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Un courrier sur la Birmanie

mercredi 23 janvier 2008, par Robert Paris

Répression d’une manifestation populaire

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Birmanie : des émeutes et des luttes à retenir !

(Printemps 1988)

* * *

Introduction Nous allons essayer dans ce texte de tirer les leçons des émeutes qui ont explosé en Birmanie au printemps ’88. Soulignons avant tout deux ou trois points pour replacer ces événements dans leur contexte local et international. Si l’on considère, d’un point de vue mondial, les dix dernières années écoulées, on peut affirmer sans erreur qu’il y a eu des luttes, des affrontements, des tensions sociales qui confirment, si besoin en est, que même dans une période de paix sociale profonde, le prolétariat n’est jamais tout à fait écrasé ; qu’il ne disparaît jamais complètement de la scène de l’histoire. Bien sûr, en y regardant de plus près on voit rapidement que ces explosions de colère sont faibles, rares, aux revendications peu claires, etc. Les mêmes faiblesses se retrouvent presque à chaque fois et les affrontements en Birmanie n’échappent pas aux caractéristiques des luttes actuelles : sporadicité, limitation aux frontières nationales, alternance (par opposition à concomitance) des luttes dans différents pays, enfermement dans les frontières sectorielles, nationales ou autres. Le lecteur intéressé pourra trouver dans nos revues différentes tentatives pour comprendre, analyser et tirer les leçons de mouvements, de luttes de notre classe. Citons pour exemples les émeutes de la faim au Maroc en 1984 et en Tunisie en 1986, celles de Constantine, les conflits à Gaza et en Cisjordanie et récemment encore en Algérie et en Argentine. Citons également les luttes en Pologne, la guerre Iran/Irak, la grève des mineurs en Angleterre,. .. En ce qui concerne la lutte du prolétariat en Birmanie, nous tenons à souligner quelques différences qualitatives importantes par rapport à d’autres luttes qui lui sont proches dans le temps. Une importance relative bien sûr. Une importance à mettre en relation avec le contexte actuel de calme social, d’anesthésie de notre classe. La lutte en Birmanie se distingue, primo, par sa durée : sept mois, au minimum ; secundo, par l’importance de la lutte, sa massivité. En effet, même si nous savons parfaitement que jamais dans son histoire le prolétariat n’a été défait par manque d’effectifs (la carence n’est pas quantitative mais qualitative) , il faut souligner qu’ici il ne s’agit pas d’un ou deux secteurs, de l’une ou l’autre usine qui tiendrait le devant de la scène, même si le mouvement, ici comme ailleurs, a démarré ainsi. En Birmanie, très rapidement, tout ce que la presse bourgeoise appelle "la population" s’engage dans la lutte : certains, en cachant les insurgés, en leur procurant abri et nourriture ; d’autres, en manifestant dans les rues, en pillant les magasins, et en attaquant tous les signes de richesse ; d’autres enfin, tels certains soldats, en refusant de tirer ou en désertant. Les grèves générales furent très suivies et des villes entières paralysées. Enfin, le troisième point important de cette lutte concerne l’organisation des insurgés. Nous savons que des villes entières et des ports ont été vidés de leurs administrateurs et dirigés pendant plusieurs jours par les insurgés. Nous savons que les cibles des pillages n’étaient pas déterminées par le hasard d’un parcours de manifestation, ou encore que face à la terreur bourgeoise s’est organisée une contre-terreur prolétarienne : des milices d’auto-défense se sont mises sur pied, des pillages de commissariat de police ont eu lieu, la défense de quartiers entiers dans la banlieue de la capitale a été assumée,... Nous croyons pouvoir affirmer qu’il y eut ces dernières années, différentes tentatives pour diriger d’un point de vue prolétarien ces luttes. Mais hélas, dans ce cas, plus encore qu’en ce qui concerne la lutte en Iran/Irak, nous dépendons des informations que filtre la presse bourgeoise. Nous avons donc tenté de rassembler le plus d’informations possibles du plus grand nombre de journaux. Nous avons consulté la presse d’au moins sept pays différents, de la Chine à la France en passant par Cuba et l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie. Cependant aucune de ces informations n’est fiable et le résultat n’est évidemment pas le même que si nous avions pu nous rendre sur place ou obtenir des informations par des canaux militants. Depuis octobre ’88, les informations se sont faites de plus en plus rares et sont devenues si maigres que nous sommes dans l’impossib1ité de savoir ce qui se passe sur place depuis plus ou moins le mois de décembre 1988. Cependant cela ne veut pas dire que l’ordre bourgeois soit rétabli ou que le mouvement soit mort, écrasé. L’expérience nous a appris qu’en général la mort d’un mouvement de lutte contre l’Etat est louée, clamée, par la bourgeoisie comme une nouvelle victoire de la démocratie sur telle ou telle dictature, comme le triomphe d’un mouvement populaire de libération nationale sur un gouvernement à la solde de telle puissance ou de tel bloc. Le retrait des troupes, la création d’un Etat indépendant, la promesse d’élections prochaines, la reconnaissance de l’opposition, etc, marquent généralement la défaite du mouvement, l’hallali de la lutte. Rien de tel en ce qui concerne la Birmanie : la publicité que la bourgeoisie aurait pu faire de ces formes d’écrasement n’est pas clairement apparue. Le black-out bourgeois, la disparition pure et simple du sujet "Birmanie" de l’ensemble de la presse, couvre d’ailleurs toute la réalité d’un voile pudique. Lequel sert clairement à détourner l’attention de tous ceux qui se sentent, ou pourraient se sentir, concernés par cette lutte. Pour la bourgeoisie, les ouvriers en Birmanie donnent, en effet, un très mauvais exemple à leurs frères de classe partout dans le monde. Sur place, l’Etat bourgeois se charge à l’intérieur de réprimer le mouvement en soutenant les bourgeois birmans, puisque ceux-ci s’en montrent encore incapables, et, à l’extérieur, d’étouffer son exemple à l’aide de ses tout-puissants médias. Mais le silence de mort qu’essaye d’imposer la bourgeoisie ne signifie pas que tout soit rentré dans l’ordre bourgeois en Birmanie. La situation sociale et la haine de l’Etat sous toutes ses formes sont telles, que l’équilibre qu’essaye d’imposer la bourgeoisie par la terreur est extrêmement précaire : les prolétaires sont contraints, pour survivre, de nier les lois et de s’affronter à la bourgeoisie. Le prolétariat en Birmanie a tiré, de cette vague de luttes et de celles qui l’ont précédée, un ensemble de leçons qui lui permettront sans doute de se situer à l’avant-garde du prolétariat mondial dans cette région pour les grands combats à venir. Le contexte historique de l’explosion sociale Les 26 ans de pouvoir du général Ne Win à la tête du "Parti du Programme Socialiste Birman" (PPSB) n’ont fait qu’accélérer et catastrophiquement approfondir les effets dévastateurs de la crise capitaliste mondiale. La Birmanie, gros producteur et exportateur de riz dans les années 50, est devenue aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres de la planète. Les conditions de vie du prolétariat se sont extraordinairement, fortement et rapidement détériorées. Le revenu annuel par habitant était de 690 $ en 1960. Il est aujourd’hui de 190 $ et est donc plus faible que