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Les réformistes, de la gauche bourgeoise et politicienne ou des bureaucraties syndicales, sont des adversaires résolus de la conscience et de la lutte de classe... même quand ils sont dans la rue et se prétendent avec les travailleurs en grève !!!!

lundi 25 octobre 2010, par Robert Paris

Lionel Jospin déclarait au printemps 1999 : « Pendant longtemps on a défini le socialisme par l’appropriation collective des moyens de production : cela n’a plus le même sens aujourd’hui. Ainsi, notre politique industrielle a dépassé la question de la nature de la propriété des moyens de production […] ce qui compte, pour moi, en l’occurrence, se sont les fins de la politique industrielle que nous conduisons : l’emploi, la croissance, la puissance économique et industrielle de nos entreprises, la place de la France. Si défendre ces objectifs nécessite d’ouvrir le capital d’une entreprise publique, voire de la privatiser, nous y consentons. »

Laurent Fabius déclarait-il au Monde le 21 mai 2006 à propos du débat entre réformisme et radicalité : « Ce débat a été tranché depuis longtemps : nous sommes réformistes. » Son lieutenant Henri Weber ajoutait en août 2005 dans une déclaration au Nouvel Observateur que "le clivage entre « ‘pseudos-marxistes protestataires’ et ‘authentiques réformistes’ (avancé par Michel Rocard dans un entretien avec le même journal quelques jours plus tôt) ne relève même pas de la caricature, mais de la fantasmagorie (…) Nous sommes tous réformistes au sein du PS »

Les mots « classe », « prolétariat », « front de classe », « exploiteurs », « capitalistes », « ouvrier », « travailleurs », « lutte des classe », « exploitation » ne font plus partie du vocabulaire… A la place de cela, il parle de « peuple », de « citoyens », de « nation », de « Français », d’ « opinion », d’ « entrepreneurs », d’ « intérêt général », d’ « unité », de « dialogue ».

Il parle de « Réforme efficace », de « jurys citoyens », de « démocratie participative », de « constat partagé » ou de « participation citoyenne ».

Extrait de la motion C présentée par… la gauche pour le congrès de Reims du Parti soi-disant socialiste : "On voudrait nous faire croire que s’opposent, au Parti socialiste, partisans et adversaires de l’économie de marché. Pas de collectivistes chez les socialistes. Pour nous, la question n’est pas celle de l’acceptation ou non de l’existence du marché, mais celle des réponses politiques proposées pour le réguler et redistribuer les richesses."

Réguler le marché, c’est exactement l’axe … de Sarkozy.

Et la nation à toutes les sauces. Royal déclame : « La France présidente c’est la France qui rassemble. » Et cela signifie, dit-elle :« réconcilier la France avec les vrais entrepreneurs. »

Et dans la Déclaration de principes du parti socialiste, on peut lire : « Le Parti socialiste est donc favorable à une société d’économie mixte qui, sans méconnaître les règles du marché, fournisse à la puissance publique et aux acteurs sociaux les moyens de réaliser des objectifs conformes à l’intérêt général. Il agit pour son dépassement par de nouvelles formes d’organisation économique et sociale donnant aux salariés une véritable citoyenneté dans l’entreprise. »

« Bataille socialiste » écrit : Rappelons une fois de plus qu’à l’origine, le Parti socialiste était "un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat. Par son but, par son idéal, par les moyens qu’il emploie, le parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n’est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte de classe et de révolution. ;" (Déclaration de principes, 1905) Non seulement le PS n’est pas un parti de lutte de classe [2] et de révolution, mais sa gauche s’affirme partisane de l’économie de marché en pleine crise financière. "Transformer la société capitaliste en une société collectiviste ;" en 1905 est devenu "Pas de collectivistes chez les socialistes ;" en 2008. Quant à même modestement réguler et redistribuer les richesses, on n’avait de toute façon pas remarqué que le bilan des législatures PS ( 1981-86, 1988-93 et 1997-2002) allait dans ce sens… Mais tout le monde s’en fout au PS, ce qui compte c’est de laisser entrouvertes les portes pour une synthèse où chacun aura une bonne place dans l’appareil. Donner des gages de non-collectivisme à gauche est dès lors un exercice obligé. Quand c’est la gauche du PS elle-même qui dit "Pas de collectivistes chez les socialistes", cela veut dire : il n’y en a pas, il ne peut pas y en avoir, il n’y a pas de place pour eux, pour les anti-capitalistes, au PS. Reprenons la citation de la motion C et remplaçons "économie de marché ;" par "capitalisme ;" et "collectivistes ;" par "anti-capitalistes". On obtiendrait : on voudrait nous faire croire que s’opposent, au Parti socialiste, partisans et adversaires du capitalisme. Pas d’anti-capitalistes chez les socialistes. Pour nous, la question n’est pas celle de l’acceptation ou non de l’existence du capitalisme, mais celle des réponses politiques proposées pour le réguler et redistribuer les richesses. Il n’y a pas de "collectivistes ;" au PS, c’est la gauche du Parti qui vous le dit. »

