Accueil > 10 - Livre Dix : SYNDICALISME ET AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS > Les syndicats ont gagné la bataille de l’opinion contre ... les travailleurs

Les syndicats ont gagné la bataille de l’opinion contre ... les travailleurs

dimanche 31 octobre 2010, par Robert Paris

"Il n’y a pas de défaite", déclarait jeudi le leader de la CFDT François Chérèque. La CFDT estime que, dans son alliance au sein de l’Intersyndicale, elle n’a pas été défaite. Cela signifie en clair qu’elle a réussi à tromper les travailleurs et que l’Intersyndicale s’y est prêtée.
Sans prendre le moindre risque d’être accusées d’avoir attaqué les patrons, les centrales ont fait mine d’avoir continué le mouvement jusqu’au bout. "Cela crée de la confiance à l’égard des organisations syndicales", relève Bernadette Groison, numéro un de la FSU. Sauf que cette confiance est absolument infondée, leurs cris de victoire n’est pas la dernière manière de le montrer.

Centrales syndicales et parti socialiste crient victoire : elles ont gagné la bataille de l’opinion, paraît-il. Il s’agit d’abord de l’opinion concernant les centrales. Elles ont fait tout cela uniquement pour se créditer en somme.

Et Sarkozy, lui, a gagné la bataille des retraites ! Beau partage des rôles, non ? Ils ne menaient pas le même combat, semble-t-il.

Mais alors les centrales syndicales ont gagné du crédit et les salariés ont perdu. Ils n’ont donc pas exactement les mêmes intérêts...

C’est une question intéressante à se poser. Qui a gagné dans ce conflit. Est-ce vraiment Sarkozy ? Ou plutôt ce seraient les patrons qui auraient gagné grâce à Sarkozy !

Donc Sarkozy se battait pour les patrons et contre les travailleurs. Syndicats et partis de gauche se battaient pour y gagner en tant qu’organisation. Le PS en vue des futures élections et les syndicats avaient besoin de se recréditer auprès des travailleurs.

Les centrales syndicales savaient qu’il aurait fallu porter le fer dans la chaire même des intérêts patronaux pour tenter réellement de faire reculer ce projet. ils savaient qu’ils n’allaient pas le faire.Ils laissaient quand même croire aux secteurs les plus déterminés de la classe ouvrière que les journées d’action allaient mener à une véritable grève générale et reconductible. Mais ce n’était pas vrai et Sarkozy savait d’avance qu’ils n’y étaient pas prêts.

Du coup, on a assisté à une tromperie de A à Z.

Et maintenant ? La tromperie est un tel succès que les syndicats répondent, à ceux qui leur demandent des comptes de cet échec, que la lutte n’est pas terminée et que ceux qui les interpellent ont renoncé à la lutte alors que les centrales poursuivent le combat... Une véritable inversion des rôles !

C’est loin d’être le premier échec puisque toutes les luttes syndicales sur les retraites ont été des défaites. Mais celle-ci est particulièrement cuisante puisque des travailleurs ont engagé de vrais grèves et ont été laissé isolés.

Cette fausse idée de la "bataille de l’opinion" a été lancée par la CFDT.

Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a estimé dimanche sur France avoir "gagné la bataille de l’opinion" dans la mobilisation contre la réforme des retraites. Par ailleurs, il a estimé que la mobilisation du mardi 12 octobre est "une des dernières occasions de faire reculer le gouvernement". "On est, trois manifestations de suite, à un niveau de manifestants d’une ampleur rarement égalée", estime le leader syndical. "Ce qui est intéressant maintenant, c’est la durée."

La durée est également un objectif faux. Quand il s’agit de durer dans des méthodes qui n’ont pas d’efficacité comme des journées d’action, des fausses actions à la place de l’entrée en lutte des salariés, de journées d’action sans grèves et autres "bonnes idées" de la CFDT cautionnées par l’Intersyndicale.

La CGT s’inscrit en effet dans le même type de mensonges que la CFDT. En voici un exemple : le dirigeant CGT de Total. Ce dernier estime qu’"on a gagné la bataille des idées. La démonstration d’unité et de force a été faite" Mais quelle est cette démonstration par l’échec ? Les dirigeants syndicalistes mentent. Ils ont obtenu ce qu’ils voulaient : ne pas se déconsidérer et ne pas se battre vraiment contre la bourgeoisie.

Le moyen de cette "victoire" qui n’est pas celle des travailleurs est la stratégie du défouloir et de l’épuisement des travailleurs en lutte...

« On ne peut plus y couper, la responsabilité des entreprises est engagée. Le patronat a voulu cette réforme, sa responsabilité est engagée. Il faut absolument maintenant entrer dans les négociations sur l’emploi des jeunes, l’emploi des seniors, c’est une urgence », a insisté François Chérèque. « Je voudrais dire à François Chérèque que je suis d’accord », a répondu simplement Laurence Parisot. « Je suis d’accord pour qu’on ouvre une délibération sociale, pour voir si on peut, sur ces sujets évoqués par François Chérèque commencer à travailler ensemble », a poursuivi la présidente du Medef.
Les autres partenaires de l’Intersyndicale ont tout cautionné mais ils savent parfaitement qu’ils ont participé à une duperie. Cette manière de voir après la réforme des retraites suggère que la CFDT a déjà tourné la page et acté sa défaite sur le dossier. Une option que refuse Bernard Thibault, qui au cours de la même émission, a assuré que le mouvement « continuera » et « prendra d’autres formes ».