celui de la Chine ! Dans la région, la Birmanie est cependant un pays un peu "à part". Au début des années ’50, la bourgeoisie y applique une politique social-démocrate, pseudo anti-impérialiste et stalinienne, avec nationa1isation et parti unique (le PPSB). Le leader U Nu met en avant une politique de nationalisme virulent. Il participe d’ailleurs à la lutte contre les Anglais durant la colonisation. Pendant la courte période où il reste au gouvernement, U Nu met en avant une sorte de synthèse entre "marxisme" et bouddhisme. Il va d’ailleurs être le premier traducteur de Marx en Birman. Cette ligne bouddhisto-socia1- démocrate et pseudo anti-impérialiste amorce alors un fort renforcement de "l’Etat national indépendant", et permet l’écrasement du prolétariat au nom de la nation et de la démocratie (méthode mondialement employée des Philippines au Nicaragua, en passant par l’Europe, la Chine, etc). U Nu, renversé par le général Ne Win en 1962, s’exile, puis revient finalement au pays pour y diriger "l’opposition démocratique" . La situation économique, qui n’a fait que se détériorer, est aujourd’hui vraiment catastrophique. Le salaire moyen d’une personne, pour une famille qui en compte trois, équivaut à une tasse de thé par jour. Le marché noir est le seul moyen pour survivre. De plus, en septembre 1987, le gouvernement va retirer, sans avertissement ni compensation, 70% des billets en circulation, ce qui signifie que tous ceux qui possédaient quelques billets vont se retrouver du jour au lendemain sans un sou. Pourtant, le prolétariat en Birmanie ne vit pas dans des conditions de misère aussi extrêmes que nos frères du Bengladesh ou des Indes. La concentration rapide de capital, de l’exploitation y ont, en effet, déterminé un développement du prolétariat et de ses luttes ; même si celles-ci s’y sont trouvées contrôlées et réprimées par une union nationale de type stalinienne. De là découlent à la fois un prolétariat "éduqué", "syndiqué", mais aussi des traditions de lutte plus importantes que dans les autres pays voisins. Ceci explique aussi que l’explosion de colère du prolétariat va être plus brutale et plus profonde. En Birmanie, la religion n’a que peu de poids. Mais il est intéressant et caractéristique de constater que, comme en URSS par exemple, la fraction au gouvernement entretient la religion (ici le bouddhisme) alors que son influence idéologique sur le prolétariat reste faible (ce qui n’est par exemple pas le cas aux Indes). La religion constitue donc une carte de réserve pour la bourgeoisie. Pendant les derniers mois du soulèvement, les moines bouddhistes vont remplir la tâche à laquelle les destine la bourgeoisie : pacifier le mouvement, imposer le drapeau de la non-violence et de la démocratie en combattant (parfois physiquement) les manifestations violentes du prolétariat. La lente recrudescence de la militance ouvrière de ces dernières années (qui s’exprime violemment notamment dans les années ’70) a été déterminée par la rapide dégradation des conditions de vie. Face à cela, la bourgeoisie s’est vue contrainte de développer une variété croissante de fractions rivales, avec leurs idéologies propres, et avec comme but, la canalisation, l’enrôlement des prolétaires dans des luttes étrangères à leurs besoins. Les plus efficaces jusqu’ici ont été les différents mouvements de guérillas, groupes nationalistes prochinois, pro-indien, pro-anglais ou pro-russe,.. . (1). Et pendant 20 ans, ces groupes vont suffire pour encadrer le mécontentement des prolétaires, et les tuer lentement dans des combats entre groupes autonomistes et armée gouvernementale. Mais au sein de cette dernière commence alors à se développer un mécontentement croissant du fait de la dégradation des conditions de vie, de la lassitude, de l’usure dans ces combats sans fin. L’équilibre précaire en Birmanie qu’exprimait une relative stabilité de la paix sociale avec, d’une part, des combats continuels cantonnés dans les montagnes et le long des frontières et, d’autre part, l’imposition violente de la paix du travail dans la majorité du pays et plus particulièrement dans les grandes villes ; cet équilibre précaire donc, ne va continuer à se maintenir que grâce à (et dans) un contexte de relative stabilité économique. Mais avec l’approfondissement de la crise mondiale dans les années ’70, les problèmes commencent à se développer. La compétition s’accroît entre les différents groupes capitalistes, l’exploitation augmente rapidement alors que les prix subissent de soudaines et violentes hausses. En Birmanie, la fraction dirigeante est alors coincée dans un dilemne : s’adapter aux changements des conditions internationales, tout en faisant face à la réelle menace que constitue la classe ouvrière. Ce phénomène devient de plus aigu du fait que face au développement de la colère ouvrière, la bourgeoisie a déjà été contrainte de mettre en avant sa fraction radicale. Or, si d’un côté, le réformisme stalinien (présenté comme violant "les normes générales du capitalisme" ) est nécessaire pour lutter contre la classe ouvrière, d’un autre côté, la présence de staliniens, comme fraction dirigeante du pouvoir bourgeois est une carte importante que la bourgeoisie brûle, la rendant ainsi inutilisable pour la suite. Les gouvernements staliniens sont donc particulièrement coincés quand il s’agit, pour faire face à la crise mondiale, d’envisager des réformes. Ils sont contraints de bouleverser quelque peu le statu quo rigide dans lequel ils se complaisent pour éviter l’affaiblissement de leur pays dans la compétition internationale. Mais ils savent d’expérience que bousculer leur forme de gouvernement extrêmement statique et monolithique risque toujours d’entraîner des troubles plus grands encore, car le prolétariat peut y voir une brèche et s’y engouffrer. La bourgeoisie n’est pas prête d’oublier l’exemple de la "déstalinisation" en Russie d’où résultèrent des "débordements" dont elle se serait bien passée ! Les forces "conservatrices" qui respectent à la lettre le dogme stalinien, refusent toute réforme (considérée comme "détournement du socialisme", "compromission avec le capitalisme" ) car leur peur du prolétariat est supérieure au poids de la nécessité de rendre le pays compétitif sur le marché mondial (cfr. Brejnev, Ceaucescu,.. .) ; les "réformistes" choisissent plutôt une réforme générale des structures économiques, et donc politiques, penchant toujours vers une "occidentalisation" (cfr. Yeltsin, Poszgay...). Finalement, c’est le plus souvent la fraction pragmatique qui l’emporte (cfr. Gorbatchev, Grozs, Ne Win,...), entreprenant les réformes sans conviction tout en essayant de conserver l’essence de l’ancienne version. Bien sûr, ce n’est pas une question de choix entre une "meilleure" et une "pire" solution ; c’est une question d’urgence dans le contexte d’approfondissement de la crise mondiale. Une des expressions de tout ceci est le mouvement de balancier, le mouvement d’oscillation à "gauche" puis à "droite" ; le mouvement de pendule entre l’application de mesures, de réformes, puis leur retrait ; le pas dans le sens de "l’occidentalisatio n de la politique économique", puis au contraire le pas vers le renforcement du contrôle central ; la mise en place de mesures visant à changer les structures politiques et ensuite (sous forme de "contre réformes" ou parfois de coup militaire) la mise en place d’autres mesures, opposées (dans le sens mais non dans l’essence, bien sûr !), pour consolider les anciennes structures. Dans les années ’70, ce mouvement de balancier était caractéristique en Birmanie : politique d’ouverture avec emprunt sur le marché financier international, ouverture du commerce, encouragement à apprendre l’anglais,.. . et ensuite, retrait isolationniste avec efforts décuplés pour rembourser la dette, contrôle central accru de la vie politique, interdiction des cours d’anglais dans les écoles,... Mais tout ceci n’a pu empêcher les effets locaux de la crise mondiale et la dégradation de la situation sociale. La bourgeoisie, quelle que soit son idéologie, doit nécessairement diminuer le salaire social, augmenter l’exploitation, détériorer les conditions de travail, augmenter les prix directement ou indirectement (pénuries), renforcer la terreur d’Etat au nom de la démocratie (réformes) ou de la "démocratie populaire" (nommée "dictature du prolétariat" par les staliniens). Rappelons que la situation de classe est tendue en Birmanie depuis les années ’50, ce qui entraîne, dès avant l’approfondissement de la crise mondiale, l’accentuation de la militarisation locale du pouvoir et de l’économie. Pour la bourgeoisie, la détérioration de la situation sociale signifie l’accumulation de problèmes dans la production industrielle et agricole (c’est en 1987 que celles-ci vont diminuer le plus fortement, et les exportations se limiter au minimum à cause des tensions dans le pays), le poids de la dette,... Alors que la fragile stabilité disparaît du fait de l’augmentation des prix, de l’accroissement de la pression du capital sur la classe ouvrière, la situation de cette dernière en devient insupportable. Pour le prolétariat, la vie est de plus en plus chère et les salaires insuffisants pour nourrir les familles, ce qui force les ouvriers à travailler toujours plus pour ramener du riz. Pour donner un exemple : officiellement, en août 1988, un dollar vaut 6 à 7 kyats (monnaie birmane) tandis que sur le marché noir, il s’échange contre 40 kyats. Sur l’année ’88, le prix du riz augmente de 400% et l’on peut alors imaginer la situation du prolétariat dont le salaire moyen est de 10 kyats alors qu’il en faut 50 pour nourrir une famille ! De plus, tous les commerces d’Etat se mettent à vendre leurs marchandises au prix du marché noir, c’est à dire 6 fois plus cher à peu près. Bref, pour le prolétariat, il est devenu impossible d’éviter l’approfondissement de la pauvreté ; même les magouilles et les heures supplémentaires ne suffisent plus. Du point de vue de l’ordre capitaliste, la solution de toujours pour sortir de la crise est la destruction massive de marchandises (dont principalement les prolétaires, parce que la plus dangereuse). C’est cette destruction qui permet ensuite, comme une goulée d’air frais, de réinvestir, reconstruire, donner du travail,... Il lui fallait donc, à cet ordre capitaliste, massacrer les prolétaires : "pacifiquement" , par la faim si possible, sinon, en les tuant rapidement et efficacement dans des guerres internes ou contre un pseudo-ennemi extérieur. En Birmanie, le salaire est donc passé très en dessous du niveau nécessaire à la survie quotidienne et cette situation, constante en Inde et au Bengladesh, provoque ici un réel choc. Le décalage entre aujourd’hui et il y a 20 ans est d’autant moins supportable que tout espoir de redressement de la situation s’est peu à peu affaissé. D’autre part, la situation des prolétaires sous l’uniforme suit évidemment les mêmes chemins : problème de nourriture, guerre permanente contre les autonomistes, familles ruinées par la crise et au bord de la famine, etc. Ces éléments vont d’ailleurs conditionner les désertions et le refus de tirer sur les manifestants. Les luttes En février et mars 1987, plus de 200 officiers de Rangoon (la capitale) et de Mandalay (la deuxième ville) sont mis aux arrêts pour avoir critiqué, dans le mess des casernes, la politique économique du "bol de riz vide" de Ne Win (détournement ironique des déclarations et des objectifs du général Ne Win qui prétendait donner un bol de riz à chaque citoyen). Puis, en mars 1988, éclatent des émeutes suite au meurtre d’un étudiant par la police lors d’une manifestation violemment réprimée. Les affrontements durent plus d’une semaine et les motifs initiaux des émeutes se transforment en une protestation contre la décision gouvernementale de retirer de la circulation tous les billets supérieurs à 15 kyats (pour lutter contre le marché noir). Cette drastique mesure d’austérité a déjà souvent été appliquée et laisse, à chaque fois, le prolétariat exsangue. Les émeutiers incendient alors des magasins et attaquent ceux qu’ils considèrent comme riches et pillent leurs biens. En mai et Juin ’88 : nouvelles grèves et manifestations, nouveaux pillages. Le général Ne Win impose la loi martiale et le couvre-feu. Comme cela se passe souvent, le mouvement social a démarré en Birmanie dans le secteur "étudiant", ce qui n’est pas étonnant au vu de la minceur des espoirs de trouver du travail et de la noirceur du futur qui attend ces prolétaires pas encore lancés dans l’arène de l’emploi. Mais l’aggravation de la situation économique amène rapidement des milliers de personnes à descendre dans la rue, aux côtés des jeunes prolétaires "étudiants". Le général Ne Win mobilise alors ses troupes d’élites dans la capitale. Au fil des mois, le nombre d’émeutiers augmente. En août ’88, on parle de millions de manifestants, de plusieurs postes de police tombés entre leurs mains et pillés. La bourgeoisie birmane réagit par un mélange bien connu de promesses et de répression. Elle promet d’introduire de grandes réformes dans l’économie et, comme c’est l’habitude dans les pays à gouvernement stalinien, met l’accent sur "l’occidentalisatio n" qui "apportera le bien-être au peuple". Simultanément, la police et l’armée tirent sur les foules, tuant plusieurs manifestants. Depuis juillet, les prolétaires sont passés à l’offensive. De plus en plus fréquemment à Rangoon, mais aussi dans d’autres grandes villes telle Mandalay, les émeutiers mènent une bataille active contre l’Etat et la propriété privée. Ils se battent avec des matraques en fer, des rayons de roues de vélo aiguisés, des couteaux et des épées, des machettes,.. . Ils décapitent des militaires et des policiers, pillent des magasins, attaquent les villas de certains membres du gouvernement etc. Dans le port de Rangoon, les bateaux restent chargés à cause des grèves. Ceux qui contiennent de la nourriture sont attaqués et pillés. La poussée insurrectionnelle est telle que le général Ne Win démissionne le 23 juillet ’88 et est remplacé par le général Sein Lwin, dit "le Boucher de Rangoon", l’homme responsable de la répression sanglante des émeutes de mars. Il avait alors ordonné à ses soldats : "Frappez pour tuer, tirez pour tuer". En cette fin juillet, Sein Lwin promet une totale remise en question de l’économie et l’introduction du multipartitisme en Birmanie. "La réputation de brutalité du général Sein Lwin a été, ces dernières semaines, contrebalancé e (sic) par un show de pragmatisme dans la promotion de réformes" dira "The Guardian". Bien que la presse essaye (et essayera toujours) de sous-estimer les éléments insurrectionnels des manifestations, soulignant (comme elle le fera toujours) les aspects démocratiques de la lutte, celle-ci atteint, fin août, une violence telle, que la presse n’en parle plus du tout. Seules quelques lignes filtrent ça et là, comme