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Méthodes de lutte des centrales syndicales et méthodes ouvrières

lundi 1er novembre 2010, par Robert Paris

Nous allons montrer dans cet article que, même si bien des travailleurs et bien des militants ont été pris au piège des méthodes de l’Intersyndicale, tout oppose les deux méthodes, celle des centrales syndicales et celle des travailleurs en lutte : les buts, les perspectives, les moyens, les formes d’organisation, les revendications, les formes de lutte et les résultats.

Si on commence par les résultats, il est clair et les centrales le répètent suffisamment que, pour elles, l’achèvement d’une lutte est un accord avec les patrons en vue d’une nouvelle collaboration. La négociation n’est même pas un moyen mais un but et les dirigeants syndicaux sont des négociateurs qui passent le plus clair de leur temps à blablater avec les patrons et le gouvernement...

Dans le sens des intérêts de classe, l’aboutissement d’une lutte de classe qui monte est une rupture avec la logique patronale et même, si la lutte de classe va jusque là, avec la société capitaliste.

On mesure toute la distance...

En ce qui concerne les formes d’organisation, il est clair que les centrales - toutes de manière unanime - sont contre des formes d’organisation et de décision à la base, des comités, des conseils, des collectifs, des coordinations, quelle que soit la manière dont on les appelle : comités de grève, comités de lutte, comités d’action, comités de quartier, comités inter-entreprises, comités interprofessionnels...

L’organisation de classe, en comités qui interfèrent de plus en plus dans la société jusqu’à la prise du pouvoir, menace l’ordre existant et révèle aux travailleurs eux-mêmes leur capacité à diriger la société et le sens dans lequel ils souhaitent la diriger.

Toute forme d’organisation de classe, même embryonnaire, remet en question l’ordre social dont les appareils syndicaux sont un des piliers.

Les centrales syndicales visent à convaincre les travailleurs qu’elles feront tout très bien à leur place, comme avocats, comme assurance, comme sécurité, comme négociateurs, comme décideurs des des rythmes et moyens de lutte... Elles trouvent les revendications, les décident et les discutent avec patronat et Etat, tout cela sans consulter les travailleurs et même pas leurs militants ! Par exemple, la CGT a signé le "Contrat social de crise" qui prévoit comment Renault sacrifie les salariés sans que leurs militants en aient été informés ! Ils avaient bien fait des consultations mais toutes disaient que la signature était minoritaire...

A l’opposé, le but numéro un des comités, c’est que les travailleurs décident, discutent de tout devant tout le monde, en se soumettant au maximum au choix des travailleurs. Pas par goût des réunions sans fin mais parce que c’est ainsi que les travailleurs renforcent leur capacité de lute et de changement social.

Et ils combattent férocement toute tentative de les mettre en place, prétendant qu’il suffit d’assemblées générales dans lesquelles les propositions viennent seulement des syndicats, c’est-à-dire de leur direction.

Centrales syndicales et classe ouvrière ne défendent même pas les mêmes intérêts. Il suffit pour le montrer de voir que les centrales s’estiment victorieuses du dernier conflit et que les travailleurs ont été battus. L’intérêt des centrales est d’obtenir la reconnaissance des patrons et de l’Etat ce qui les oblige régulièrement à s’appuyer sur la force de la classe ouvrière afin de contraindre leurs interlocuteurs à ne pas trop baisser les prix payés aux syndicats pour leurs services. Une petite démonstrations ans danger de temps en temps suffit....

Tout oppose :

 conscience de classe et collaboration de classe,

 organisation de classe et bureaucratie,

 lutte de classe et ballet journée d’action/négociations

 lutte allant vers la rupture avec le capitalisme et la destruction de l’Etat bourgeois et concertation patronat/syndicats.Etat.

Quand les centrales syndicales se plaignent, ce n’est pas du mode d’organisation de la société bourgeoise mais du fait qu’elles ne sont pas assez entendues ou même assez écoutées. Elles ont arrêté bien des mouvements qui partaient forts simplement parce qu’elles avaient obtenu des négociations et sans le moindre engagement, comme récemment à Total et à l’Hôpital public.

La lutte des classes aiguise l’opposition entre exploiteurs et exploités.

La lutte des centrales syndicales l’émousse, l’épuise, l’étouffe, la détourne.

L’idéologie des centrales syndicales est l’illusion d’un capitalisme qui profiterait de manière équilibrée à la fois aux travailleurs et aux capitalistes. Autant dire qu’en période de crise du système un tel discours est plus qu’irréaliste : dangereux !

