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La disparition de la civilisation mégalithique sans laisser d’autres traces que de grandes pierres : une des grandes discontinuités de l’histoire de la société humaine

lundi 22 mars 2010, par Robert Paris

Que savons-nous des mégalithes ?

Les seules sociétés du néolithiques qui ont eu une histoire et ont débouché sur le monde moderne sont celles qui ont donné naissance à l’Etat, c’est-à-dire une minorité d’entre elles. Pour quelles raisons ? Parce que la lutte des classes a pris un our explosif avec le développement des inégalités et que le moyen de les limiter et de les écraser n’existait pas...

Mégalithes de Prospoder dans le Finistère, France

Cairn de Barnenez, Bretagne (France)

Société très prospère deux mille ans avant les pyramides d’Egypte, les mégalithes témoignent de l’existence très ancienne de civilisations humaines, bien avant la naissance de l’Etat.

Menhirs, dolmens, allées couvertes, cromlechs (cercles de menhirs), cairns, tours en pierre, grands tombeaux en amoncellement de pierres, alignements, tumulus, taulas, galgals, hypogées, etc…., ces édifices massifs en pierre ont en commun de se situer à une étape bien précise : celle où les hommes se sédentarisent autour de la société du néolithique, constituent des sociétés d’un très grand nombre d’hommes, se divisent socialement et économiquement, tout cela grâce aux succès de l’agriculture Cela ne signifie pas nécessairement que les mégalithes soient issus d’une société précise, un mode de gouvernement des hommes bien définis, mais une étape de la société humaine qui s’est retrouvée aux quatre coins de la planète...

Qu’est-ce qui a fait disparaître cette société ? Très probablement, ce ne sont ni les guerres, ni les difficultés économiques mais, au contraire, le succès économique qui a mené cette société à ses limites. Avec l’accroissement des capacités agricoles, l’accumulation a entraîné la formation d’une classe riche et ... l’explosion des tensions sociales non contenues par absence d’un Etat...

Pourtant, nombre d’auteurs n’ont vu dans ces sociétés apparues puis disparues, nulle discontinuité...

Jean Guilaine décrit dans son ouvrage « De la vague à la tombe » à propos de « la conquête néolithique de la Méditerranée »t cette période entre – 8000 avant J.-C et – 2000 qui a connu la sédentarisation des populations et la rupture radicale avec une société de chasseurs-cueilleurs. La civilisation néolithique est marquée par le développement d’un rite des morts, notamment les mégalithes.

Catherine Louboutin écrit : « Le néolithique s’achève lorsque la maîtrise d’une nouvelle technique, celle de la fonte du cuivre puis du bronze, introduit les âges des métaux. Sans qu’on puisse parler d’une rupture brutale, une réelle hiérarchie sociale et une spécialisation accrue du travail fondent un monde différent. (...) Signes tangibles d’une société nouvelle : les emblèmes du pouvoir se multiplient. (...) Apparaît le partage des tâches qui distingue les puissants et les humbles. La nécropole de Varna est divisée en plusieurs secteurs, dont l’un regroupe les plus riches tombes. Trois catégories de sépultures y sont bien différenciées : d’un côté des tombes pauvres, dépourvues ou presque de toute offrande, d’une autre des tombes riches, voire très riches, (...) troisièmement des tombes symboliques, sortes de cénotaphes, contiennent seulement un visage modelé dans de l’argile et paré de bijoux en or. (...) Cette nécropole est contemporaine des mystérieuses enceintes et des plus impressionnants tombeaux mégalithiques d’Occident, réservés à des privilégiés. Ces grands travaux transcrivent également une hiérarchie sociale certaine, même si les richesses matérielles sont moins éblouissantes. (...) Le passage à l’âge du bronze s’est aussi fait généralement sans rupture. (...) Le monde néolithique, globalement égalitaire et pacifique, dominé par des images féminines, est désormais oublié. Ces stèles furent abattues rapidement après leur érection par leurs constructeurs mêmes (...) et non détruites par les hommes de l’âge du bronze. (...) La rupture n’est ni violente ni tranchée entre les deux mondes. Stonehenge illustre la même continuité. Les trois grandes phases de construction du monument s’échelonnent entre le 3e et le milieu du 2e millénaire, et l’axe principal, orienté vers le lever du soleil au solstice d’été, est religieusement préservé à chaque aménagement. » L’auteur, se fondant sur des continuités religieuses ou techniques ne voit aucune singularité historique. Pourtant, involontairement, elle décrit une révolution : l’apparition, dans une société égalitaire, des classes sociales et de l’Etat. L’idéologie religieuse, par contre, fait son apparition dans le point de vue de l’auteur, reposant … dans les nuages des idées ! Elle écrit dans « Au néolithique, les paysans du monde » : « Les dolmens à couloir du sud du Portugal et de l’extrême ouest de la France – Barnenez, dans le Finistère ou Bougon, dans les Deux-Sèvres – sont les plus anciens mégalithes connus. Rien ne précède ni n’annonce la maîtrise technique et l’ampleur éclatantes de ces constructions (...) Une génération spontanée semble avoir germé en plusieurs régions. »