par exemple le fait que les maisons de 36 ministres et députés ont été incendiées par des manifestants en colère. Le mois d’août est un mois d’émeutes ininterrompues. Le prolétariat prend le pouvoir dans différentes villes. Dans le port de Kowsong, les habitants prennent d’assaut les bâtiments officiels et menacent d’y mettre le feu. Ils chassent les fonctionnaires et les forces de l’ordre. A Pegu, les soldats se joignent aux insurgés et empêchent l’arrivée des renforts militaires venant de la capitale. Ici aussi les autorités s’enfuient. A Prome, les soldats refusent de tirer sur la foule. A Toungoo, un officier aurait même été tué par ses soldats qui refusaient eux aussi de tirer. A Rangoon même, différentes unités de soldats, exprimant l’affrontement social au sein de l’armée, se tirent dessus et tous les accès à la ville sont fermés pour empêcher les habitants d’autres villes de venir en aide aux insurgés de la capitale. Le clergé bouddhiste intervient et en appelle au gouvernement pour qu’il cède aux revendications et améliore les conditions de vie de la classe ouvrière. Le 10 août, fait révélateur de la profondeur et de l’ampleur de l’affrontement social, un avion lâche sur la capitale des tracts menaçant la population de bombarder la ville si elle continue à résister à l’armée. Le 14 août, un diplomate en poste à Rangoon dit : "C’est la faim qui est le moteur du soulèvement, la démocratie vient après", et "Libération", le 30 de ce même mois, d’ajouter : "La Birmanie est à la dérive. L’insurrection qui a gagné l’ensemble du pays est aux portes de la capitale..." . Il est significatif que le gouvernement accuse (et donc reconnaisse l’existence de) "un réseau d’organisation clandestine qui alimente et coordonne le mouvement". "L’instabilité actuelle, dit-il, est due à l’organisation et à l’intervention de ces fauteurs de troubles" (Libération le 14/8/88). "Le mouvement est structuré en cellules très compartimenté es, ne rassemblant que quelques individus se connaissant et se faisant confiance" (idem). Des contacts ont été pris avec d’anciens étudiants qui ont participé aux mouvements des années ’70 en Birmanie, et ’73 en Thaïlande (mouvements qui s’inscrivent directement dans la vague de lutte mondiale "1967-1973") . La presse, parle d’au moins 6 groupes clandestins agissant de concert, ou encore, de 30 dirigeants secrets agissant au travers du syndicat étudiant créé le 17 mars 1988 et immédiatement interdit. Et là où parfois la bourgeoisie met en avant spectaculairement des aspects d’organisation et de direction de la lutte qui n’existent pas forcément, mais qui soutiennent alors une campagne de presse visant à faire peur aux citoyens (cfr. l’article sur l’Argentine dans cette même revue), ici, il est clair que ce même type de campagne se repose sur de réels aspects d’organisation et de direction de notre classe. En ce mois d’août ’88, des centaines de manifestants sont massacrés par l’armée. On parle de 3000 morts en une semaine. Le général Sein Lwin démissionne, incapable, malgré ses promesses et ses massacres, de calmer les affrontements. Le 12 août, lui succède l’avocat Maung Maung. La bourgeoisie tente de calmer les affrontements en plaçant à la tête du gouvernement, une marionnette dénuée de galons. Aussitôt, ce dernier en appelle à la paix et à la tranquillité, condition sine qua non de la reprise économique. Il supprime la loi martiale pour preuve de sa volonté de pacification (bien que l’armée évidemment continue à tirer dans les manifestations et rassemblements) . Maung Maung est soutenu, dans sa lutte contre le prolétariat, par une partie de "l’opposition démocratique" , dont le général Aung Gyu, militaire réformiste qui avait accusé les précédents gouvernements de corruption et avait été arrêté en juillet pour "attaque contre l’Etat". Fort de la "bonne image" que lui vaut son passé "d’opprimé du régime", ce général prône alors le respect de la non violence tant du côté militaire que populaire "pour éviter l’anarchie et que plus de sang ne soit versé", dit-il. Maung Maung amnistie des centaines de prisonniers dont la majorité (mais cela resta secret) sont des membres des fractions bourgeoises bâillonnées par le régime militaire : des démocrates, des nationalistes, des libéraux,...

Des centaines de prolétaires restent par contre en taule, ce qui va mener plus tard au plus gros massacre de cette période en Birmanie. Il est important de souligner que les efforts communs du gouvernement (promesses de réformes, amnisties et terreur policière) et de l’opposition (discours contre l’anarchie, participation à des manifs "pour la non violence et le respect de la propriété privée") vont être incapables, à ce moment-là, de calmer, pacifier, ou d’écraser le mouvement de résistance et de refus qui menace de s’élargir en une insurrection générale. L’opposition soutient le gouvernement et coopère avec l’armée en soulignant toujours plus fortement l’importance de "protestations pacifiques contre la dictature" et la nécessité d’éviter le chaos. Les moines aussi participent à leur manière à la lutte contre la subversion en appelant l’armée pour défendre une usine attaquée par "un gang de plus de 500 criminels". Ils se chargent ensuite d’organiser un "système alternatif" autogestionnaire clamant haut et fort leur soumission aux intérêts des émeutiers ! Une autre figure de l’opposition entre alors en scène : Daw Aung San Kyi, surnommée par les médias la Cory Aquino birmane, la fille du leader du mouvement d’indépendance du pays qui fut tué en 1947 par une fraction birmane rivale. Auréolée de ce prestige, elle lutte pour la démocratie et le multipartitisme avec toute la bonne conscience des humanistes bourgeois, bourreaux de la classe ouvrière en lutte. Fin août, l’insurrection gagne du terrain dans l’armée et dans d’autres institutions capitalistes. Les défections sont de plus en plus massives, les soldats se retournent contre leurs officiers. Au même moment, dans plusieurs prisons du pays, les prolétaires se révoltent. Certains parviennent à s’évader mais d’autres, par centaines, sont massacrés. A 13 Km de la capitale, dans la prison d’Insein encerclée par l’armée, les émeutiers mettent le feu aux bâtiments et tentent de percer le cordon militaire pour s’évader. Entre 200 et 600 réussissent, les autres, au moins 1000, sont tués par la fusillade ininterrompue de l’armée qui les empêche d’échapper aux flammes. Suite à ces émeutes, le gouvernement accorde une nouvelle amnistie et libère le reste des prisonniers. Ce qui reste encore des prisons,... les ruines, devient de toutes façons inutilisable et incontrôlable. En août et septembre, de plus en plus de soldats sont vus aux côtés d’autres prolétaires ; en plus, des fusils font leur apparition dans "l’arsenal" des émeutiers, bien que les machettes restent l’arme la plus commune, et la décapitation, la façon la plus courante de tuer les bourgeois. A ce stade-ci, il est important de parler plus en détail des différentes fractions bourgeoises, et de la façon dont la presse internationale va rapporter les événements. Deux sortes de pacifismes, de discours non violents, émergèrent : 1/ Le premier va consister en la traditionnelle propagande pour la non-violence : "Nous manifestons pacifiquement, nous demandons des réformes, des droits, l’amnistie, le changement de gouvernement, et cela, d’une façon toute pacifique" (même les nonnes et les curés catholiques en septembre finissent par se joindre aux manifestations, avec comme slogan : "Jésus aime la démocratie" ; le suprême patriarche bouddhiste, quant à lui, appelle à la modération pendant que les troupes poursuivent les manifestants jusque dans les hôpitaux, tirant sur tout le monde). Mais très vite, les événements vont dépasser cette sorte de propagande. Les prolétaires ont résisté très longtemps aux massacres et aux tentatives de dévoyer leur lutte. C’est pourquoi l’opposition bourgeoise au gouvernement commence à se radicaliser et à accepter, et même à encourager, la violence contre la fraction dominante, poussée en cela par la nécessité de rester crédible. La propagande précédente, les discours pour l’absolue non violence, ont fait maintenant place à une propagande pour une "violence différenciée". 