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Octobre 2010 : où en est la crise américaine et mondiale ?

dimanche 17 octobre 2010, par Robert Paris

Face à bien des commentaires de gauche et d’extrême gauche qui affirment que la crise ne serait que pour faire payer les pauvres, nous avons dit que le mécanisme fondamental du capitalisme n’était plus en état de marcher. Certains militants et certaines organisations vont jusqu’à écrire que la crise n’est qu’un prétexte pour une politique de rigueur visant à accroître les profits. C’est un avis très différent et qui a des conséquences fondamentales pour le prolétariat et ses luttes. Pourtant, la crise date de 2008 et le capitalisme semble toujours bien là, en face de nous. N’avons-nous pas sous estimé ses capacités de résistance ?

L’économie américaine, à la source de la crise de 2008 - et même de 2000 - avait été mise sous perfusion depuis. Le perfusion s’arrêtait maintenant. Qu’allait faire l’Etat américain ? Eh bien, il renouvelle sa perfusion ! La FED aussi ! Notre comparaison avec la vie de Sharon, en vie ou pas, était donc bel et bien valable.

Le monde capitaliste n’est pas sorti de sa crise. ce n’est pas la presse d’extrême gauche qui le dit mais la presse patronale (La Tribune, Les echos, ...) dite presse économique. Ce monde ne va pas s’en sortir par des moyens économiques mais par des moyens politiques, par la lutte des classes, en écrasant le prolétariat par le fascisme et la guerre mondiale où le mène les contradictions inter-impérialistes et la concurrence pour les matières premières.

La Fed va acheter jusqu’à 300 milliards de dollars de bons du Trésor

La Réserve fédérale a annoncé ce mercredi une série de mesures non conventionnelles, avec notamment le rachat de bons du Trésor à long terme. Elle a par ailleurs opté pour un nouveau statu quo monétaire, conformément aux attentes des marchés.
Réserve fédérale Fed

La Réserve fédérale américaine a annoncé ce mercredi qu’elle allait racheter jusqu’à 300 milliards de dollars de bons du Trésor à long terme dans les six mois à venir. Les marchés spéculaient ces derniers jours sur un éventuel programme de rachat des bons du Trésor, à l’image des mesures annoncées en début de mois par la Banque d’Angleterre, mais ne s’attendaient qu’à une simple déclaration d’intentions.

Avec cette mesure, la Fed souhaite abaisser les taux d’intérêt à long terme pratiqués sur les marchés. Cela devrait ainsi permettre "d’aider à l’amélioration des conditions des marchés du crédit", explique la banque centrale américain dans le communiqué publié à l’issue de la réunion de son Comité de politique monétaire (FOMC) à Washington.

Par ailleurs, la Fed va augmenter son programme de rachats de titres adossés à des actifs immobiliers de 750 milliards de dollars, pour le porter au maximum à 1.250 milliards de dollars. Le but de ce programme de rachat de titres émis par les organismes de refinancement hypothécaires Fannie Mae et Freddie Mac est de faire baisser le coût des emprunts immobiliers pour les ménages.

Enfin, le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale a maintenu son principal taux directeur dans une marge fluctuation allant de 0 à 0,25%. Cette décision ne faisait aucun doute. En décembre, le FOMC avait laissé entendre qu’il laisserait ce taux à son plus bas historique pour un "certain temps" afin de créer des conditions favorables à la reprise de l’économie américaine.

Depuis, la situation s’est encore dégradée. Le Produit intérieur brut, qui a chuté de 6,2% en rythme annuel au cours des trois derniers mois de 2008, devrait encore chuter d’au moins 5% au premier trimestre, selon les prévisions de nombreux analystes. La reprise est désormais attendue au plus tôt pour le début de 2010, de l’aveu même du président de la Fed, Ben Bernanke, qui s’est engagé début mars à agir par tous les moyens possibles et "aussi longtemps que nécessaire".

En août 2010, les saisies immobilières ont atteint le nombre record de 95 364, soit 25% de plus qu’en août 2009 et 3% de plus que le mois précédent, en dépit des facilités bancaires édictées par l’État au début de la crise.

Ne parlons même pas du déficit commercial qui perdure de mois en mois, ni de la baisse des prévisions économiques de l’OCDE pour les É-U en 2010 à 1,5 %, soit deux fois moins que la même prévision faite en mai.

Et pour finir, la confiance du consommateur américain s’est dégradée davantage qu’on ne l’anticipait en septembre. L’indice du Conference Board, paru le 27 septembre, ressort à 48,5 contre 53,2 en août, soit le plus mauvais chiffre depuis le début de la crise, ce qui laisse présager un vote assez négatif pour les Démocrates le 2 novembre. Depuis, l’augmentation du chômage de septembre avec 195 000 nouveaux inscrits ne peut qu’avoir creusé cet indice.
Les rats quittent le bateau qui prend l’eau.

Sur un autre plan, le vide se fait actuellement autour du président Barack Obama. Le directeur du budget, Peter Orszag est parti en juin. Christina Romer, présidente du conseil économique de la Maison Blanche a rendu son tablier le 3 septembre. La démission de Herbert Allison, sous-secrétaire adjoint au Trésor, chargé de la stabilité financière, a été annoncée le 22. Enfin, la cerise sur le gâteau : Larry Summers, principal conseiller économique du Président, a démissionné le 21 septembre. On n’en connaît pas encore la raison exacte. Des rumeurs divergentes circulent à son sujet.

Les Etats-Unis - on doit le souligner, une fois encore, au début de ce développement - sont, à la fin du XXème siècle et au début du XXIème siècle, avec une suprématie quasi absolue dans tous les domaines. On a insisté, dans le point précédent, sur leur domination économique, monétaire et financière, dans le cadre de leur hyperpuissance d’alors. Il nous faut marquer, ici - on mesure, une fois encore, que ces distinctions sont formelles -, combien cette hégémonie planétaire américaine est particulièrement nette et voyante - suite à l’effondrement de l’URSS et du Pacte de Varsovie, en 1989-91 - sur le plan géostratégique. Il n’est - s’il fallait persuader de cette emprise géopolitique quasi-totale, complète, des Etats-Unis - que de détailler la puissance militaire américaine d’alors[1], avec un déploiement militaire qui est, de par le monde, celui d’une « puissance globale » (« global power ») ayant des intérêts tout autour de la planète. Et il y a, bien sûr - pour conforter cette mainmise des Etats-Unis - une suprématie militaire technologique américaine, suite à l’émergence de la « Révolution dans les Affaires Militaires » (RAM), puis la « Révolution de la Transformation », la « guerre réseau-centrée[2] », née dans leur sillage. On pourrait - on devrait - s’attarder sur les illustrations effectives de la guerre « tout technologique » qui se veut « zéro mort », avec cette écrasante supériorité des Etats-Unis, en envisageant successivement : - la guerre du golfe de 1991 et la « révélation » de la guerre « tout technologique », - la guerre du Kosovo de 1999 et l’« affirmation » de la guerre « tout technologique », - enfin, la guerre d’Irak de 2003 et la « consécration » de la guerre « tout technologique ».