Pour les centrales syndicales, l’Etat est un intermédiaire qui permet la discussion et l’entente avec la patrons sur des bases équilibrées. La lutte, quand il le faut entre deux négociations, mène à un nouvel équilibre.

La conscience de classe montre, à l’inverse, que l’Etat n’est rien d’autre qu’un instrument de la classe dirigeante contre les travailleurs et qu’il ne sert à rien de demander à bouc de donner du lait...

La conscience de classe, c’est la conscience de la nécessité pour les travailleurs, dans l’avancée de la société, de renverser la direction de la classe capitaliste dont l’Etat bourgeois n’est que l’expression.

Il faut remonter avant la première guerre mondiale pour trouver des syndicats qui tenaient un discours de classe. Cela ne veut pas dire qu’ils ont tenu compte de l’évolution des sociétés modernes. cela veut dire au contraire, qu’à l’époque impérialiste où la lutte de classe est exacerbée, ils ont changé de camp !

QUELLES LEÇONS DANS LE DERNIER MOUVEMENT DES RETRAITES

En septembre-octobre dernier, les centrales syndicales ont mis en oeuvre toute la palette des moyens qu’elles estiment utilisables vue la situation, c’est-à-dire des moyens permettant de faire croire qu’elles mènent la lutte mais sans jamais mettre en cause la classe dirigeante et l’Etat.

La suite de l’article vise à montrer ce que l’on aurait pu faire si la classe ouvrière voulait agir exactement en sens contraire des méthodes des centrales syndicales. Quelle politique dans les luttes peuvent en effet défendre les militants conscients auprès de leurs camarades de travail ?

Rappelons d’abord ce que nous écrivions sur les méthodes de lutte des centrales syndicales

Quelle différence y a-t-il entre un appel intersyndical à sept journées d’action séparées et une classe ouvrière s’attaquant à la classe dirigeante par sept jours de grève générale d’affilée ? Quelle différence y a-t-il entre des grèves localisées qui ne sont unies que lors de "journées" et un mouvement qui s’étend, gagne de nouveaux secteurs par l’action des travailleurs eux-mêmes ? Quelle différence y a-t-il entre des syndicats qui admettent "la nécessité d’une réforme" et contestent seulement le manque de négociation et des organisations qui préparent le combat contre le capital ? Quelle différence y a-t-il entre une cheminée et une tuyère d’avion ? La première ne fait que lâcher la vapeur de la combustion et la deuxième la propulse. Les syndicats n’ont organisé que des lâchers de vapeur de la colère sociale. Ceux-ci ne risquaient pas de propulser bien loin la lutte sociale ! Ils ne risquaient pas de répandre la peur chez nos ennemis de la grande bourgeoisie. La force des travailleurs n’est pas dans des journées devenues des espèces de journées fériées puisqu’on conseille quasiment aux salariés de prendre des RTT. Elle ne consiste pas en des promenades sur les boulevards, même répétées... Car, à chaque fois, on rentre chez soi et on laisse retomber la lutte. On laisse isolés ceux qui continuent la grève. On laisse isolés la lutte des travailleurs des entreprises qui ferment ou licencient. On laisse isolée la lutte des ports. On laisse isolée la lutte de l’hôpital Tenon que les syndicats ne veulent pas élargir à l’ensemble de la Santé. On laisse isolés les infirmiers anesthésistes. On laisse isolée la lutte des terminaux pétroliers. On clame la solidarité des travailleurs autour d’eux mais on les abandonne sous prétexte de décisions démocratiques des assemblées générales. La force des travailleurs n’est pas seulement de bloquer, ici ou là, un moyen de transport, un dépôt pétrolier ou même une usine. La force des travailleurs, c’est de se réunir sur leurs lieux de travail, par delà les professions, les sites, les entreprises, les catégories

Alors commençons ensemble à imaginer ce que serait le mouvement de lutte des retraites si ce n’étaient que les intérêts des travailleurs qui le dirigeaient et pas les petits et grands calculs des dirigeants syndicaux...

Examinons ce que feraient des dirigeants ouvriers soucieux de l’intérêt de classe et aussi ce que feraient les militants locaux défendant le même type de politique.

Tout d’abord, aucun d’entre eux n’auraient accepté de participer à des négociations qui disaient d’avance le but : s’attaquer aux retraites.

Ensuite, ils n’auraient jamais donné comme objectif de se retrouver à la table des négociations.

