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Editorial 18-08-2010 - La lutte des sans papiers

mercredi 18 août 2010, par Alex

La lutte des sans-papiers : un mouvement exemplaire ?

S’il se dirige lui-même !

Pour un gouvernement, le mois d’août est toujours utilisé pour l’annonce discrète de l’augmentation des tarifs d’électricité, comme cela vient d’être le cas cette année (et tout de suite salué par la Bourse). Mais une autre manœuvre a été menée, sans grande publicité, à la faveur de la trêve estivale : l’appel de syndicats et d’organisation politiques à la fin des occupations de sites par les sans-papiers, la catégorie la plus combative de la classe ouvrière en France depuis des mois.

« Il faut savoir terminer une grève » avait dit Maurice Thorez, dirigeant du PCF, en 1936 face à une grève générale qu’il donnait à son parti la mission d’endiguer. Il faut savoir mettre fin aux occupations des agences d’intérim par des piquets de grève CGT, ou du site de la rue Baudelique (Paris 18ème), ont annoncé ses dignes héritiers, des associations ou syndicats qui se sont érigés en porte-parole du mouvement des sans-papiers.

Qu’ont obtenu les milliers de sans-papiers qui ont entrepris depuis des mois, collectivement, notamment à travers un mouvement de grève et d’occupations de sites, les démarches pour obtenir un titre de séjour ? Pour quelques centaines, des papiers, c’est déjà une victoire. Mais pour ceux qui étaient encore en lutte : de vagues formules non contraignantes pour lui-même de la part du gouvernement, mais que des organisations se sont empressés de présenter comme « contraignantes » pour les sans-papiers, comme une grande victoire juridique, méritant l’arrêt des occupations. Ceci avant même que ces sans-papiers aient obtenu la régularisation qui soi-disant sera la conséquence de ces nouveaux textes.

S’il n’y a pas eu de recul du gouvernement, il n’y avait aucune raison de crier victoire. S’il y a eu recul du gouvernement, c’est la grève avec occupation, les modes d’action de la classe ouvrière qui l’ont obtenu. Alors pourquoi s’arrêter avant les régularisations, au moment ou le gouvernement commence à reculer ? Au moment où les Roms sont visés par ce même gouvernement et se défendent, ce mouvement des sans-papiers n’aurait-il pas pu et dû devenir un point de ralliement de tous ceux qui subissent la politique anti-immigrés du gouvernement, dont les dizaines de milliers de sans-papiers qui n’ont pas encore osé rentrer dans la lutte ?

Les militants du mouvement des sans-papiers, avec ou sans-papiers, qui appellent à la fin de ce mouvement montrent leur véritable nature. Le mouvement des sans-papiers est exemplaire mais pas dans le sens où des leaders syndicaux ou politiques aiment à le répéter sur un mode paternaliste aux sans-papiers depuis des mois.
Un mouvement très combatif, s’il n’est pas dirigé par les travailleurs eux-mêmes, ne peut aller très loin. Ce mouvement n’est qu’en partie une victoire. Outre les centaines de grévistes, il y a tous ceux qui auraient voulu s’engouffrer dans la lutte mais que les associations et syndicats ont refusé d’organiser pour limiter l’ampleur du mouvement. Heureusement certains de ces travailleurs ont souvent déposé individuellement leur dossier. Encouragés par ce mouvement collectif mais maintenus en dehors, leur régularisation est elle-même malgré tout une des conséquences du mouvement.

Mais de larges secteurs employant des sans-papiers n’ont pas été appelés, ont été dissuadés de rejoindre le mouvement, ce qui l’a privé d’une partie de ses troupes. En France les deux-tiers des investissements publics passent par les institutions décentralisées : les mairies, les départements, les régions. En majorité dirigées par la gauche, elles sont donneur d’ordre dans l’exploitation des sans-papiers, au travers de la construction, du nettoyage des établissements d’enseignement, des hôpitaux, des transports etc.. Les élus locaux se cachent derrière la sous-traitance. L’Etat, du niveau national à celui des municipalités, est le premier patron voyou avec les sans-papiers. Le mouvement avait un levier politique puissant à portée de main. Pour ne pas gêner leurs amis, (ou eux-mêmes car certains militants cumulent les mandats syndicaux et politiques locaux), les dirigeants syndicaux et associatifs ont veillé à éviter tout débordement de ce côté-là. De même aucun mélange n’a été fait entre les scolaires, les étudiants, les familles sans papiers, et les travailleurs sans papiers. Tous ces freins au mouvement montrent ce que perdent des travailleurs en confiant la direction de leur lutte à des appareils politiques et syndicaux qui ne sont que des rouages d’un Etat au service de leurs patrons.

Toutes les organisations nous font répéter dans les manifestations le slogan : « Tous ensemble ! ». Sa réalisation ne sera que le résultat d’un processus, d’une dynamique marquée par des étapes. C’est au moment où une catégorie de travailleurs est en passe d’obtenir une victoire partielle qu’elle a le plus de chance d’entraîner d’autres. Ou de s’adresser à d’autres afin de commencer, même sans les entraîner immédiatement dans la lutte, à créer cette conscience collective sans laquelle la classe ouvrière ne parviendra à mener aucune lutte d’envergure. C’est une lutte qui empruntera cette voix qui sera vraiment exemplaire pour tous les autres travailleurs. Et lorsque des travailleurs commencent à s’adresser à d’autre, la menace de contagion qu’il représente favorise leur victoire car c’est de cela que les gouvernants ont peur.

C’est l’union des travailleurs, au travers de leur lutte qui commencera à qui donner un vrai contenu au Tous ensemble. Pas l’union derrière des bureaucraties politiques et syndicales « unitaires » dont les classes dirigeantes tolèrent l’existence car elles servent de frein aux luttes, comme elles viennent d’en donner l’exemple avec les sans-papiers. Le jour ou dans des manifestations, des sans-papiers se déclareront solidaires des paysans victimes de spéculateurs sur les marchés agricoles, ou des ouvriers obligeront leur patrons propriétaires de terrains vagues à l’aménager pour les Roms le « Tous ensemble ! » sera en vraiment en marche !

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