• Et pourtant, là aussi, cette hyperpuissance géopolitique et militaire américaine va être contestée avec le nouveau siècle, le XXIème siècle. De ce point de vue, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 sont bien une marque symbolique indéniable de la mise en cause de la position géostratégique dominante des Etats-Unis. Et, comme - on l’a vu et dit - la grande crise de 2007-2008 (de septembre-octobre 2008, en particulier) - qui est, avant tout, « la » grande crise des Etats-Unis - marque sans doute le début du XXIème siècle sur le plan économique et financier avec, alors, le cœur du monde financier qui vacille et se détraque, on peut avancer que, sur le plan géopolitique, le XXIème siècle a commencé le 11 septembre 2001, avec ce coup de poignard terroriste au cœur de l’Empire américain, jusqu’alors sans rival. Avec la suite que l’on connaît : - échec de la lutte contre le terrorisme : BEN LADEN défie toujours les Etats-Unis ; - échec dans la bataille contre « l’axe du Mal » et contre la prolifération : enlisement en Afghanistan (depuis 2001) et en Irak (depuis 2003), avec le constat que le « tout technologique » militaire ne peut pas tout et que les Etats-Unis sont incapables de s’imposer sur deux théâtres de second rang ; - c’est sous la présidence de George BUSH que la Corée du Nord a fait exploser (ou a fait semblant de faire exploser) une bombe A ; que l’Inde est sortie du Traité de Non Prolifération ; que le Traité ABM a été abandonné ; que l’Iran est parvenu à être, désormais, quasiment, un pays du « seuil »,… On y revient plus loin. Bref, « l’impuissance de la puissance », pour utiliser la terminologie et la dialectique de Bertrand BADIE ; l’incapacité des Etats-Unis à continuer à stabiliser et à régenter le Monde, « l’Amérique monde ». On a, effectivement, depuis 2005 environ, un affaiblissement de la puissance hégémonique géopolitique américaine, un repli de la domination géostratégique, sans partage jusqu’alors, des Etats-Unis. Ce relâchement de l’emprise américaine sur le monde va se poursuivre – voire s’amplifier (on y revient plus loin) - dans la période de transition, qui va voir les foyers de croissance se déplacer de façon irréversible vers les pays émergents - « nous assistons à un grand re-balancement du monde. C’est un mouvement historique de nature "braudelienne" que rien ne semble pouvoir arrêter »[3]-, ouvrant, ainsi, la voie à un polycentrisme mondial, générateur - on peut le craindre – de tensions plus fortes que par le passé entre les nations.

A- La perspective d’un polycentrisme mondial

Nous vivons et nous allons vivre, dans la période de transition - on l’a déjà perçu et martelé -, une véritable reconfiguration des relations internationales, une accélération du basculement des pouvoirs et des rapports de forces à l’échelle planétaire. Il est sûr que, dans cette perspective d’un renversement de la hiérarchie des puissances mondiales, de chambardement dans l’ordre des capacités - le tournant géopolitique en cours et à venir est fondamental -, la logique de la période de transition est bien l’émergence confirmée d’une multipolarité géostratégique avec, tout à la fois, dans les décennies qui viennent, la continuation, sinon l’accentuation, de l’érosion de la puissance des Etats-Unis et de la montée en force des puissances émergentes.

1- La continuation, sinon l’accentuation, de l’érosion de la puissance des Etats-Unis

• Le XXème siècle a été le siècle des Etats-Unis avec, pour être plus précis, quatre étapes :

 Les Etats-Unis, puissance moyenne de la fin du XIXème siècle jusqu’en 1914 ;

 Les Etats-Unis, grande puissance de 1914 à la fin de la seconde guerre mondiale ;

 Les Etats-Unis, superpuissance après la seconde guerre mondiale, statut à partager, en effet, avec l’Union Soviétique à cette époque ;

 Les Etats-Unis, enfin et surtout - on l’a ressassé à dessein depuis le début de nos réflexions -, hyperpuissance des années 80-85 - et, surtout, après les changements géostratégiques que l’on sait en 1989-91 - à nos années 2000.

Il est sûr que, au tournant des années 2000, point culminant de leur suprématie, les Etats-Unis, comme hyperpuissance, avaient bien une position hégémonique planétaire, sur tous les plans : économique, financier,… géostratégique, plus globalement, et ils pouvaient alors, forts de cette emprise totale, pratiquer un unilatéralisme ne s’encombrant ni d’alliés, ni de compromis.

• C’est cette suprématie absolue - on l’a vu - qui a commencé à être contestée au tournant du XXIème siècle et à s’effriter sous la deuxième présidence BUSH ; et, comme à toute apogée succède nécessairement un déclin, on peut assurer, dès maintenant - ne serait-ce qu’en raison du différentiel de taux de croissance de l’Amérique avec les autres grands pays que l’on retrouve plus loin -, que les Etats-Unis vont continuer à voir leur puissance grignotée dans la période de la grande transition. Il se peut même qu’il y ait accélération de ce repli relatif ; et si, bien sûr - on y reviendra -, les Etats-Unis vont rester encore, dans les décennies qui viennent, au centre de la scène internationale, ils devront s’accommoder plus ou moins bien de l’émergence d’autres pôles, dans un monde qui sera, ainsi, de plus en plus multipolaire. On devine donc, pour faire bref, que, dans tous les cas, le XXIème siècle ne sera plus autant que l’a été le XXème siècle, un siècle américain[4]. Les Américains - on pense au Rapport, déjà cité, de leur Service de Renseignements - sont très conscients, au vrai, que la place relative de leur pays risque de régresser à l’avenir. Et il est clair que, face à ce recul, semble-t-il, irréversible de l’Oncle Sam, condamné à passer d’une puissance « impériale » à une puissance « relative », les Etats-unis cherchent - avec la… nouvelle Administration OBAMA - à développer une… nouvelle politique susceptible de freiner au mieux leur recul.

Quelle est cette… nouvelle politique de la… nouvelle Administration OBAMA ?