2/ "L’autre" pacifisme va se vouloir plus... violent ! "On peut décapiter des soldats et des policiers défendant ce gouvernement car ce dernier n’a pas le droit d’exister ; le terrorisme d’accord, mais uniquement comme moyen d’instaurer une démocratie pluraliste. Par contre, voler dans les magasins et les bureaux, piller les maisons des riches, etc, sont des activités ’contre-révolutionna ires’. Les ’criminels’ qui prennent des biens ne leur appartenant pas seront exécutés". Voilà, en résumé, le discours et l’idéologie de ces démocrates "radicaux". Dans certaines villes où le pouvoir de l’Etat central a été chassé par les insurgés, des forces démocratiques locales, appuyées par la bourgeoisie commerciale, les intellectuels et les moines, organisent l’autogestion des structures pour maintenir le fonctionnement de la production et du marché, et la défense de la propriété privée, dévoyant de la sorte, vers les intérêts bourgeois, les tentatives de direction prolétarienne. Pourtant, le prolétariat n’est pas encore battu et conserve une force de lutte marquée notamment, par la constitution de milices d’auto-défense et d’organisations prolétariennes dans les quartiers ouvriers des banlieues et même dans des viles entières. Les deux stars de l’opposition, Daw Saung San Kyi et le général Aung Gyi, lancent alors un appel pour la création d’un "gouvernement provisoire" afin de "donner la démocratie au peuple". L’appel reste sans effet, les pillages ne cessent de s’étendre et dans la plupart des cas les cibles sont les sources de nourriture (le riz principalement) . Pour parvenir à bout de la résistance prolétarienne, la bourgeoisie recourt aux massacres, aux bains de sang. Tensions sociales dans l’armée Au sein de l’armée, réputée pour être l’une des plus disciplinée d’Asie, les dissensions sont de plus en plus vives. Les conditions de vie des soldats, tout en étant meilleures que celles des autres prolétaires, sont loin d’être bonnes. Le service militaire obligatoire est long et pénible, la solde est maigre, la cantine rationnée, la discipline de fer, le copinage et la corruption, monnaies courantes. De plus, l’armée est en guerre permanente contre les différents groupes de guérilla. Cette situation entraîne un mécontentement croissant. La tension est si grande qu’en août ’88 "des éléments de l’armée viennent retirer de la Banque Nationale de Commerce, sous la menace de leurs armes, une somme de 600 millions de kyats (=600 millions de FF) pour distribuer aux soldats" (Libération du 9/9/88). Le mécontentement et la résistance des prolétaires sous l’uniforme croît de jour en Jour. Des soldats participent aux pillages. Des mutineries éclatent dans différentes bases militaires. Dans trois villes au moins, les soldats passent aux côtés des émeutiers. Des manifestants chantent l’hymne de l’armée devant les soldats venus les réprimer, et les interpellent : "Tirez, grands frères !". Mais même avec tout ela, l’armée ne se décompose pas ; elle reste toujours maître du terrain et, malgré les désertions et les mutineries, le prolétariat ne parvient pas à émerger en-dehors et contre cette structure de l’Etat bourgeois. Le pouvoir a besoin de l’opposition La nécessité vitale, pour la bourgeoisie, de nier l’affrontement de classe qui se joue en Birmanie, s’exprime de différentes manières. Pour les uns, il s’agit uniquement de "manifestations étudiantes" ou de "groupes de gens" défendant "leurs intérêts spécifiques" ; pour d’autres, c’est la défense des "intérêts généraux du peuple", c’est la "démocratisation" , qui est revendiquée. Pourtant, durant l’été ’88, la difficulté à cacher la "tendance" du prolétariat à "l’anarchie" (2) pousse les médias à se centrer non plus sur les événements mais sur les "aspects politiques". Les rengaines sur le danger du chaos et de l’anarchie cèdent progressivement la place aux discours et déclarations des fractions de l’opposition, des filles de héros de 1’indépendance et autres généraux à la retraite. Début septembre, le gouvernement rejette l’appel à un "gouvernement d’intérim". Le président Maung Maung comprend l’intérêt prépondérant, primordial de sa classe : préserver, soigneusement à l’écart du gouvernement, une opposition dont l’influence sur le mouvement commence à se faire sentir. Ni le Capital mondial, ni ses managers locaux n’ont intérêt à détruire (en lui ouvrant l’accès au gouvernement) la crédibilité naissante de l’opposition. De surcroît, il est plus que vraisemblable que cette ouverture prématurée n’aurait pas suffit à canaliser le mouvement, alors même qu’elle risquait d’affaiblir la bourgeoisie locale, la désorganisant dans un moment clef. Loin de cette compréhension, Daw Aung San et son copain le vieux général, de même que Thant, le fils de l’ex-secrétaire général des Nations Unies, de même que d’autres démocrates, sont prêts à perdre leur influence en échange du pouvoir. Mais pour la bourgeoisie dans sa globalité, c’eût été une réelle stupidité de laisser les choses se dérouler ainsi. Il est beaucoup plus utile que la grève générale, qui paralyse plusieurs villes et qui continue toujours à Rangoon, reste une "action de protestation" revendiquée par ces "forces démocratiques" qui viennent de sauter dans le train en marche. U Nu, leader anti-fasciste des années ’60, forme alors un "anti-gouvernement de transition" avec son groupe "Ligue pour la Paix et la Démocratie", rejoignant ainsi Daw Aung San pour tenter de canaliser le mécontentement général vers la revendication d’un système multipartiste, de la démocratie et des droits de l’Homme, des droits du bon citoyen, patriote fidèle, bon ouvrier, bon père de famille ! A ce stade, le capitalisme mondial a déjà commencé à préparer les futurs arrangements et les luttes inter-imperia1istes qui suivront le massacre de l’insurrection prolétarienne. Depuis longtemps déjà plusieurs pays, dont le Japon et l’Angleterre, se sont disputés le territoire entouré par les frontières birmanes et restent toujours intéressés par les possibilités d’y implanter des bases militaires le long de l’océan Indien. L’opposition s’unit pour se débarrasser du gouvernement Alors que des émeutes continuent dans plusieurs endroits du pays, les démocrates s’activent pour reprendre les choses en mains. Pendant ce temps, l’armée protège le ministère de la défense, la station de radio, les principaux ponts de chemins de fer, les quartiers résidentiels, ... Peu à peu tout est mis en place pour le "dernier" massacre de prolétaires, tant militaire qu’idéologique. Avant de passer à l’action, la bourgeoisie achève les derniers préparatifs pour diviser le prolétariat en "criminels" d’un côté, et "démocrates" de l’autre. Le 11 septembre, le parlement