Ségolène Royal déclare :

« Je ne prédis ni ne souhaite une insurrection sociale ».

« Le préjugé des petits contre les gros est stupide. »

Royal a fait ces déclarations dans un long entretien accordé à l’hebdomadaire Le Journal du Dimanche (JDD) le 4 avril 2009. Ségolène Royal ne désigne pas la classe capitaliste : « Je ne désigne aucun ennemi. »

Sur la réforme des retraites :

« Il faut accompagner la bataille parlementaire, que la gauche s’apprête à conduire, par une mobilisation sur l’ensemble des territoires. »

Au printemps 2007, en une de « Challenges », on pouvait lire « Ségolène Royal face aux patrons : « Faites des profits, augmentez vos revenus ».

La gauche au gouvernement

Sur le front social, entre septembre 1981 et juin 1982, on assiste à une augmentation importante (+50 %) des conflits localisés, c’est-à-dire touchant un seul établissement. Dans de nombreuses entreprises moyennes éclatent des grèves sur les salaires. Surtout, c’est la question des 39h qui alimente cette vague de luttes. Par rapport à 81, le nombre de journées de grève dépasse les deux millions pour le seul secteur des entreprises publiques et privées. Le texte du gouvernement sur les 39h ne pipe pas mot des compensations salariales. Les patrons s’engouffrent dans la brèche et cherchent à remettre en cause de nombreux acquis. Les dirigeants politiques s’inquiètent et finalement imposent les 39h payées quarante. Ils désamorcent ainsi le mouvement.

Mais le foyer de la lutte des classes en ce début des années 80, c’est le secteur automobile. Les travailleurs de l’automobile passent à l’offensive. Le premier choc a lieu dans l’entreprise Citroën, aux pratiques particulièrement rétrogrades, où la grève éclate pour la conquête des droits syndicaux. Le gouvernement appuie cette lutte et le syndicat CGT va profiter de la victoire pour s’implanter dans cette branche. Pour les dirigeants politiques, c’est le moyen d’avoir un interlocuteur. Dans ce mouvement victorieux, il faut noter la forte implication des OS (ouvrier spécialisés), les plus souvent d’origine immigrée.

Dès le début, l’attitude des syndicats est claire. Au sein des gouvernements Mauroy, des membres de la CFDT font leur entrée dans les cabinets ministériels, plus marginalement FO et les syndicats d’enseignants sont présents. Quant à la CGT, avec l’entrée des communistes dans le gouvernement, elle s’aligne symétriquement sur la ligne du PCF. Les bureaucraties syndicales sont intégrées dans la gestion.

Fabius et le tournant libéral (83-85)

De janvier à avril 83, des vagues de grèves sur les salaires (revendication uniforme de 300f) éclatent à nouveau dans l’automobile. Les travailleurs, confiants suite à leurs succès de 82, s’opposent au blocage des salaires. Elles touchent les usines Fiat, Chausson à Genevilliers, Citroën, Renault. Mais les élections municipales approchent et la droite, favorite, mène campagne sur des thèmes racistes. Le gouvernement, par la bouche du Premier ministre dénonce les "extrémistes religieux" qui manipuleraient les travailleurs de confession musulmane. La CGT met tout son poids dans la balance pour inciter à la reprise, et réussit dans son rôle de briseur de grèves, empêchant toute généralisation.

Les élections municipales sont mauvaises pour la gauche et le Front National réalise déjà des percées localement.