Mégalithes de Nartiang (Meghalaya), Inde

Ensemble de menhirs de Callanish, Ecosse

Dolmen de Costa Cauda, Hérault (France)

Menhir de Corse

Menhirs de l’Ile de Pâques

Dolmen du Gard

Cercle mégalithique du Sénégal

Suivant les régions du monde, les mégalithes correspondent à plusieurs sociétés différentes et à plusieurs époque différentes. Cependant, elles sont situées au même niveau de développement économique et social, celui qui permet pour la première fois aux hommes de développer une activité collective à grande échelle, d’affirmer une présence sur un territoire et de construire des monuments à la gloire des ancêtres de grande famille ce qui suppose le début de la différenciation sociale...

En Europe de l’Ouest, l’origine du mouvement mégalithique coïncide avec les premières constructions de la côte est de l’Atlantique (Tumulus de Bougon, Cairn de Barnenez...). Elles peuvent être datées du Ve millénaire av. J.-C., soit plus de 2 000 ans avant la première pyramide. Ces constructions extrêmement nombreuses datent généralement du néolithique ou du chalcolithique (4 700 à 1 500 av. J.-C.) tel le tumulus F de Bougon, dont la partie Fo a fourni les dates de 4785 av. J.-C.[1], tel Stonehenge. Sans oublier l’important groupe mégalithique méditerranéen de Malte (Ġgantija, 3 500 avant J-C), Corse et Sardaigne. Les alignements de Carnac datent d’environ 4 000 avant J.-C.[2].

En Inde, les monuments mégalithiques datent du IIe millénaire av. J.-C. jusqu’à la moitié du Ier millénaire av. J.-C. (-2 000/-500).

Les dolmens les plus à l’est, en Corée sont du Ier millénaire et au Japon du VIIe siècle av. J.-C. au IIe siècle av. J.-C.. En Mongolie, les pierres de cerf sont datées de la fin du IIe millénaire av. J.-C. et du début du Ier millénaire av. J.-C.

En Indonésie, la production à partir de carrières de mégalithes, parfois très décorées, faisait encore partie des traditions culturelles de l’île de Nias au siècle dernier. Il y avait des statues de pierre, des bancs de pierre pour les chefs et des tables en pierre pour exercer la justice. Des mégalithes étaient aussi nécessaires à la commémoration de défunts de la noblesse afin qu’ils puissent rejoindre leurs pieux ancêtres dans l’au-delà. L’érection d’une telle pierre préludait un festin rituel. La photo ci contre présente une de ces pierres rituelles, tirée (vers 1915) sur une pente. L’histoire locale veut qu’il y ait eu 525 personnes, qui, en trois jours, ont érigé cette pierre dans le village de Bawemataloeo. [3

C’est dans la région du sud de l’Éthiopie que se trouve encore aujourd’hui la plus grande concentration de mégalithes de tout le continent africain[4]. Certaines de ces sépultures, ou dolmens, sont d’une grande ancienneté puisque certains remontent au dixième millénaire avant notre ère[4]. D’autres plus récentes (premier millénaire de notre ère) se comptent par millier (un chiffre de 10,000 est avancé) dans le Shoa et le Sidamo éthiopien. L’une des régions les plus marquées par ce mégalithisme se trouve dans la région du Soddo, au sud d’Addis-Abeba, où quelques 160 sites archéologiques ont été découverts jusqu’à présent, celui de Tiya, l’un des plus importants, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.[5].

Les dolmens et menhirs de Haute-Égypte (Abou-Simbel, Nabta Playa…) qui seraient datés du VIIe millénaire av. J.-C. (-6 500).