• Le… nouveau Président américain, Barak OBAMA, a pris, à 47 ans, le 20 janvier 2009, les rênes d’un pays ébranlé par l’une des pires - sinon la pire - crises économiques de son histoire ; une crise susceptible d’affaiblir durablement l’empreinte des Etats-Unis sur le monde. Il s’agit donc, d’abord et surtout - face à cette crise géante au cœur de leur potentiel de l’Atlantique au Pacifique – de développer une… nouvelle politique intérieure très interventionniste, avec un énorme plan de relance, en particulier, dans l’esprit du New Deal des années 30 : on vise - avec cette « reconstruction » soutenue par l’Etat – à restaurer au mieux les bases de la puissance d’une nation industrielle en voie de « désindustrialisation », avec des secteurs en grande difficulté (automobile,…), en plaçant, en particulier, l’économie américaine sur le rail des énergies propres de demain,…

• On voudrait rester davantage - ce deuxième volet est, bien sûr, intimement lié au premier et séparé par simple commodité d’exposition - sur la… nouvelle politique extérieure d’OBAMA qui, fort de son charisme et de la gigantesque émotion mondiale suscitée par son élection, consiste et va consister à préserver, au mieux, sinon « l’hyper-ship » d’hier, du moins le « leadership » des Etats-Unis, pour aujourd’hui et pour demain ; celui d’une très grande nation qui ne peut plus prétendre s’imposer seule, à l’avenir, comme la « Nation-Monde » qu’elle a été jusqu’aux années 2000.

La… nouvelle politique extérieure de l’Administration OBAMA ? Le Président OBAMA a engagé, en effet, la politique étrangère américaine vers de nouvelles orientations, cherchant à restaurer l’image et la crédibilité des Etats-Unis, permettant qu’on les considère à nouveau comme « d’honnêtes courtiers » (« honest brokers »). Dans cet esprit, l’Administration OBAMA s’est attachée à mettre un terme aux « pratiques » associées à la « guerre contre la terreur » de BUSH, comme Guantanamo et la torture ; elle s’efforce d’apaiser, voire de régler, les conflits légués par le prédécesseur d’OBAMA à la Maison Blanche. On pense, notamment, au retrait d’Irak… en attendant, peut-être, demain,… de pouvoir tourner la page de l’Afghanistan[5]dans le cadre d’une « rétraction » américaine. Et, de façon plus constructive, Barak OBAMA cherche à donner un nouveau visage des Etats-Unis, prêts, désormais à écouter plutôt qu’à dicter, grâce, tout à la fois, à une politique de conciliation et, dans son prolongement, une politique de coopération. Il en faudrait long, ici, bien sûr, pour détailler cette nouvelle « main tendue » américaine, avec la « soft diplomacy » du nouveau Président et la multiplication des ouvertures, des ouvertures diplomatiques, y compris avec les ennemis de l’Amérique : Cuba, la Syrie, la Birmanie, le Soudan[6],… On a bien une volonté de dialogue et de partenariat avec la nouvelle Amérique, ouverte à la détente avec tous les interlocuteurs de la planète.

 Volonté de dialogue et de partenariat, en effet, qui concerne tous les continents : l’Asie, et la Chine, en particulier, où le Président délègue - pour son premier voyage à l’étranger - la Secrétaire d’Etat Hilary CLINTON, en prenant ainsi à plein en compte le « basculement » du monde en train de s’opérer[7]. L’Asie, mais aussi l’Afrique, avec le discours d’Accra (discours de Barak OBAMA, le 11 juillet 2009, devant le Parlement du Ghana) et la longue tournée de 11 jours, dans sept pays africains, en avril 2009, de la Secrétaire d’Etat américaine, pour renouer les relations et promouvoir le rétablissement de l’amitié ; l’Amérique Latine où, au Sommet des Amériques, OBAMA affirme qu’il n’est pas en guerre contre les régimes de gauche de ce « nouveau continent ».

 Volonté de dialogue et de partenariat qui s’intéresse à toutes les régions du monde. Le Moyen-Orient, où l’on essaie - en prenant des positions plus équilibrées – de favoriser la rencontre et l’entente entre les Israéliens et les Palestiniens, où l’on propose tout un temps - on retrouvera ce dossier avec le problème de l’acquisition de la bombe atomique par ce pays - des discussions à l’Iran, en espérant, à terme, une véritable stabilisation du « grand Moyen-Orient » qui, selon la définition américaine, va de la Mauritanie au Pakistan. L’Europe, avec une écoute et un dialogue dans le cadre de l’Union Européenne et de l’OTAN, avec les alliés traditionnels ; avec les efforts, un an après la guerre en Géorgie, pour apaiser les inquiétudes de la Russie et l’hostilité des dirigeants du Kremlin (abandon du déploiement du bouclier antimissiles en Europe de l’Est, cette implantation ayant été ressentie, par les Russes, comme une provocation au cœur de leur sphère « d’intérêts privilégiés », selon l’expression de Dimitri MEDVEDEV).

 Volonté de dialogue et de partenariat qui s’ouvre à toutes les civilisations : on pense, bien sûr, en particulier, au discours d’OBAMA au monde musulman, le 4 juin 2009, à l’Université du Caire, où le Président américain reconnaît « la dette de la civilisation à l’Islam »[8].

La… nouvelle politique extérieure de l’Administration OBAMA et un… nouveau leadership américain ?

D’une conception messianique et impériale de l’Amérique on passe, avec OBAMA, à une « vision » (un des mots fétiches de l’hôte de la Maison Blanche) plus modeste et plus multilatérale. Il y a bien, en particulier, chez le nouveau Président des Etats-Unis, un « réalisme multipolaire »[9], c’est-à-dire la prise de conscience du nouveau monde global d’aujourd’hui et de demain comme d’un monde avec, désormais, de multiples acteurs, plus ou moins égaux, qui doivent impérativement se connaître, se reconnaître, et collaborer.