décide de ratifier la promesse d’élections libres et d’établir un système multipartiste (3). Le New York Times rapporte (le 13/9/88) que les manifestants ne suivent pas la ligne de démocratisation officielle ni les groupes d’opposition, lesquels ne peuvent "offrir aucune direction ni organisation immédiate" acceptables pour les insurgés. U Nu, le "self made leader" du "gouvernement rival" semble avoir été ignoré par les manifestants. U Tin Do, précédent ministre de la défense, maintenant transfuge du PPSB (parti au gouvernement) , Daw Aung San Kyi et Aung Gyi en appellent à la patience des manifestants, soutenant que "le peuple doit continuer les manifestations pacifiques, en utilisant l’arme du courage moral…" !! Vers la mi-septembre, ainsi que le Times l’écrit, la Birmanie se trouve "au bord de l’anarchie" car bien que "le gouvernement ait accepté des élections, les manifestations continuent". Pendant ce court laps de temps, le rapport de force entre bourgeoisie et prolétariat semble suspendu, la lutte semble être à un moment clé où tout acte importe et pèse sur le cours futur des événements. L’armée ne cesse de renforcer ses positions. Le gouvernement fait des promesses, les fractions d’oppositions prêchent la démocratie et la tolérance ainsi que la nécessité d’éviter l’anarchie. Arrive alors l’appel à la grève générale "pour réclamer la démocratie immédiatement" : tentative désespérée de récupérer au moins le contrôle apparent des événements qui, dans les faits, évoluent vers le refus général du travail. Ce qui se joue en Birmanie est semblable à la situation sociale de la Pologne en 1981 : Solidarnosc, pour protéger l’Etat et canaliser la radicalisation des luttes, est acculé à menacer le gouvernement de déclencher la grève générale. Cette menace produit une vaste opération de répression militaire : le coup d’Etat. En Pologne comme en Birmanie, la déclaration de grève générale suit un mouvement qui, dans ses actes, a déjà depuis longtemps refusé le travail et organisé les grèves. L’opposition tente donc de récupérer la lutte et de la transformer. Mais le calme ne revient pas dans les villes, les habitants refusent de rentrer chez eux, et les prolétaires de retourner sagement au boulot. La bourgeoisie se tourne alors vers son alternative. Après l’échec des tentatives de récupération par la "douceur", le balancier du pendule s’en va vers l’autre pôle, l’autre face de la médaille : après la carotte, le bâton ! Le 18 septembre a lieu le coup d’Etat du général Saw Maung qui impose le couvre-feu. La veille, un groupe d’insurgés s’est affronté à l’armée en face du ministère du Commerce. Les prolétaires ont capturé des soldats qui avaient tiré dans la foule. Ils voulaient les tuer, mais des leaders de l’opposition sont intervenus et ont plaidé pour la paix. Les soldats ont eu la vie sauve. La voix de l’opposition est de plus en plus écoutée au sein des prolétaires. Rien de pacifique par contre dans les méthodes de l’armée qui a alors plus d’une raison de pratiquer la plus dure des répressions : d’une part, il est de l’intérêt général de la bourgeoisie d’en finir avec l’état insurrectionnel du pays (sans doute en partie à cause des répercussions et des contagions possibles dans les régions voisines, voire dans d’autres endroits du monde où les prolétaires peuvent facilement identifier leur situation à celle de leurs frères birmans) ; et d’autre part, compris dans cet intérêt général, il est impératif pour l’armée, d’arrêter les défections en son sein. Selon la presse, dans la seule semaine précédant le coup d’Etat, quelques 6000 soldats de l’armée de l’air, de mer et de terre ont rejoint le camp de insurgés. D’autres facteurs entrent également en ligne de compte et poussent la bourgeoisie à adopter la méthode "forte" : la colère des vieux généraux face au refus de collaboration des fractions d’opposition ; ainsi que la nécessité de mettre le holà à la violence qui se déchaîne contre l’armée, la police et tous les signes de richesses. A partir du coup d’Etat (véritable carnage, est-ce nécessaire de le préciser ?), les grèves et les manifestations sont interdites. Le coup d’Etat, de même qu’en Pologne et ailleurs, n’est pas un réel changement de gouvernement (au sens de remplacement d’une fraction par une autre) mais seulement une purification de l’Etat, poussé par la nécessité d’aller droit à l’essentiel : se protéger du désordre et de l’anarchie. Le général Saw Maung, chef du comité militaire, qui a déjà été ministre de la défense antérieurement (gouvernement de Ne Win, poste qu’il retrouvera plus tard), s’engage rapidement, exactement comme le fit Jaruzelski 8 ans avant lui, "à poursuivre" les réformes, la démocratisation, ... Par la suite, le général déclarera qu’il n’aurait agi de la sorte que "dans le but d’arrêter le chaos social birman et d’assurer que des élections seraient organisées". Les fractions d’opposition protestent mollement, puis réclament des pourparlers avec Saw Maung. Elles repoussent les offres de soutien de la part des groupes autonomistes. Les moines bouddhistes mettent également la main à la pâte en publiant un texte appelant "au dialogue" (cfr. le rôle de l’église en Pologne). Au même moment, la capitale est investie et quadrillée par les blindés et les patrouilles tirent sans avertissement sur tout rassemblement de plus de 5 personnes. Pourtant, le prolétariat de plus en plus affaibli, ne se déclare toujours pas vaincu. Le 20 septembre, la banlieue de Rangoon est toujours l’un des bastions de résistance les plus solides des insurgés. L’armée ne parvient pas à y pénétrer, pas plus qu’elle ne réussit à démanteler "les barricades faites de tuyaux de canalisation et d’arbres coupés. Ces positions sont défendues à l’aide de lances en bois, de bouteilles d’acide mélangé à du gravier, de cocktail molotov et de ’jinglees’ (catapultes à fléchette)." - Libération du 20/09/88. Le lendemain du coup d’Etat, des groupes de prolétaires pillent des postes de police de Rangoon, volent armes et munitions. La radio parle même d’une mobilisation rassemblant 1000 personnes qui ont attaqué les forces de l’ordre et tué 7 policiers dont 2 commandants. Une immense fouille est organisée pour retrouver les coupables mais l’armée ne réussit pas "à déloger les extrémistes". Pourtant le 21 septembre (3 jours après le coup d’Etat), "les barricades de la banlieue ouvrière d’Okkalapa, un des bastions de la résistance, sont tombées". Les exécutions sommaires sont innombrables et les crématoriums du pays fonctionnent à plein rendement pour effacer au plus vite les traces du massacre. Ce qui se passa par la suite, nous n’en avons jamais plus eu le détail. Le blocus des médias devint impénétrable. Mais malgré ce silence, nous savons que la violence s’est encore accrue contre notre classe ; nous savons que la bourgeoisie, flairant l’affaiblissement, enivrée par l’odeur du sang et de la victoire toute proche, a redoublé de cruauté et de vigueur. Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous ne pouvons le dire mais nous craignons le pire. En guise de conclusion temporaire La presse bourgeoise a rempli sa fonction : à la fois cacher, transformer la réalité du mouvement social, (qui de révolutionnaire devint "étudiant", puis démocratique, etc.) pour ensuite simplement cacher la réalité de la terreur bourgeoise. Mais au-delà de l’horreur, au-delà du cannibalisme de la contre-révolution, ce que la presse a essayé de cacher, c’est la force de la révolution : la bourgeoisie a eu énormément de mal à faire quitter au prolétariat en Birmanie son terrain de lutte. La force du prolétariat a déterminé l’ampleur des moyens mis en place par la bourgeoisie mondiale pour la répression. La difficulté de la bourgeoisie à écraser le prolétariat montre, plus clairement que tout discours, le fait que le prolétariat ne luttait pas pour "plus de démocratie", "pour changer de fraction au pouvoir" (changer de bourreaux, en fait), mais bel et bien pour la défense de ses intérêts exclusifs de classe. Face à cela, la bourgeoisie a répondu, et répondra toujours, par un déluge de feu et de sang, le tout enrobé de grands discours sur les "nécessaires réformes". Le refus clair du prolétariat en Birmanie a contraint la bourgeoisie au développement immédiat d’une répression très large. Mais il ne lui a pas été possible d’isoler les avant-gardes les plus combatives et radicales grâce à "l’octroi" de réformes et d’acquis sociaux. Cette solution aurait permis l’isolement de cette avant-garde pour la massacrer, et écraser ainsi politiquement le prolétariat pour, une fois ces conditions remplies, massacrer, réprimer, torturer massivement. Cette solution comporte l’avantage, pour la bourgeoisie, d’opposer une frange du prolétariat contre d’autres, d’imposer ses leçons, d’essayer de faire croire que la répression, occasionnée par un secteur particulier de la bourgeoisie (armée, fascistes... ), a été causée par les excès d’une minorité de prolétaires irresponsables (voyous, "terroristes" , agents à la solde de l’ennemi, provocateurs, ...). Cet échec partiel est très encourageant pour notre classe et ses luttes futures. Il donne à penser que des leçons de ce mouvement restent présentes pour bon nombre de prolétaires. Et si c’est le cas, ces leçons permettront aux luttes de repartir d’emblée, ou d’accéder beaucoup plus vite à un plus grand niveau de force (centralisation, clarté politique, refus des divisions et des réformes, connaissance des méthodes de l’ennemi et des nécessités de la lutte révolutionnaire, etc.). De plus, il est possible, voire probable, que certaines des structures (clandestines) que le prolétariat a mises sur pied durant ces 7 mois d’affrontement, soient passées au travers des mailles de la répression et qu’elles travaillent au maintien de l’indispensable continuité entre les différents moments de l’affrontement social qui ne peut que se développer. La force du prolétariat, qui n’a pas été suffisante pour empêcher la répression (et ne pouvait être suffisante dans un seul pays), l’a été probablement suffisamment pour qu’en vendant chèrement leurs peaux, les prolétaires aient ralenti, diminué celle-ci. La situation dans laquelle la bourgeoisie peut développer SANS LIMITE sa répression est précisément la situation dans laquelle le prolétariat a perdu toute capacité de résistance. La bourgeoisie, face à un mouvement de cette ampleur, est obligée de ramener la paix sociale au moyen de la répression. Mais lorsque le prolétariat reste fort, précisément pour empêcher que le mouvement ne reparte contre la répression, elle est obligée de moduler celle-ci, voire de la limiter. La situation en Birmanie reste très explosive. L’économie, qui fut totalement paralysée des mois durant, après les moments forts de la lutte, et même après la répression, reste instable. Carburant et électricité font totalement défaut, et pour cette raison aussi, nombreux sont ceux qui ne sont pas retournés travailler ou qui furent licenciés, arrêtés pour leur participation aux grèves. L’ensemble de ces facteurs et la profondeur de la crise économique et sociale empêche que les prolétaires, pour survivre, puissent même respecter les lois. "De toute façon, les paies sont dérisoires, les magasins d’Etat vides, et le prix des denrées, sur le marché libre, exorbitants. Les rues de Rangoon sont envahies par les mendiants et l’armée continue de tirer sur des pillards qui bravent même le couvre-feu nocturne pour voler un sac de riz ou une plaque de tôle ondulée" ("Le Monde" du 22/10/88). L’importance de cette lutte dans une région qui, à différents titres, peut être considérée comme cruciale dans le développement des affrontements interclassistes (concentration de prolétaires, proximité de la Chine et donc, point de contagion possible des luttes d’un bloc à l’autre,...) , nous détermine à en dire et à en répéter l’importance. Elle clame bien fort ce qu’à de multiples reprises nous avons exprimé : IL N’EXISTE PAS UN CENTRE DE LA REVOLUTION, lequel devrait, soit servir de référence pour les luttes des prolétaires de tous les pays, soit servir de direction, de guide. Ces conceptions (divisions entre pays "développés" et pays "sous-développé s", "socialistes" ou non, "agresseurs" et "moins agresseurs", "progressistes" , etc.) sont moralistes, progressistes et racistes. Elles servent uniquement à diviser le prolétariat mondial et à ralentir sa lutte. Comme des dizaines de fois en d’autres temps et d’autres lieux, le prolétariat en Birmanie a prouvé qu’il n’existe qu’une seule classe ouvrière et une seule voie pour faire triompher le projet révolutionnaire de notre classe ; il tire sa force, non pas des donneurs de leçons, ou de l’expérience du "prolétariat évolué" de telle ou telle zone, mais bien de sa lutte pratique contre la bourgeoisie, pour se réapproprier toute sa propre histoire. Plutôt que de chercher des zones privilégiées et ainsi introduire des séparations au sein de notre classe, il est beaucoup plus valide de saisir que l’émergence pratique de notre classe et de son avant-garde partout dans le monde, est historiquement et mondialement déterminée par l’antagonisme bourgeoisie/ prolétariat. Le développement de l’affrontement social, lorsqu’il prend un caractère aigu comme ce fut le cas en Birmanie, tend à prendre comme axe de gravitation la question de l’affrontement armé. Mais autant cette question est essentielle pour le prolétariat, dans la mesure où il est contraint de transformer les armes de la critique en critique par les armes (ne serait-ce que pour empêcher le cannibalisme de la contre-révolution) , autant cela présente le danger de la transformation de l’affrontement social en affrontement militariste interbourgeois. Dans sa lutte, le prolétariat en Birmanie, poussé par les nécessités, a su assumer la contrainte de la riposte armée à la bourgeoisie et cela tant pour satisfaire ses besoins que pour se défendre. De façon de plus en plus générale et globale, il a assumé l’affrontement militaire et sa préparation contre les forces de l’ordre. C’est ainsi que se sont créées des structures organisées et armées pour l’auto-défense des quartiers ouvriers, pour l’attaque de bâtiments de l’Etat, pour les pillages et les réappropriations. Il est important de souligner les nombreuses tentatives d’organisation du prolétariat en Birmanie. A travers l’ensemble des informations qui ont filtré, il semble clair que des structures organisatives multiformes ont surgi. Si, conformément à sa vision machiavélique de l’histoire, la bourgeoisie parle toujours d’un centre unique de la subversion, il semble au contraire (et nous ne pouvons que le regretter tout en le comprenant) que ces structures soient restées fortement décentralisées. Si cela s’explique notamment par la volonté de résister par le cloisonnement à une répression extrêmement violente, il n’empêche cependant que cela disperse le prolétariat, et ralentit ou entrave sa constitution tendancielle