Les mégalithes d’Afrique du Nord n’apparaissent qu’à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. (-2 200).

En Mauritanie, au Mali (dans la région de Niafunké, le site de Tundidaro comprend plus de 150 pierres dressées). Au Niger, au Togo et au Tchad, les pierres dressées protègent les sépultures ; en Sénégambie, près de 29 000 mégalithiques de latérite ont déjà été identifiés, dans un espace limité entre les fleuves Gambie au sud et Saloum au nord. Ils sont datés d’une période qui s’étend du IIIe siècle av. J.-C. au XIVe voire peut-être au XVIe siècle de notre ère.[6] En République centrafricaine, à Bouar, les constructions mégalithiques datent du VIe siècle av. J.-C..

La Colombie possède des dolmens[réf. nécessaire]. San Augustin et Alto de los Idolos, les deux sites principaux ne sont distants que de quelques kilomètres. Ils s’étagent du VIe siècle av. J.-C. jusqu’au XVe siècle. Au Brésil : Une équipe d’archéologues brésiliens a découvert sur le site de Calçoene (État amazonien d’Amapá ) près de la Guyane française, un observatoire astronomique datant de l’époque Antique, remontant probablement à 2000 ans. (étude des céramiques trouvées sur les lieux). Selon l’archéologue Mariana Petry Cabral, de l’Institut de Recherche Scientifique et Technologique d’Amapá (IEPA), seule une société organisée a pu être en mesure d’ériger un tel monument. L’observatoire est constitué de 127 blocs de granite, chacun d’une hauteur de 3 mètres, disposés en cercles réguliers dans une clairière de la forêt amazonienne. La disposition du monument rappelle celle de Stonehenge.

1# ↑ Frédéric Lontcho, L’archéologue - archéologie nouvelle, Février - Mars 2003, p. 4 - 5.

2# ↑ site officiel des monuments nationaux des alignements de Carnac [archive] consulté le 17 décembre 2008

3# ↑ P. Boomgaard, 2001
4# ↑ a et b "Les origines de l’Éthiopie", Francis Anfray, ancien directeur de la Mission française d’archéologie en Éthiopie

5# ↑ Site de l’UNESCO, Tiya, Ref : 12

6# ↑ Wassu & Kerbatch Stone Circles, brochure du National Council for Arts & Culture, The Gambia, s.d.

7# ↑ a et b Transport du piédestal [archive], La Nature, 1882. Article signé A. de Rochas (peut-être l’ingénieur Alphonse Beau de Rochas

Les débuts en Europe de l’Ouest

Avec le radoucissement du climat, l’effet maritime atlantique du Gulf Stream est accentué et une unité climatique se met en place, du détroit de Gibraltar jusqu’à la Scandinavie méridionale. On constate alors que, lors du -VIè millénaire, des sociétés épipaléolithiques se regroupent au Danemark, en Grande-Bretagne, en France et au Portugal dans des camps semi-sédentaires (occupations de longue durée ou retours réguliers au même emplacement). L’habitat commence à prendre une réelle importance à cette époque, chaque groupe occupant une centaine de kilomètre de territoire.

Ces groupes aménagent des nécropoles en plein air qui présentent tout le long de la côte atlantique de grandes similitudes, à l’embouchure du Tage, dans le golfe du Morbihan (Höedic et Téviec) et sur les rives de la Baltique méridionale.

Cette évolution coïncide avec l’apparition à Téviec des premiers animaux domestiqués (chèvres ou moutons, et chiens) dans la seconde moitié du -VIè millénaire, alors que la céramique est encore inconnue à ce moment-là dans ces régions littorales. Il s’agit donc de cultures mésolithiques en voie de néolithisation, mais par elles-mêmes, sans l’intervention de groupes pleinement néolithisés venant coloniser les terres (premiers tessons de céramique, cardiale, au Portugal vers -5 000).
Les populations mésolithiques (du -IXè au -VIè millénaire) du littoral atlantique pratiquaient dès le début des sépultures Collectives (avec plus ou moins d’individus).