La politique du gouvernement se durcit avec le plan de rigueur de mars 83, et quelques mois plus tard un "jeune" technocrate devient Premier ministre : Laurent Fabius (actuellement ministre de l’économie). Il incarne le tournant libéral et la totale adhésion des dirigeants socialistes à la politique d’austérité, en vigueur partout ailleurs en Europe. La monnaie nationale reste dans le système monétaire européen.

En 1984, dans l’entreprise Talbot, un atelier de 3000 salariés (sur les 14 000 que comptent l’usine) se met en grève contre des licenciements, c’est la CFDT qui mène la lutte. Ce conflit intervient après une série de revers partiels dans ce secteur automobile. Sur le plan local et national, la CGT va se conduire à nouveau en briseur de grève, quant à la direction de la CFDT elle ne fera rien pour briser l’isolement de cette grève.

C’est une défaite locale, dans l’isolement, mais qui marque la fin de la combativité dans ce secteur, le seul où elle s’était maintenue. La défaite dans l’automobile est aussi importante que celle de la sidérurgie en 1979.

Le gouvernement annonce d’ailleurs des dizaines de milliers de licenciements dans la sidérurgie, la direction de Renault programme 20 000 licenciements avant la fin de 86. Il y a peu de réactions. En 1983, le nombre de chômeurs atteint les deux millions. Si dans la fonction publique les grèves se multiplient entre 1983-84, contre l’austérité, elles ne peuvent inverser la tendance. Le rapport de force est en faveur du gouvernement et du patronat qui ont les mains libres. En 1984, il y a encore des élections, cette fois pour les Européennes, sur fond de forte abstention. Le Front National fait presque jeu égal avec le PCF qui recueille 11 % des votes, il a obtenu deux millions de voix. Cette percée des fascistes va se confirmer dans les années suivantes. Par son audience et son idéologie, le FN va tirer tout l’échiquier à droite.

Le PS va se lancer dans la surenchère, ainsi lors d’un débat à l’assemblée, G. Dufois se targue d’avoir organisé 12 000 expulsions d’immigrés clandestins. En matière de sécurité comme de politique de l’immigration, la gauche veut prouver qu’elle peut faire aussi bien que la droite.

Fabius, pour désigner la politique qu’il mène, parle de "sale boulot". Mais cette politique, orthodoxie budgétaire et gestionnaire, n’est pas neutre au niveau social. Les milieux gouvernementaux en viennent à pourchasser l’esprit de protestation et de lutte avec lequel la gauche s’identifiait plus ou moins avant 1981.

Ainsi, dans le programme de 1981 les socialistes promettent d’accorder le droit de vote aux immigrés. Une fois au pouvoir, ils régularisent 300 000 sans-papiers, mais le ministre de l’Intérieur, G. Deferre, maintient les contrôles d’identité (au faciès) et les expulsions. En 1983, Maire de Marseille, il mène campagne et sur ses affiches on peut lire : "La droite, 20 ans d’immigration sauvage. Avec la gauche, enfin un contrôle vigilant dont on mesure les effets."

La montée du FN est spectaculaire, il passe de 0,1 % aux législatives à 10 % en 1984. En 1986, aux élections législatives du scrutin proportionnel, le Front confirme son score et entre à l’assemblée avec une trentaine de députés. Mais cette moyenne cache des résultats qui localement sont inquiétants. Ainsi à Marseille, le FN obtient 24 %, et 22 % dans le département des Bouches-du-Rhône. Quelle est la part de démagogie de la politique Deferre dans cette ascension ?

La gauche porte une lourde responsabilité dans ce retour du fascisme. Sa politique a démoralisé les salariés, des régions entières ont été désindustrialisées. Elle a non seulement géré le système dans le sens des intérêts de la bourgeoisie, mais a aussi joué la carte raciste, "diviser pour mieux régner".

L’échec de la gauche en 1986 n’est pas vraiment une surprise.

La CGT

Elle a suivi le même cheminement.