Mais quand la lutte est terminée, la manière de faire semblant de ne pas avoir arrêté, a toujours été de parler d’"autres formes"...

Annick Coupé de Solidaires-SUD accompagne la défaite programmée par ce « pas mal de gens vont encore se demander si ça vaut encore le coup de manifester ».

FO déclare : "Si le duo CGT-CFDT pense d’abord à se partager la carte du paysage syndical, via la loi sur la représentativité, nous, on continue de soutenir tous les mouvements et initiatives dans les entreprises… ou les départements. La lutte continue. Le gouvernement a regardé passer les manifs comme une vache regarde les trains. Mais tant pis. Il ne faut pas se résigner. Ce dossier reviendra sur la table forcément. Oui, il laissera des traces (et je ne parle pas de 2012). Nous voulions une action forte, une grève de 24 heures. Dans tout le pays. Je crois que ça aurait fait réfléchir le pouvoir… Les autres syndicats n’en ont pas voulu."

Ah bon ! Tout au long de la lutte, FO n’a pas donné aux travailleurs les moyens de savoir qu’un tel débat existait. Et ne parlons pas de SUD...

Quant au discours réformiste des centrales, même après qu’elles soient battus en brèche, continue de plus belle. La CGT conclue : "Nos argumentations sur la possibilité d’avoir une autre réforme, notamment sur le financement, ont été entendues".

Donc ils avaient raison d’accepter l’idée d’une réforme des retraites...

C’est-à-dire d’accepter une répartition des sacrifices alors que les patrons ne paient rien, ne réformerons rien sur leurs profits et sur leur société qui nous mène dans le gouffre... Mais ce n’est nullement la préoccupation des centrales de nous armer face à la crise du capitalisme...

Messages

  • Le sabotage des luttes par
    l’intersyndicale en 2003, 2007 et,
    aujourd’hui, en 2010, pose la question
    plus large de la réelle nature des syndicats.

    Sont-ils aujourd’hui toujours
    dans le camp de la classe ouvrière ?
    Un bref survol des luttes des dernières
    décennies révèle qu’ils sont bel et bien
    passés dans celui de la bourgeoisie.
    Depuis plus de 100 ans, les seules
    grandes luttes ont été des grèves sauvages,
    spontanées et de masse. Et toutes
    ces luttes se sont données comme
    base d’organisation, non pas la forme
    syndicale, mais celle des assemblées
    générales, où tous les travailleurs débattent
    de leur propre lutte et des problèmes
    à résoudre, avec des comités
    élus et révocables pour centraliser la
    lutte. La grande grève de Mai 1968
    en France est déclenchée malgré les
    syndicats. En Italie, au cours des grèves
    de l’Automne chaud de 1969, les
    travailleurs chassent les représentants
    syndicaux des assemblées de grévistes.
    En 1973, les dockers d’Anvers
    en grève s’attaquent au local des syndicats.

    Dans les années 1970, en Angleterre,
    les ouvriers malmènent souvent
    les syndicats tout comme ceux
    de Longwy, Denain, Dunkerque en
    France, lors de la grève de 1979. En
    août 1980, en Pologne, les ouvriers rejettent
    les syndicats (qui sont des rouages
    officiels de l’État) et organisent la
    grève de masse sur la base des assemblées
    générales et des comités élus et
    révocables (les MKS). Les micros sont
    utilisés pendant les négociations, pour
    que tous les ouvriers puissent suivre,
    intervenir et contrôler les délégués.
    Et il faut se souvenir en particulier de
    comment cette lutte s’est terminée : par
    l’illusion d’un nouveau syndicat, libre,
    autonome et combatif, à qui la classe
    ouvrière pouvait confier les rênes de la
    lutte. Le résultat fut immédiat. Ce nouveau
    syndicat, “tout beau, tout neuf”,
    nommé Solidarnosc, coupa les micros
    pour organiser des tractations en secret
    avec l’État polonais et, de concert avec
    lui, orchestra la dispersion, la division
    et, finalement, la défaite violente de la
    classe ouvrière !

    Suivre les syndicats, c’est toujours
    aller à la défaite. Pour développer une
    lutte massive, animée de la solidarité
    ouvrière, il faut la prendre en main.
    “L’émancipation des travailleurs sera
    l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes”.

    CCI (22 octobre)

  • "Les trade-unions agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiétements du capital. Elles manquent en partie leur but dès qu’elles font un emploi peu judicieux de leur puissance. Elles manquent entièrement leur but dès qu’elles se bornent à une guerre d’escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d’un levier pour l’émancipation définitive de la classe travailleuse, c’est-à-dire pour l’abolition définitive du salariat."

    Karl Marx dans "Salaire, prix et profit"

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.