Les corps accompagnés d’un riche mobilier en coquillage et d’un petit outillage en pierre, ont été saupoudrés d’ocre rouge, tradition qui remonte au Paléolithique, et recouverts de massacres de cerfs ou d’aurochs, qui sont respectivement les symboles du renouveau (par la chute des ois qui repoussent) et de la puissance. L’un des corps a même été incinéré.
A la fin du Mésolithique, les nécropoles Collectives de Hoedic et Téviec (Morbihan) présentent des corps déposés parfois dans des coffrages de pierres placés de chant, surmontés d’un petit tumulus et d’une dalle horizontale de pierre. Des pierres dressées, hautes de 1 m, accompagnaient même deux des tombes. Tant du point de vue des coutumes funéraires (sépulture Collective de quelques individus dont les ossements ont pu être manipulés) que de l’architecture même des petites chambres funéraires en pierres qui contiennent ces ossements, l’origine du mégalithisme de l’ouest de la France est locale et date du Mésolithique, donc d’avant l’arrivée des néolithiques. Les figurations des stèles décorées du Morbihan vont d’ailleurs dans le sens des derniers chasseurs-collecteurs (et un peu pasteurs) face aux premiers éleveurs-agriculteurs.

C’est en Europe de l’Ouest et plus précisément dans l’ouest de la France que se trouvent les plus anciens monuments mégalithiques (dolmens – sépultures collectives ou individuelles – et menhirs – pierres dressées).
Dans l’ouest de la France, tout comme d’ailleurs dans l’ouest de la péninsule ibérique et, un peu plus tard, en Irlande, les nouvelles sociétés vont se trouver confrontées à un problème, d’ordre plus philosophique que domestique : elles se trouvent face à l’occident, devant un immense horizon maritime difficile à maîtriser, et l’on peut imaginer leur désarroi lorsque stoppées dans leur progression depuis les confins orientaux de l’Europe, et incapables de comprendre les mécanismes réels de l’univers, elles voient chaque jour l’astre solaire, pièce centrale de leur cosmogonie, disparaître dans cet océan sans limites.

L’ensemble de ces facteurs a joué un rôle prépondérant dans la constitution des unités sociales de ces pays atlantiques, les Finistère bien nommés (Finis Terræ en latin, et Penn ar Bed en breton : Penn ar Bed ne traduit pas exactement la « fin de la terre » ; penn – tête – a le même sens et la même étymologie que cap en français et bed évoque plus le monde que la terre ; originellement, le nom signifierait donc la tête, l’extrémité sommitale du monde).

Les sépultures des adultes dans la culture de la céramique à décor linéaire furent en général regroupées à l’extérieur du village, dans des cimetières. Le phénomène était nouveau et se manifesta avec une certaine ampleur.
Les offrandes sont en général peu importantes et se limitent à un vase, à des pointes de flèches et à une hache polie. De l’ocre est quelquefois saupoudré sur le défunt. A la fin de cette période, vers -4 000, la sépulture de Cys-la-Commune (Aisne) fait figure d’exception en raison de la richesse de ses offrandes.

Vers -4 800, les sociétés trouvèrent nécessaire de vénérer leurs morts et de gérer les cadavres d’une autre façon : une conception nouvelle de la gestion des morts se mit en place, en s’inspirant des modes funéraires mésolithiques. Le respect des ancêtres devint une règle systématique pour les vivants. Lors de leur arrivée, les groupes néolithiques choisissaient des grottes naturelles, puis ils en créèrent des artificielles, creusées dans la roche (hypogées). Dès lors ils inventèrent de nouveaux monuments, investirent dans des constructions durables, toujours dans une volonté d’imiter les grottes. Un changement fondamental s’opéra quand il fut décidé de réunir les morts dans un même sépulcre, en construisant d’abord des tombes Collectives sous forme de petites chambres rondes couvertes d’un encorbellement en pierre sèche, ou rectangulaires et formées de dalles.

Plus leurs moyens le leur permettaient, plus ils les voulurent grandioses. Des écoles d’architectures se créèrent, des spécialistes gérèrent la construction de monuments toujours plus sophistiqués.
Le phénomène des tombes à couloir, qui sont donc des sépultures Collectives, a pris naissance dans l’ouest de l’Europe, probablement dû à l’évolution de la tombe Collective simple, c’est-à-dire à ouverture directe sur l’extérieur, sans couloir, elle-même issue de la tombe en coffre à dépôt funéraire plus ou moins Collectif, connue dès le Mésolithique, dont l’ouverture devenait difficile pour de nombreux dépôts. Ce processus a pu s’établir de manière indépendante dans plusieurs régions du littoral atlantique et interférer assez rapidement d’une région à l’autre, ce qui expliquerait que l’on trouve des dolmens à couloir dans des petits tumulus circulaires – au Portugal, en Espagne, en France – comme dans de très longs tertres – en Angleterre, au Danemark, en France – qui paraissent être une spécificité plus nordique, les longs tumulus n’étant pas connus au Portugal et dans l’ouest de l’Espagne.