Mais cette nouvelle Amérique d’OBAMA, désormais plus aimable, plus séduisante, plus pragmatique – moins dogmatique, moins unilatérale -, se veut redoutablement

persuasive et convaincante… au bénéfice des Etats-Unis. Le nouveau Président entend bien faire en sorte, en effet, qu’il y ait toujours, dans ce monde multipolaire, une place de choix pour les Etats-Unis, la première. L’Amérique ne rentre pas dans le rang ; il doit toujours y avoir les Etats-Unis… et les autres ; Les Etats-Unis… au centre, et les autres… autour. Bref, les Etats-Unis entendent rester le pivot du nouveau monde, en avoir le leadership. L’Amérique souhaite bien organiser, sous son égide, une direction apaisée, consensuelle, mais ferme et sans complexe, le « projet d’une architecture de coopération du monde » (H. CLINTON), visant à remédier aux insuffisances du système de sécurité collective hérité de la seconde guerre mondiale ; le projet d’un nouveau monde multipolaire qui deviendrait, grâce aux Etats-Unis, un monde « multipartenarial », le monde d’une nouvelle ère d’engagement basé sur les intérêts et le respect mutuel, dans un jeu « gagnant-gagnant », l’Amérique acceptant de partager le pouvoir au sein d’organisations internationales réformées (ONU, FMI,…). Ce nouveau monde de coopération et de partenariat, ordonné grâce à la capacité de puissance - encore suffisante - des Etats-Unis, se veut, pour OBAMA, un nouveau monde pacifié. Il s’agit, en effet, pour le Président américain – grâce à la coopération et au partenariat - de mettre fin aux éternels affrontements d’hier, aux querelles « recuites » du passé qu’on ne peut plus se permettre face aux défis complexes et lourds d’aujourd’hui et de demain, qu’aucune puissance n’a capacité à résoudre seule. Et il faut, d’après OBAMA – pour fédérer l’ensemble des nations et donner un signe fort de cette volonté de ce nouvel ordre mondial de progrès et de paix -, débarrasser la planète de la peur du nucléaire, par une élimination totale et complète, à terme, des armes nucléaires ; on devra y revenir longuement dans la 3èmepartie.

* * *

Cette nouvelle politique de Barak OBAMA va-t-elle réussir, c’est-à-dire parviendra-t-elle - en cherchant désormais à imposer en douceur le leadership des Etats-Unis - à freiner, sinon à arrêter, le déclin relatif de l’Amérique ? On peut en douter tant la modification en cours du rapport de force entre puissances est, semble-t-il, irréversible avec, aujourd’hui et demain, une nouvelle « géographie » de la croissance mondiale où les pays émergents devraient prendre, en partie, le relais de l’Amérique comme « locomotive » de la croissance mondiale. Il est sûr, en effet, que les Etats-Unis du nouveau Prix Nobel de la Paix, « Président du Monde », « personnification du Bien », vont devoir s’accommoder de l’émergence d’autres pôles de puissance et de pouvoir, la multipolarité s’imposant à la Maison Blanche par nécessité plus que par choix.

2- La continuation de la montée en force des puissances émergentes

L’essor de nouveaux pôles de puissance hors de l’espace atlantique a été popularisé - on le sait - par l’étude de 2003 sur les « BRICs »[10](Brésil, Russie, Inde, Chine), montrant le bouleversement des grands équilibres de la planète sous la poussée de ces « nouveaux géants »[11]. Il est sûr que, au cœur du vaste déploiement de la division internationale du travail, émergent de nouveaux « pivots » sur l’échiquier mondial ; se font leur place de nouvelles nations soucieuses d’accéder pleinement à la « fête perpétuelle des grandes puissances »[12]. Décrivons un peu mieux les formidables mouvements telluriques en train de redessiner la carte du monde avec ces nouveaux venus dont la puissance sera bientôt équivalente, voire supérieure, à celle des Etats-Unis de la façon que voici.

a- Confirmation et accroissement du transfert de puissance vers les nations asiatiques

• La montée en puissance de l’Asie n’est pas récente. Et, aujourd’hui, dans le sillage - avant-hier - du Japon, dans le sillage - hier - des « Nouveaux Pays Industrialisés » (NPI) d’Asie du Nord-Est et du Sud-Est qui ont réussi leur « sortie » du Thiers-Monde en deux générations[13], on a bien assisté à la montée démographique, économique de l’Asie autour de ses deux puissances clés, la Chine et l’Inde, qui ont connu une dynamique d’expansion remarquable, des années 1980 aux années 2000, et ont, par suite, accru considérablement leur poids sur la scène mondiale.

• On se trouve donc, dans nos années 2005-2010, avec, désormais, deux acteurs économiques mondiaux majeurs qui ne sont plus seulement - s’ils le restent - une destination pour les Investissements Directs à l’Etranger (IDE) américains, européens, japonais, mais qui constituent, désormais, le « berceau » de multinationales parties à la conquête de marchés internationaux : on pense, en particulier, pour nous, Français, à ACELOR-MITTAL, leader mondial de l’acier[14],… ; des puissances économiques et financières majeures, avec l’essor de leurs fonds d’Etat souverains qui s’installent durablement dans les pays occidentaux,… ; de grands pays ouverts dont les niveaux de vie resteront durablement plus bas qu’aux Etats-Unis et en Europe et qui vont occuper une place croissante dans l’économie mondiale ; de grandes économies très largement dotées en main d’œuvre à bas coût, devenant des acteurs majeurs du commerce international, disposant des technologies avancées des filiales de firmes étrangères et bientôt de leur propre capacité technologique pour mobiliser, sur une base autonome, le capital humain produit par des systèmes éducatifs performants.

• Il conviendrait donc de s’arrêter davantage encore sur l’Inde, devenue le « bureau du monde » ; l’Inde qui prend - « reprend » - son rang de grande puissance[15]et devrait retrouver une norme de croissance de 9% l’an, après être tombée à 7% en 2008-2009 ; et, surtout, la Chine, dès aujourd’hui installée - suite au basculement : « de la chute du mur de Berlin à son essor »[16]- comme puissance majeure de la scène internationale.

C’est, sans aucun doute, l’année 2004 qui fut, sur le plan économique, celle de la naissance et de la « reconnaissance » mondiale de la Chine comme puissance majeure, en étant au cœur de tous les grands dossiers mondiaux. Et on a bien perçu, en 2008-2009, avec la crise… que la Chine était, dès maintenant, devenue - fin 2009 - la deuxième puissance économique mondiale, le premier marché automobile mondial et le premier exportateur mondial devant l’Allemagne[17], la clé du marché mondial des matières premières : la Chine, « l’atelier du monde » ; la Chine, « le banquier des Etats-Unis » ; la Chine devenue le premier acheteur du Brésil, devant les Etats-Unis ; la Chine poursuivant son ascension économique et financière (la Chine, deuxième capitalisation mondiale) et utilisant la « division internationale du travail » pour entamer un développement plus autonome.

Démonstrations symboliques - en 2008-2009 - de cette réalité de puissance de la Chine après une absence de deux siècles : les Jeux Olympiques de Pékin, en août 2008 ; la démonstration de force de la République Populaire de Chine, le 1er octobre 2009, célébrant avec faste le 60ème anniversaire de sa fondation[18] ; la participation, pour la première fois, du Président chinois à un Sommet mondial : le G20 de Washington, le 15 novembre 2008 ; même si - on l’a bien vu à cette dernière occasion - la Chine n’est pas encore, en 2008-2009, en état de prendre le relais des Etats-Unis comme puissance « globale » - avec, notamment, son système financier encore embryonnaire et fragile -, de prendre la place de l’Oncle Sam comme « cœur » du monde et d’une autre « économie monde ».