en une seule force centralisée. Ainsi, n’ayant pas perdu de vue les leçons du passé, le prolétariat en Birmanie a très rapidement pratiquement mis en avant la nécessité de s’organiser et de se protéger. Mais cette vigilance contre la répression, qui exprime un certain niveau de compréhension de la nature réelle de l’antagonisme, la réalité de la bourgeoisie, doit être dépassée en structurant différents niveaux de contacts, de centralisations qui permettent de renforcer la lutte en la centralisant, en tendant à lui donner une direction unique. Si au départ, c’est principalement l’homogénéité des conditions de vie, la famine et l’horreur qui ont déterminé le développement rapide et l’extension des luttes ; très rapidement aussi des tentatives de généralisation, des prises de contacts entre différentes villes, sont apparues. Il est plus que probable que ces différentes structures ont aussi participé au refus des solutions proposées par la bourgeoisie. Des dizaines de structures se sont mises en places, des militants ont été demander conseil sur les nécessités de la lutte à des militants des vagues précédentes de lutte. Et bon nombre d’ organisations ainsi créées se sont opposées à la Chine, aux USA, à Cuba, à l’URSS,... les mettant tous sur le même pied, où ils se trouvent de fait, même si ce fut malheureusement parfois, pour leur opposer "la volonté d’indépendance du peuple birman" (4). Lors des violentes explosions de rage ouvrière qui se sont succédées ces derniers temps (Algérie, Venezuela, Maroc, Tunisie, Mexique,...) , le prolétariat affrontait les forces de répression bourgeoises armées de mitrailleuses et munies d’autos blindées avec, comme seules armes, des cailloux, des couteaux ou des bouts de bois. En Birmanie, ce ne fut pas le cas. Notamment grâce à la continuité qu’il a donné à ses luttes, le prolétariat a su tirer des leçons et a refusé de se faire massacrer, désarmé. Les prolétaires en lutte se sont d’abord servis d’armes dérisoires, puis, dans le développement du mouvement, ils ont montré qu’il ne s’agissait pas pour la bourgeoisie de massacrer des moutons bêlant mais bien des prolétaires en lutte, décidés à défendre leurs luttes les armes à la main. C’est notamment cette détermination, et les morts dans l’armée bourgeoise, qui ont poussé de plus en plus de prolétaires sous l’uniforme, à refuser d’assassiner leurs frères de classe, à déserter, à passer à la lutte ouverte contre l’Etat. Cela permettait de la sorte aux prolétaires de se procurer des armes, mais cela accentuait aussi la déstabi1istation de l’Etat. Cependant, il est clair que la lutte de classe en Birmanie a déstabilisé l’armée, au point que des militaires (prolétaires sous l’uniforme) s’affrontent à d’autres militaires, il n’en reste pas moins vrai que cette déstabilisation ne fut jamais assez profonde que pour réellement mettre l’Etat en danger. Pour imposer un changement de cette situation, il faut que la lutte dépasse aussi un ensemble d’autres limites et, par exemple, qu’elle s’internationalise pratiquement et directement, bousculant de la sorte un ensemble d’idéologies, telles la "mauvaise gestion", la fausse opposition entre "socialisme" et capitalisme, les problèmes "spécifiquement nationaux", etc. D’autre part, dans sa lutte contre l’Etat et sa répression, le prolétariat en Birmanie n’a pas seulement refusé de s’affronter les mains nues à l’Etat ; il a, dans un premier temps, choisi ses cibles en fonction de ses besoins : les besoins de sa lutte. Il a refusé d’aller systématiquement au devant des mitrailleuses de l’armée, où toutes les forces de l’opposition, des anciens membres du régime aux moines, l’appelaient. Cette organisation de la lutte, exprime le passage de la réaction contre la misère à l’action organisée contre l’ensemble de la société et ses mécanismes (un de ces "mécanismes" est le massacre des prolétaires insurgés !), et manifeste indéniablement un pas important en avant pour le prolétariat. Mais c’est un pas auquel il est d’autant plus difficile de donner une continuité que l’isolement du prolétariat en Birmanie est profond. C’est pourquoi, s’est ouverte pour la bourgeoisie la possibilité de transformer l’affrontement social en affrontement purement militariste interbourgeois, appareil contre appareil, terrain sur lequel la bourgeoisie reste aujourd’hui évidemment largement dominante. Dans un développement de ce genre-là, ce sont, petit à petit, des "spécialistes militaires" (groupes armés de libération nationale, guérilleristes) qui reprennent la direction du mouvement contre ses intérêts propres. * Décembre 1988 * Notes 1. Il y a en Birmanie plusieurs minorités ethniques qui luttent pour l’indépendance de leur lopin de terre. Ces groupes autonomistes sont généralement basés le long des frontières et mènent une guerre de guérilla au gouvernement central depuis plus de 20 ans, tout en se faisant perpétuellement la guerre. Les plus nombreux sont les "communistes" du PCB lequel s’est fait particulièrement discret pendant les luttes. Ensuite viennent les Karens, véritable Etat dans l’Etat avec son armée bien sûr, mais aussi un service militaire obligatoire, des flics, des universités, des lois propres, des avocats, un réseau de production et d’échange très développé, etc. Ils occupent plus ou moins 600 km de territoire le long de la frontière thaïlandaise et sont à peu près 2 millions dont 4.000 en permanence en armes. Ils constituent la deuxième force de guérilla après le "PC" qui, lui, est basé le long de la frontière chinoise. Leurs principaux revenus proviennent de la contrebande de toutes marchandises, excepté la drogue (le "triangle d’or" est tout proche) qui est prohibée tant pour le commerce que pour la consommation. Celle-ci, ainsi que l’adultère, sont punis de mort ! Dès le début du mouvement, les Karens auraient tenté de tisser des liens avec les insurgés et de former des "activistes" au combat. Pourtant, alors qu’à la suite du coup d’Etat, 5.000 à 10.000 jeunes rejoignaient les Karens pour se former au maniement des armes à feu, à aucun moment de la lutte n’apparurent de revendications autonomistes ou soutenant tel groupe contre tel autre. Il y a au moins 9 groupes différents sensés être unis au sein du Front National Démocratique rassemblant plus ou moins 30.000 combattants armés, mais qui s’entredéchirent. 2. Derrière ces "tendances à l’anarchie", nous entendons l’irrespect envers la propriété privée, la loi, etc. Nous entendons l’irrespect des valeurs bourgeoises et de ceux qui les enseignent et les défendent et nous soutenons cette anarchie-là et la revendiquons comme lutte de notre classe pour la satisfaction de nos besoins. 3. Ces déclarations n’ont eu que peu d’effet sur les manifestants. Aucune trace d’apaisement, de contentement ou de satisfaction ne s’exprima. 4. Il est quasiment certain que, tout comme les campagnes de l’opposition et les massacres sanglants du gouvernement, les groupes autonomistes et guérilléristes ont participé à l’écrasement du mouvement, en récupérant en leur sein les militants qui avaient pu échapper à la répression. Ainsi encadrés, ces militants détournent leur haine de la bourgeoisie en haine de la fraction au gouvernement, et entrent en guerre contre elle. Les groupes séparatistes dévoient ainsi la lutte armée de notre classe en lutte militariste interbourgeoise pour l’autonomie nationale de tel ou tel territoire. www.geocities.com/icgcikg

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