Des contacts ont eu lieu entre Est et Ouest, Nord et Sud, des influences furent alors échangées. Pour autant, la zone atlantique construisit des tombes Collectives à une date plus ancienne que ne le fit la Méditerranée.
La matière première, comme celle des haches polies, s’échangeaient sur de longues distances (et en même temps qu’elle les idées), et souvent sur un rapport nord-sud reliant l’Atlantique et la Méditerranée. Les haches en pierre polie sont des objets emblématiques du Néolithique, avec des diffusions parfois massives. L’affleurement de métadolérite situé à Plussulien en Bretagne centrale a ainsi été identifié comme la source de plusieurs millions d’objets qui, entre -4 200 et -2 200, ont massivement approvisionné tout le nord-ouest de la France et essaimé jusqu’en Angleterre, en Belgique, en Alsace et dans la vallée du Rhône.

La façade atlantique montre une belle homogénéité et une logique d’évolution qui implique que le mégalithisme appartient à un phénomène général, bien qu’il ait pu avoir quelques originalités. Ainsi, l’Irlande est très similaire à la Bretagne (les sépultures et les décors sont très ressemblants) car les deux entretenaient des liens étroits avec la mer et étaient prospères. Des pierres pendentifs sont les copies de pointes de haches polies françaises : la Manche et la mer d’Irlande ne sont pas des obstacles, ni la mer du Nord.

Il s’agit de cultures maritimes, et comme elles naviguaient sur les rivières, elles ont forcément été en contact avec d’autres groupes d’autres sites.
Ainsi, il existait un vaste réseau commercial avec une forte intensité des échanges culturels sur toute l’Europe du Nord.

L’opposition entre Atlantique et Méditerranée évoque deux mouvements très différents, qui ont pu être créés sur les deux rivages et évoluer à leur façon. Il y eu pourtant des points de rencontre : à certaines périodes, les deux architectures furent contemporaines et ceux qui remontaient du sud furent en contact avec ceux du nord. La frontière, difficile à cerner, s’établirait quelque part en Dordogne et dans le Lot, sachant que des incursions ponctuelles d’une école se sont produites.

Les grands dolmens de l’Aude s’inspirent-ils de quelque idée venue de l’Atlantique ? Ce qui sera appelé plus tard l’Isthme gaulois passant par l’Aude et la Garonne, bien connu à l’époque protohistorique pour ses échanges, fonctionnait sûrement à des périodes plus anciennes.

Le grand arc de la Catalogne à la Provence présente la plus grande concentration de dolmens de la Méditerranée occidentale.
Tout commence par des tombes uniques en coffre entouré d’un tertre. Entre -4 500 et -4 000, quelques rares coffres contenant plusieurs individus annoncent les systèmes qui vont dominer dans les siècles suivants. Ensuite, des dolmens faits d’une chambre desservie par un couloir, abritant plusieurs défunts, apparaissent vers -4 000 en Catalogne : les coffres ont pris de l’ampleur et émergent de terre pour être visibles et plus ostentatoires. Vers -3 500, les formes se diversifient et le mégalithisme se diffuse intensément jusqu’en -2 900.

Les dolmens sont nombreux dans le sud de la France, notamment sur les Causses (plateaux des piémonts du Massif central), où ils furent construits au Néolithique récent (-3 500), longuement et intensément utilisés jusqu’au bronze ancien (-2 000).

Comme beaucoup de monuments mégalithiques, ils ont souvent été secondairement enfouis dans une masse de condamnation qui les recouvre pour les cacher à la vue.