Ensuite, ils auraient fait campagne dans tout le pays pour le maintien des retraites sans toucher ni à la date dé départ, ni au montant des retraites ni à la date de départ à taux plein. Ils auraient annoncé que le terme même de réforme signifiait des sacrifices pour les travailleurs et pas pour les profiteurs. Voilà en ce qui concerne le début de la campagne d’idées, pour reprendre le terme des centrales syndicales, campagne qu’elles prétendent avoir gagné en justifiant la "bonne réforme"...

Mais, sur le fond l’essentiel est ailleurs : ces militants auraient fait campagne pour expliquer ce qu’est la crise du capitalisme et à quel point ce système est en train de rendre l’âme et ne doit pas emporter nos vies avec...

Dans la méthode, une telle campagne aurait eu une tout autre allure que les campagnes syndicales. On aurait appelé les travailleurs et les militants à faire des rassemblements-débats sur les marchés, dans les gares, à la sortie des entreprises... Il ce serait agi d’une campagne d’agitation avant même que l’on parle de grève. Arrêter le travail n’est pas une panacée et ne doit se faire que quand on est vraiment prêts à en découdre jusqu’à la victoire...

Tout d’abord, il fallait partir des secteurs déjà en grève, que ce soit sur les retraites ou pas. En effet, c’est une seule et même lutte que mènent aujourd’hui les travailleurs que ce soit sur les emplois, les salaires, la défense des services publics, la santé, les sans papiers et j’en passe...

Donc partir de la lutte des raffineries, des ports, de l’hôpital Tenon, des infirmières anesthésistes, des urgences, des entreprises qui licencient, des éboueurs et bien d’autres...

Faire en sorte que tous les autres secteurs popularisent ces luttes, que la lutte sur les retraites devienne un vaste moyen de faire gagner ces luttes d’un secteur, d’un site, d’une entreprise en faisant venir des salariés de partout dans des grands meetings de soutien.

Puis, inversement, en faisant venir les salariés déjà en grève dans les assemblées générales de débat des entreprises qui ne l’étaient pas encore.

Faire monter la pression avant de lancer une lutte générale...

Les centrales syndicales répètent à l’envi que la grève générale ne se décrète pas. Mais la réalité est surtout qu’elles n’en veulent pas. Même en 1936 et 1968, il y a eu de fait la grève générale mais vous seriez bien en peine de trouver de leur part un appel à la grève générale. Elles ont, par contre, lancé des appels multiples à la reprise du travail.

Non pas que la grève générale soit en soi plus révolutionnaire qu’un autre mode d’action. Mais parce que la classe ouvrière peut prendre conscience de sa force et passer à l’offensive contre la société capitaliste et son pouvoir politique.

C’est qu’il est important de comprendre que la grève ouvrière n’a de force que si elle prend conscience de son rôle politique : la remise en cause du pouvoir capitaliste sur la société.

Si une grève générale est transformée par des appareils réformistes, politiques et syndicaux, en un simple blocage économique, alors elle devient un hochet ridicule. Si la grève générale se couple du développement des comités ouvriers qui se fédèrent, prennent des décisions pour toute la société, deviennent la référence de tous, alors le pouvoir capitaliste est menacé.

QUELQUES CONCLUSIONS

1°) Nous organiser sur des bases de classe, indépendantes de la bourgeoisie et donc indépendantes des appareils réformistes syndicaux et politiques

2°) Mener nous-mêmes la lutte par des organismes fondés par nous et se basant sur la dynamique du mouvement, avec des délégués élus et révocables et des décisions prises devant tous et révocables seulement par tous

3°) Unir toutes les luttes de travailleurs en un vaste combat dirigeant ses coups contre la classe dirigeante et remettant en question son droit à diriger la société

4°) Développer la conscience que l’on ne parviendra à satisfaire les revendications ouvrières qu’en se débarrassant de la domination du Capital sur le Travail et en détruisant définitivement l’’Etat capitaliste.

Messages

  • Bonjour tout le monde.
    Il y avait une AG de la CGT "xxx" en début d’après-midi.
    Enfin AG est un bien grand mot. C’était plutôt un OMNI, Objet Militant Non Identifié.
    Il y avait eu hier aux cantines un tractage pour une "réunion d’information". Je l’avais raté, j’étais à une autre AG (une vraie celle là).
    Bref, on arrive et le secrétaire du syndicat CGT nous annonce une "AG d’information".

    Hein ?
    C’est quoi ça ?
    C’est nouveau, ça vient de sortir ?
    Évidement, une AG, on vote à la fin.
    Alors que pour un OMNI...
    Bref, on commence la réunion d’infor... et non pardon l’AG.... enfin l’OMNI quoi et, très vite, on voit trois tendances.