On observera, d’ailleurs, que l’ascension de la Chine - qui, dès maintenant, fait jeu égal, sur le plan économique, avec le Japon, l’Allemagne, les Etats-Unis,… - ressemble fortement à celle des Etats-Unis, il y a un siècle - 1870-1913 -, en voie d’émerger alors comme « grande puissance ». Dans les deux cas, en effet, on a un taux de croissance fort et une contribution élevée à l’augmentation du Produit Intérieur Brut mondial. Et, comme pour les Etats-Unis, cette ascension de la Chine - avec des taux de croissance qui fascinent, même s’ils ont baissé, on l’a noté, avec la crise - transformera, non seulement la Chine elle-même, mais encore reconfigurera le monde dans son ensemble dont elle devient de plus en plus la « locomotive »[19].

• Tous les observateurs attentifs - on l’a déjà dit plus haut, mais il faut le consigner à nouveau - s’accordent, en effet, pour soutenir que la longue et difficile période de crise et de transition va encore augmenter le basculement de la puissance vers l’Asie[20]- et vers la Chine, en particulier – qui sera bien ainsi… demain, le « pivot » du nouvel ordre mondial.

b- Eclosion et rémanence de puissances anciennes

Il faudrait ici parler, avant tout - dans les « BRICs » « traditionnels », désormais - du Brésil et de la Russie.

Le Brésil, longtemps considéré - on se souvient des prévisions des années 80 pour les années 2000 – comme devant être aux tout premiers rang et plan sur la scène mondiale ; et qui, cette fois-ci - pour de bon -, paraît s’orienter vers les sommets.

=> La Russie. On a assisté, dans les années 2000 – après la difficile période suivant l’effondrement de 1989-91 – au « retour »[21]de la Russie comme acteur majeur de la scène internationale. En effet, sous l’impulsion de Vladimir POUTINE, la Russie a retrouvé, depuis 1999, une croissance spectaculaire (elle oscille entre 5 et 10% par an au début des années 2000), appuyée sur ses formidables ressources énergétiques. Elle a été ainsi reconnue, depuis 2003, comme membre des fameux « BRICs », et le Kremlin, fort de ses « pétrodollars », a multiplié alors les signes d’un renouveau de sa puissance militaire (nouvelles fusées,…). On sait que cette « nouvelle » Russie - que la fierté nationale et le dessein de puissance n’ont jamais quittée depuis la disparition de son « empire » en 1991 - a entendu montrer à l’Occident, dans l’affaire géorgienne, que, requinqué par la croissance, les bénéfices du gaz et du pétrole, « l’ours » russe était sorti de son hibernation et que le Kremlin - sa détermination est totale avec, désormais, le « tandem » (durable ?) MEDVEDEV-POUTINE - n’accepterait plus la politique d’humiliation et d’encerclement de la Russie, menée, hier, par les Américains et leurs « satellites » de l’Est européen[22]. On a bien vu, d’ailleurs, que, si les Etats-Unis de BUSH et l’UE s’étaient attachés à continuer, demain - sans avoir pris en compte la « leçon géorgienne » -, à chercher à « grignoter » le champ géopolitique de la Russie à ses frontières occidentales (en encourageant l’Ukraine, berceau historique de l’Etat russe, à adhérer à l’OTAN,…), alors, on ne se hasarderait guère à avancer - on le fit alors - qu’on rentrerait dans une nouvelle « guerre froide » avec des risques majeurs de confrontations, la vieille Europe pouvant se retrouver alors… à nouveau au centre d’un cataclysme mondial.

La nouvelle Présidence américaine d’OBAMA a bien perçu tous ces risques et s’attache, en conséquence, à dessiner une nouvelle géopolitique par rapport à la Russie avec, en particulier, le geste d’apaisement que fut la suspension du projet de déploiement d’un bouclier antimissiles en Europe de l’Est, au profit d’un projet plus souple et moins ambitieux.

Bien sûr, la crise n’a pas épargné - comme les autres grands pays émergents - l’économie russe[23]. Au point que plus d’un observateur se sont demandé - avec, ainsi, l’apparition, au grand jour, de la faiblesse de cette économie - si la Russie n’était pas un « imposteur » à figurer parmi les BRICs[24]. Mais on voit bien, dès maintenant – fin 2009 - début 2010 -, que la Russie va encore, demain comme hier, continuer à bénéficier à plein de ses ressources énergétiques ; et à s’imposer à plein - on y reviendra - comme puissance nucléaire mondiale, à parité - ou presque - avec les Etats-Unis dans le cadre du désarmement nucléaire, malgré les difficultés qu’elle rencontre à mettre au point - pour maintenir ce « statut » - son nouveau missile intercontinental BOULAVA.

c- Apparition de « nouveaux dragons »

Derrière les célèbres « BRICs », on peut, en effet, semble-t-il, identifier de nombreux pays - une dizaine – qui connaissent une dynamique forte et dont l’émergence – qui n’en est qu’à ses débuts (en 2008-2009) - devrait se poursuivre… malgré la crise. On y trouve, notamment[25], le Mexique, l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Corée du Sud,… Il est sûr, en particulier, que la Corée du Sud « s’installe dans la cour des grands »[26]. C’est un signe que la réunion annuelle de G20 - on y revient plus loin - se tiendra à Séoul, en novembre 2010.

* * *

Au total, en conjonction et en conclusion de ces deux tendances rappelées à l’instant, on voit bien qu’il y a, dès aujourd’hui, et qu’il y aura plus encore demain, dans la période transitoire, gestation et survenance d’une scène internationale avec de nombreux pôles plus ou moins puissants. Et, si les Etats-Unis vont rester, un temps encore, la puissance de premier plan, dans un monde « unimultipolaire », il est clair que, au fur et à mesure que l’Amérique sera moins l’acteur dominant suite à l’émergence de plus en plus marquée d’autres pôles, on va donc aller, dans les décennies qui viennent, vers un monde plus multipolaire, un monde - pour caractériser la géographie mondiale de demain - plus « multi-polycentrique », bref, pour faire court, un monde plus « polycentrique »[27]. C’est - à tâtons - ce nouveau monde de demain, plus polycentrique, que cherchent à exprimer les organisations en charge de la gouvernance mondiale, avec le passage du G8 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada, Russie) au G20 - le nouveau directoire de la planète, on l’a dit - qui prend en compte - outre les pays précédents - 10 pays émergents (Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique et Turquie), plus l’Australie et l’Union Européenne (représentée par le Président du Conseil Européen et de la Banque Centrale Européenne). Le Sommet de ce G20 à Pittsburgh (septembre 2009) a bien été marqué - on l’a déjà mentionné -, ainsi, par la montée en puissance des grands pays émergents sur la « nouvelle » scène mondiale. Ce G20 devrait être, demain, de plus en plus reconnu comme la « nouvelle » enceinte pour la gouvernance mondiale.