Dès 1992, le terme « lutte de classes » disparaît. Il n’est plus question de combat contre le capitalisme. La CGT écrit alors : « Il faut procéder aux réformes attendues par les Français. »

Bernard Thibault s’est fait connaître du grand public par la grève des cheminots de 1995, alors que Nicole Notat, à la tête de la CFDT, était devenue la bête noire des grévistes, y compris de sa propre fédération CFDT des transports, pour le soutien qu’elle apportait au gouvernement Juppé. Passé en 1999 de la direction de la Fédération CGT des cheminots à la tête de la confédération, il a poursuivi l’évolution de la CGT, déjà entreprise par son prédécesseur Louis Viannet, vers un syndicalisme dit « de proposition ».

Il est vrai qu’en décembre 1995, Bernard Thibault avait lui-même bradé la grève dont il apparaissait comme le principal leader, en appelant à la reprise, sans consulter aucun gréviste, dès la signature d’un accord avec le ministre des transports de l’époque. Cette grève, de la part des dirigeants de la CGT comme de Marc Blondel qui dirigeait FO, était surtout une façon de s’imposer comme interlocuteurs au gouvernement Juppé-Chirac, à qui ils démontraient, en s’appuyant sur la colère des cheminots, que ce n’était pas en collaborant avec la seule CFDT que l’on pouvait marchander le calme social. L’invitation de Nicole Notat au congrès de la CGT de 1999, celui où Bernard Thibault a pris la succession de Louis Viannet, et la poignée de main Thibault-Notat sous les flashs des journalistes, ont symbolisé le fait que, malgré les frictions, les deux conceptions syndicales étaient on ne peut plus proches. Aux militants d’encaisser le coup.

Finie l’époque d’une CGT qui, sans être moins réformiste que les autres, se distinguait de FO ou de la CFDT, non seulement parce qu’elle avait la plus grande implantation ouvrière et la base militante la plus influente (ce qui est encore en partie le cas) mais aussi parce qu’elle avait des liens étroits avec le PCF, qui lui valaient d’être tenue par les gouvernements le plus à l’écart possible des organismes paritaires. Louis Viannet avait marqué les distances dès 1996 en quittant le bureau national du PCF, Bernard Thibault à son tour en quittant même l’organisme plus large qu’est le Comité national. Et il se faisait acclamer en invité d’honneur au congrès du Parti socialiste de juin 2003.

Les leaders de la CGT ont toujours, comme François Chérèque ou Jean-Claude Mailly, leurs amitiés ou leurs engagements politiques à gauche. Mais c’est dans la collaboration avec le pouvoir, quel qu’il soit, qu’ils voient l’avenir de leur appareil et sa place dans les rouages de la société.

« Un peu partout dans le monde, des syndicats font reposer leurs espoirs et leur démarche sur l’accès au pouvoir du parti politique dont ils s’estiment le plus proche […] Ce sont des conceptions qui ne correspondent ni à la société française, ni à l’orientation de la CGT », écrit Bernard Thibault dans un petit livre Qu’est-ce que la CGT. Il poursuit en expliquant que du fait que « les institutions qui composent l’Etat sont des lieux essentiels et permanents de régulation sociale », le syndicalisme indépendant de tout parti politique n’est pas pour autant indifférent au débat des partis. « Dans ce cadre, la CGT est donc pleinement disposée à débattre en permanence avec tous les partis démocratiques, d’organisation à organisation, dans le respect des prérogatives et de l’identité de chacun ».

Débattre de quoi ? De la lutte de classe ? C’est démodé, et rayé des statuts de la CGT depuis 1995. Il ne semble plus rester que la « régulation sociale ».

De 1997 à 2002, la collaboration de la CGT avec le gouvernement de gauche n’avait, malheureusement, rien de surprenant. La droite, revenue au pouvoir avec le tandem Chirac-Raffarin, a pris soin de ne pas commettre à nouveau l’erreur de Juppé. Mais le gouvernement savait qu’il avait en face de lui des syndicats, y compris la CGT, qui ne demandaient que de jouer le jeu. Pourvu qu’on les y invite. C’est le rôle des mesures François Fillon sur le « dialogue social » et du cinéma de Jean-Louis Borloo sur la « cohésion ». Et sur deux ans, de la réforme des retraites à la réforme de la loi sur les licenciements en passant par celle de la Sécurité sociale, les consultations, négociations, commissions ou Hauts conseils se sont succédé, où tous les syndicats se sont précipités pour participer et apporter leur grain (ou plutôt leur ivraie !) au débat sur la réforme en cours. Avec le succès que l’on connaît !

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