    1ère tendance : les Radicaux, moi, quelques camarades de ma boite et d’autres boites extérieures et même, excellente surprise, des camarades de la CGT "xxx", si, si, j’étais pas bourrée, je le jure.
    Les Radicaux appellent évidement à des actions fortes, lancent même les gros mots : Blocage du site. Gloups, ça fait peur.

    2ème tendance : les IS (InterSyndicaux) avec notre camarade, bien connu sur la ville, JJ. Les IS, dans l’ordre, pleurent et se lamentent que l’OMNI ne soient pas intersyndical et, ensuite, appellent avec des trémolos dans la voix, à l’unité intersyndicale. Le vocabulaire des IS est très spécifique, leur façon de s’exprimer est très spéciale avec, dans chacune de leurs phrases, les termes "unité" ou bien "union".

    3ème tendance : les RMP (Réformistes Mous et Pétochards) , c’est à dire toute la direction du syndicat CGT "xxx" et, même quelques supporters (qui les applaudissent mais pas trop forts, c’est des RMP après tout). L’objectif des RMP est clair. Pour nos prochaines gentilles journées d’action, on va faire des gentilles distributions de gentils tracts, on organisera des gentils voyages en cars pour emmener les gentils salariés aux gentilles manifs où on chantera des gentilles chansons et on rentrera gentiment travailler. Les RMP sont pas contents quand les Radicaux disent les gros mots : blocage du site. Un Radical, ancien CGT qui a rendu sa carte, écœuré, à son syndicat après 25 ans d’adhésion (en disant un truc du style prendre la carte, la rouler fin, fin, fin et la glisser je n’ai pas compris où) interpellera même un des responsables RMP (administrateur salarié je crois ou un truc du même genre) en lui disant : toi tu me parles comme un CGT, tu me parles pas comme un patron !

    Après un débat aux interventions diverses, multiples et variées , où j’envisage très sérieusement de me remettre à boire, je me casse avec mon pote, le DS de ma boite, le seul CGT non RMP de ma connaissance à ne pas picoler.

    En fin de journée, je croise un représentant des IS, le camarade JJ déjà cité et il m’apprend que
     l’OMNI, n’a été suivi par aucun vote (normal, c’était pas une AG)
     il y a eu ensuite une réunion intersyndicale (et oui...)
     le 28, on fera comme le veulent les RMP, je vous re-détaille pas tout, lisez plus haut
     le vendredi 5 novembre, on fera une grande distribution intersyndicale de tracts intersyndicaux devant le site et, au cas ou, si que des fois, on était assez nombreux, on verrait pour essayer de commencer à envisager le début du commencement de l’amorce des prémisses d’un ... blocage du site.
    Mais chut, faut pas le dire trop fort ou un RMP va nous claquer dans les doigts.

    Ce soir, je ne dis qu’une chose : hasta la victoria siempre mais ça va prendre du temps.

    Sur ce, j’ai bien mérité mon gin-tonic, let’s go !
    Bises.
    D. syndicaliste qui garde le moral malgré tout.

  • Hier et ce matin, Chérèque a été clair dans la trahison : "respecter les biens et les personnes", texte de l’Intersyndicale que notre confédération a aussi honteusement accepté de signer !

    Non, nous ne respectons pas les biens du capital, non nous ne sommes pas du même camp ! Les travailleurs nous soutiennent massivement, jusque dans les blocages gênants, alors, à l’offensive et tant pis pour les ramollis et conciliateurs (largement présents dans nos structures, quoique discrets - mais efficaces dans le sabotage).

  • Là je suis bien d’accord. Il y a tellement de militants d’extrême gauche qui ne se démarquent pas des appareils syndicaux qui nous promènent et nous trompent.

  • « Ce que devraient faire les travailleurs dans leur lutte est ce qui mène à ce qu’ils exercent leur propre pouvoir. »

    F. Engels dans « La situation de la classe ouvrière en Angleterre »

  • Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière : « Il faut une lutte comme en 1936 ou en 1968 »

    C’est un leitmotiv : la classe ouvrière devrait lutter plus.

    Mais, au fait, si elle a si bien lutté en 36 et en 68, qu’est-ce qui a fait défaut alors ? Si on le disait plus souvent dans la propagande ?

    Qu’est-ce qui va faire que le syndicats ne vont pas trahir une fois de plus ? L’existence d’un groupe comme Lutte ouvrière qui oublie de souligner que le problème, c’est que les syndicats aient trahi, aussi bien maintenant qu’en 36 ou en 68 ?

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