B- La perspective d’un polycentrisme mondial source de tensions accrues entre les nations

Nous étions, autour des années 2000, à vivre la domination des Etats-Unis, la nation impériale régnant sur l’univers à travers la « dite » mondialisation. Nous allons, avec le « nouveau XXIème siècle », marqué par la résistance, sinon la résurgence, du fait national, passer « du siècle américain au retour des nations »[28]. S’ouvre bien, en effet, devant nous, dans la période transitoire, avec les bouleversements que l’on sait - nouveaux pôles de puissance, etc. -, un siècle de nations avec un monde de nations (au pluriel).

• On peut craindre que ce nouveau monde plus polycentrique d’aujourd’hui et, plus encore, de demain, où la souveraineté nationale redevient de plus en plus un axe clé de notre réalité, ne soit - malgré la nouvelle politique américaine d’OBAMA, tournée vers le dialogue, le partenariat et la paix - un monde tout à la fois à l’instabilité et à la dangerosité accusées.

1- Un monde plus polycentrique de nations à l’instabilité accusée

a- Nous avions, avec les Etats-Unis, l’hyperpuissance, un monde plus ou moins unitaire, unipolaire. Les commentateurs n’ont cessé de chercher à qualifier au mieux ce monde comme le monde - reprenons les qualificatifs les plus usités - de « l’homogénéité », de la « simplicité », un monde « unifié », un monde « plat »,… Le monde américain des années 2000, sur lequel l’Oncle Sam exerce son autorité et impose son ordre, est, ainsi, au mieux, le monde de la stabilité, même si, bien sûr, on n’a pas évité, depuis les années 1990 - et le début du « règne » des Etats-Unis -, les crises et les conflits[29].

b- Il n’en va plus de même avec le monde plus multipolaire dans lequel nous allons entrer à plein. Ce « nouveau » monde - par rapprochement et opposition au monde précédent -, est un monde plus « complexe », plus « hétérogène », plus « diversifié », plus « fragmenté », plus « émietté », aux contours plus flous et incertains, le monde de « l’épaisseur »[30]. Comme tel, ce nouveau monde plus déstructuré - livré, tel qu’il se dessine, aux soubresauts d’une histoire en recomposition autour et avec les nations - est et sera – par rapprochement et opposition, là encore, au qualificatif précédent « stable » - un monde plus « instable ». Il est certain que le monde aux pôles multiples, sinon multipolaire, qui s’avance dans le brouillard de l’avenir, sera un monde « en équilibre hautement instable »[31]. Il est sûr que le « polycentrisme », avec des pôles nombreux, augmente « mécaniquement » - ou presque - l’instabilité et les foyers d’instabilité. Certes, les zones de forte instabilité ne manquaient pas déjà - on y a fait écho plus haut - dans la période de stabilité de l’ordre unipolaire que voulaient présider les Etats-Unis : qu’on pense au Proche et au Moyen Orient. Mais il est clair que l’apparition de plusieurs ensembles, de nouveaux pôles de puissance dans une configuration multipolaire, ne peut pas ne pas générer, à leur périphérie, des zones de fragilité, de flottement,… Avec plusieurs thèmes mis en avant, dans cette perspective d’instabilité : l’incertitude, le désordre et, peut-être, plus avant, pour certains, le chaos[32].

2- Un monde plus polycentrique de nations à la dangerosité accusée

a- Dans la période d’hégémonie des Etats-Unis, l’Amérique impose ses intérêts et son ordonnancement du monde. Elle affiche - on le sait - que « sa » globalisation libérale est porteuse tout à la fois de Prospérité et de Paix. Il est vrai - pour en rester au thème de la Paix - qu’aucune autre nation de par le monde n’a - dans les années 1990-2000 - capacité à contester ouvertement, sur le champ de bataille, la suprématie militaire des Etats-Unis. On était bien, par là même, à cette époque - repensons aux exemples déjà cités : guerre du Golfe, 1991,… -, dans le cadre – les qualificatifs ont fleuri - de « guerres asymétriques », de « guerres bâtardes et irrégulières », de « guerres de basse intensité », de « petites guerres »,… Ces « nouvelles conflictualités » - pour reprendre, là encore, l’expression mise en avant dans les années 1990 - sont bien, en effet, des conflictualités « limitées » : on n’a pas de possibilités de conflits « majeurs », de « vraies guerres », de « grandes guerres »[33].

b- Tout autre est et sera la situation dans un monde plus multipolaire, avec des intérêts nationaux nombreux, affirmés et souvent contradictoires et où les déséquilibres de puissance ne sont plus ce qu’ils étaient hier, entre le mastodonte américain et… les autres. On risque fort, désormais, dans ce nouveau contexte - malgré les efforts faits pour mieux traduire la nouvelle « physionomie » multinationale de la planète[34]- d’avoir un choc de ces intérêts nationaux et, peut-être même, un « retour de la barbarie »[35].

On a déjà consigné, plus haut, les rivalités économiques des Etats - des capitalismes d’Etat - dans la période de transition. Nous voilà bien, en effet, dans le temps de l’hypercompétition entre puissances occidentales, entre puissances occidentales et puissances émergentes,… Ces affrontements risquent d’être d’autant plus sévères, demain, qu’apparaissent de nouveaux et graves facteurs de tensions sur lesquels va se polariser l’attention des nations : on pense aux nouvelles rivalités touchant les ressources naturelles, l’énergie, l’eau douce[36], l’environnement,… On a bien vu, déjà, à la Conférence de Copenhague, en décembre 2009, Conférence dominée par les Etats-Unis - qui ne sont plus les uniques acteurs capables d’imposer leur vue - et la Chine - qui refuse de se priver de croissance économique synonyme de « biens » et de « jouissances » modernes « occidentales » pour ses citoyens -, les oppositions fortes de cette période de transition, suite, en particulier, aux changements climatiques et à leurs conséquences en matière de rareté croissante des ressources en nourriture[37]135. On perçoit bien, dès lors – avec l’affirmation des volontés de puissance des grands pays, ceux qui entendent le rester et ceux qui entendent le devenir -, la possibilité de conflits classiques… de puissances nationales plus ou moins égales, en lutte ouverte sur tous ces enjeux. Il n’est donc pas exclu que, dans le monde multi-polycentrique des décennies qui viennent, ressurgissent les perspectives de conflits interétatiques majeurs, de « guerres de haute intensité », de « guerres en grand », de « grandes guerres ». Nous allons revenir à plein sur ces réflexions dans la troisième et dernière partie de notre démarche.

