indexée dans cette sombre affaire par les professionnels des transports urbains présents dans la localité de Kumba.
Des éléments du BIR ont en effet interpellé plusieurs chauffeurs de taxi dans la nuit de lundi à mardi lors d’un contrôle nocturne selon plusieurs témoins. Les véhicules présentant un défaut d’éclairage (le moindre phare défectueux) ont immédiatement été saisis et ensuite mis en fourrière par les éléments du BIR.
Une légère altercation se serait produite entre les militaires et les chauffeurs de taxi qui contestaient la légitimité d’un tel contrôle par une unité militaire (le BIR) qui n’en a légalement pas la charge. Plusieurs chauffeurs interpelés auraient été blessés par les hommes en treillis.
Les éléments du BIR, auteurs de l’opération de saisine des véhicules, auraient exigé que chacun des propriétaires des véhicules saisis débourse la somme de 5.000 FCFA (soit 8 euros) pour pouvoir rentrer en possession de son bien. C’est la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase.
Pour rappel, tout soulèvement populaire dans la zone anglophone du Cameroun, quelque soit son ampleur, serait actuellement très mal venu pour le gouvernement qui prépare activement l’arrivée imminente de Paul Biya à Bamenda (ville proche de Kumba. Le déplacement présidentiel devrait s’effectuer avant la fin de l’année 2010. Nous y reviendrons.