[1]Cf., dans une abondante littérature, DESPORTES (Général V.) :L’Amérique en armes. Anatomie d’une puissance militaire, Economica, 2002 ; BOYER (Y) : « La puissance militaire américaine », Questions

Internationales, n°3, septembre-octobre 2003 ;…

[2]« Net Centric Warfare » (NCW) et « Net Centric Operations » (NCO).

[3]Cf. KESSLER (D) : « La troisième année de crise est la plus difficile », Les Echos, 18 janvier 2010.

[4]Même si, dans son discours devant le Congrès, le nouveau Président, Barak OBAMA, a dessiné les contours d’un « nouveau siècle américain » (Le Figaro, 26 février 2009).

[5]On sait, en effet, que le Président américain a finalement décidé, début décembre 2009, l’envoi de 30.000 hommes en renfort en Afghanistan, en espérant pouvoir commencer à réduire les troupes avant la fin de son mandat, en 2012.

[6]Cf. LESNES : « Barak OBAMA parle avec les ennemis de l’Amérique », Le Monde, 03 octobre 2009.

[7]Cf. NIQUEL (V) : « Hilary CLINTON en Asie ou le basculement du monde », Le Figaro, 18 février 2009.

[8]On verra également le discours prononcé par Barak OBAMA à l’occasion de la remise du Prix Nobel, le 10 décembre 2009.

[9]Cf. la profession de foi pour un nouveau multilatéralisme de Barak OBAMA à l’Assemblée Générale des Nations Unies (cf. Le Monde, 25 septembre 2009).

[10]Etude de la banque d’affaires Goldman Sachs, en 2003.

[11]Cf. EPSTEIN (M) et JAFFRELOT (C) (sous la direction de) : Les Nouveaux géants. Comprendre les pays émergents, L’Express, Sciences Po, Ceri et atelier de cartographie, octobre 2008.

[12]Selon l’expression de l’écrivain Sunil KHILNANI.

[13]Cf. Judet (P) : Les NPI, Editions ouvrières, 1981.

[14]Mais aussi le Chinois HAIER, devenu, en 2009, leader mondial en matière d’électroménager (en détrônant l’Américain WIRLPOOL) ; etc.

[15]Cf. BULARD (M) : « L’Inde reprend son rang », Le Monde Diplomatique, janvier 2007.

[16]Cf. Le Monde Diplomatique. Manière de voir : « De la chute du mur de Berlin à l’essor de la Chine : le basculement du monde », n°107, octobre-novembre 2009.

[17]La Chine a produit plus de 12 millions de véhicules en 2009 et est devenue, en début d’année, le 1er marché automobile de la planète.

[18]Cf. PHILIP (B) : « La Chine s’affirme comme grande puissance mondiale », Le Monde, 08 octobre 2009.

[19]Cf. MALET (E-H) et autres : articles sur la Chine dans Passages, n°160, octobre 2009.

[20]Cf. CHAPONNIERE (J-R) : « La crise renforcera l’Asie », Le Monde, 04 octobre 2008 ; RUET (J) : « La crise ; une occasion en or pour les multinationales émergentes », Le Monde, 21 octobre 2008 ; VITTORI (JM) : « L’Asie n’a plus besoin de nous », Les Echos, 13 octobre 2009.

[21]Cf. SAPIR (J) : « Russie ; retour gagnant », La revue pour l’intelligence du monde, n°7, mars-avril 2007.

[22]Cf. MOISI (D) : « Il faut comprendre l’humiliation russe », Les Echos, 05 octobre 2009.

[23]Cf. The Economist : « La Russie, le "nouvel homme malade" »,Problèmes Economiques, 02 septembre 2009.

[24]Cf. ROUBINI (N) : « Quels sont les vrais pays émergents ? », Les Echos, 16 novembre 2009.

[25]Cf., pour plus de détails, le rapport publié par le Cabinet ERNST ET YOUNG sous le titre : « Mondialisation 2.0 », dans Les Echos, 20 mai 2008 ; on verra aussi le travail du Cabinet d’audit PRICE WATERHOUSE COOPERS (PWC) de janvier 2010 : cf. Le Monde Economie, 26 janvier 2010.

[26]Cf. GRANDI (M de) : « La Corée du Sud s’installe dans la cour des grands », Les Echos, 16 février 2010.

[27]On récuse la terminologie de monde « apolaire » mise en avant par certains (Richard HASS) pour qualifier la réalité internationale de demain.

[28]Cf. SAPIR (J) : Le nouveau XXIème siècle. Du siècle américain au retour des nations, Seuil, 2008.

[29]Pour une première vision de ce monde qui est donc loin d’être totalement stable et pacifié, cf. BONIFACE (P) et VEDRINE (H) : Atlas des crises et des conflits, A. Colin-Fayard, 2009.

[30]Cf. HEISBOURG (F) : L’épaisseur du monde, Stock, 2007.

[31]Cf. BAVEREZ (N) : En route vers l’inconnu, Perrin, 2008, p81.

[32]Cf. RAUFER (X) : « Monde chaotique, menaces stratégiques », Défense Nationale et Sécurité Collective, Décembre 2008.

[33]Cf. DUFOUR -J-L) : « Un monde en guerre : des guerres en moins », dans Enjeux Diplomatiques et Stratégiques, Economica, 2008.

[34]Avec, en particulier, la réforme de l’ONU.

[35]Cf. DELPECH (T) : L’ensauvagement : le retour de la barbarie au XXIème siècle, Grasset, 2005.

[36]Cf. LASSERRE (F) : Les guerres de l’eau, Edit. Delavilla, 2009.

[37]Cf. WELZER (H) : Les guerres du climat. Pourquoi on tue au XXIème siècle, Gallimard, 2009

Messages

  • Face à bien des commentaires de gauche et d’extrême gauche qui affirment que la crise ne serait que pour faire payer les pauvres, nous avons dit que le mécanisme fondamental du capitalisme n’était plus en état de marcher. Certains militants et certaines organisations vont jusqu’à écrire que la crise n’est qu’un prétexte pour une politique de rigueur visant à accroître les profits. C’est un avis très différent et qui a des conséquences fondamentales pour le prolétariat et ses luttes. Pourtant, la crise date de 2008 et le capitalisme semble toujours bien là, en face de nous. N’avons-nous pas sous estimé ses capacités de résistance ?
    L’économie américaine, à la source de la crise de 2008 - et même de 2000 - avait été mise sous perfusion depuis. Le perfusion s’arrêtait maintenant. Qu’allait faire l’Etat américain ? Eh bien, il renouvelle sa perfusion ! La FED aussi ! Notre comparaison avec la vie de Sharon, en vie ou pas, était donc bel et bien valable.

    Le monde capitaliste n’est pas sorti de sa crise. ce n’est pas la presse d’extrême gauche qui le dit mais la presse patronale (La Tribune, Les echos, ...) dite presse économique. Ce monde ne va pas s’en sortir par des moyens économiques mais par des moyens politiques, par la lutte des classes, en écrasant le prolétariat par le fascisme et la guerre mondiale où le mène les contradictions inter-impérialistes et la concurrence pour les matières premières.

  • Les investissements directs étrangers (IDE) en Chine ont chuté de 16,95 % sur un an en juillet, a indiqué le gouvernement lundi 18 juillet – un plus bas depuis deux ans. Sur l’ensemble des sept premiers mois de l’année, les investissements étrangers sont en recul de 0,35 % par rapport à la période comparable de 2013, à 71,14 milliards de dollars.

    « C’est tout simplement normal de voir un peu de volatilité d’un mois sur l’autre, alors que le pays intensifie ses efforts pour rééquilibrer sa croissance. Cela ne reflète pas une tendance générale », a commenté Shen Danyang, porte-parole du ministère du commerce. Surtout, « il ne faut y voir aucun lien avec les enquêtes anti-monopoles lancées contre certaines entreprises à capitaux étrangers », a insisté le responsable, mettant en garde contre des « spéculations sans fondement ».

    Pékin affiche sa volonté de doper les investissements à l’étranger, soucieux notamment de sécuriser ses approvisionnements de matières premières et ses débouchés commerciaux dans le monde.

    Après s’en être pris l’an dernier à des grands groupes étrangers du secteur pharmaceutique et de l’agroalimentaire, les régulateurs chinois ont annoncé ces deux derniers mois avoir lancé des enquêtes sur les pratiques commerciales de firmes informatiques et de constructeurs automobiles.

    Sur les sept premiers mois de l’année, les investissements nippons ont plongé de 45,4 %, à 2,83 milliards de dollars, alors que s’avivent les tensions géopolitiques entre Pékin et Tokyo. De leur côté, les investissements américains ont reculé de 17,4 % (à 1,81 milliard) et ceux en provenance de l’Union européenne de 17,5 % (à 3,83 milliards).

    Après le rebond des investissements enregistré en 2013 (+ 5,3 %), le moral des investisseurs avait été émoussé au premier semestre par l’assombrissement de la conjoncture dans la deuxième économie mondiale, qui connaissait un net ralentissement de l’activité.

  • Mme Yellen, dirigeante de la FED américaine, a répondu à cette question :

    « Il est évident qu’on ne peut pas apporter de certitude car nous ne savons pas comment l’économie va évoluer ».

    La bourgeoisie américaine et mondiale est dans l’attente de la prochaine crise financière devant laquelle elle sera désarmée, ayant épuisé ses moyens financiers.

    Elle est donc partagée entre le désir de reconstituer ses fonds et celui de conserver son intervention massive pour éviter la chute....

  • Clôture de Wall Street : fin de semaine dans le rouge vif !

  • La FED n’est parvenue à remonter ses taux que de manière tout à fait symbolique en annonçant un relèvement de ses taux directeurs de 0,25 point de base pour la première fois depuis près de dix ans. …

    C’est un tout petit changeùent, réalisé de manière extrêmement craintive et par obligation.

    La FED a injecté 5000 milliards de dollars dans l’économie en trois fois principales : 2008, 2009, 2010 (1750 milliards entre novembre 2008, 2500 milliards en mars 2009, 600 milliards de dollars en novembre 2010) plus quelques centaines de milliards par ci par là (40 milliards en septembre 2012, 85 milliards en janvier 2013, etc.)… Cela avait commencé par 50 milliards en septembre 2008, suivis de 63 autres milliards puis 20 autres pour finir par compter en milliers de milliards de dollars…

    Elle va hausser (très peu) les taux mais ne va pas retirer les 5000 milliards de dollars des marchés. Rien ne dit même qu’elle ne va pas en injecter encore !

    La prétention d’aoir amélioré le marché de l’emploi aux USA est un mensonge statistique ! En fait, la FED se couvre en prétendant œuvrer pour l’emploi alors qu’elle œuvre pour le capital !
    Banque d’Angleterre, Banque du Japon, BCE, Banque de Chine et autres en ont fait autant, ce qui, au total, fait une fois et demi environ la somme soit 7500 milliards de dollars créés rien que pour donner des intérêts aux capitaux des marchés sous différentes formes…

    Libération écrit :

    « Mais voilà, beaucoup d’économistes donnent une tout autre interprétation à cette hausse des taux. Et si la décision de la Fed visait plutôt à prévenir une prochaine crise ? Explication : l’économie oscille entre des hauts et des bas. Et Janet Yellen sait mieux que quiconque que les Etats-Unis ne sont pas à l’abri de prochaines secousses économiques. Or, si par malheur un tel scénario devait advenir, la Fed serait bien en peine d’agir en vue d’une relance économique si ces taux sont déjà quasiment nuls. Une telle hypothèse est d’autant plus prise au sérieux que les marchés actions n’ont cessé de se déconnecter de l’économie réelle. Un grand gagnant des largesses monétaires de la Fed aura été le marché boursier, dont les indices ont presque triplé aux Etats-Unis depuis le plancher de 2009. Un passage de l’euphorie à la panique ne peut être exclu. Enfin, les mêmes critiques remettent en question la façon dont la Fed interprète le taux d’inflation et le taux de chômage. Selon ces derniers, l’inflation sous-jacente, celle qui prend en compte l’énergie et l’alimentation est en réalité proche de 0%. Quant au taux de chômage ce dernier à beau, afficher un niveau (5,1%) presque aussi bas que celui d’avant crise en 2007... il ne reflète qu’une partie de la situation économique. »

    Le taux de chômage n’est pas de 5% mais atteindrait en réalité les 20% si l’on prend en compte toutes les personnes exclues des statistiques. Deux : les inégalités croissantes ont fragilisé la classe moyenne et donc la demande. Selon d’autres experts, la Fed va donc affaiblir le dollar, à la fois pour redonner du tonus aux sociétés exportatrices américaines mais également pour importer de l’inflation.

    D’autres économistes pensent que les taux bas finissent par augmenter les risques d’une nouvelle bulle financière que la FED tente de dégonfler en augmentant ses taux.

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