Les statues-menhirs sont caractéristiques du sud de la France, datant du Néolithique final - Chalcolithique (-IIIè millénaire).
Le groupe rouergat compte la moitié des stèles, réparties sur l’Aveyron, le Tarn et l’ouest de l’Hérault, occupant une région montagneuse à une altitude moyenne de 600 m, implanté de -3 500 à -2 300 dans un milieu montagnard et forestier, déjà localement aéré par l’humain mais où les grands habitats restaient rares. Les statues-menhirs étaient érigées, sans liaison directe avec des habitats, en des points remarquables du paysage : cols, interfluves, clairières, sources, gués. Elles étaient donc placées sur des territoires qui étaient parcourus (voies de passage tels que chemins de transhumance, vallées, etc.) et étaient destinées à occuper l’espace en tant que repères, bornes voire limites. Elles assurent une protection, une défense symbolique exacerbée par le rôle emblématique de l’objet (poignard ?) qui devient alors essentiel, comme si cette protection devait être exercée par un personnage de haut rang et qui en affiche le signe.
Il s’agit de dalles peu épaisses, d’une hauteur moyenne de 1,50 m, qui figurent des personnages, dont les traits sous les yeux sont peut-être les traces de scarifications, de tatouages ou de peintures. Les statues féminines se reconnaissent à leurs seins, à leur longue chevelure et à leur collier. Les statues masculines portent un arc, une hache. Alors qu’il existe des statues-menhirs masculines qui ont été féminisées par adjonction de nouveaux attributs et disparition d’autres, l’inverse n’existe pas.
Le groupe languedocien s’étale de l’est de l’Hérault au Gard et à l’Ardèche, en majorité dans la garrigue, à faible altitude. La représentation humaine se limite au buste et parfois seulement au visage, quand ce n’est pas simplement au T que forme la ligne des sourcils avec celle du nez. Certaines statuettes sont côtelées.

Le groupe provençal compte à peine une quarantaine d’éléments, presque exclusivement dans les plaines intérieures de la Provence occidentale.
Dans les trois groupes, la plupart des stèles ont été trouvées enfouies dans le sol, associées avec des habitats et des milieux sépulcraux qui ont disparu. Seule la stèle de Montaïon (Gard) faisait partie d’un ensemble constitué d’un tas de pierres, d’une autre stèle sans décor et de trois petites dalles dressées : il s’agissait d’un lieu de culte, rassemblant plusieurs groupes de la région.

Il ne s’agit donc pas de petites communautés isolées, même si des territoires sans mégalithes les séparent. Les monuments ne se ressemblent pas tous mais montrent un air de famille et prouvent qu’il s’agit d’un ensemble homogène avec une multitude de variétés micro-régionales.

Pendant la durée du mégalithisme en Méditerranée, les hypogées seront toujours présents et parfois cohabiteront, sans que l’on sache si le choix de la sépulture provenait du social, du religieux, de collectivités différentes. Certains restes de défunts auraient même pu passer de l’un à l’autre (enterrement secondaire).

La Méditerranée est toujours considérée comme une voie privilégiée d’expansion de la connaissance, alors que les régions du Nord était très innovantes et connaissaient les mouvements des corps célestes et maniaient des concepts scientifiques de manière très sophistiquée. Les barbares n’avaient pas besoin de l’apport d’un Peuple autre.
Les tribus du Nord de l’Europe maintenaient des contacts entre elles et commencèrent à accumuler des richesses et à les exploiter.
De la Pologne à la France de l’Ouest en passant par l’Allemagne, le Danemark et le sud de l’Angleterre, l’Europe du Nord est couverte de longs tumulus plus ou moins trapézoïdaux, à l’image des maisons danubiennes. S’ils témoignent d’un gigantisme funéraire, beaucoup de ces tumulus ne sont pas mégalithiques dans la mesure où ils sont souvent construits en terre et qu’ils ne recouvrent qu’une tombe en fosse contenant un seul corps. Ils ne dateraient que de la fin du -Vè millénaire au Danemark et en Pologne, et seulement du -IVè millénaire en Angleterre.

Même si il y a pu avoir différents foyers primaires, tous plus ou moins influencés par la vague danubienne ou la circulation des idées (en même temps que les biens) provenant de l’ouest français, des idées communes commencent à se faire jour entre les régions et ces différents peuples (mélangés au substrat local des anciens mésolithiques). Les relations entre les différentes régions et les époques laissent entrevoir une communauté de pensée, non seulement armoricaine mais du monde atlantique européen (Communauté Européenne des Mégalithes).
Que ce soit à travers les Pyrénées et le long de la côte méditerranéenne, par monts et par vaux ou sur les flots, sans cesse des idées circulèrent et se propagèrent : dans de petits villages, un humain eut l’idée d’un nouveau monument, une petite variante ou un changement radical. Beaucoup de nouveaux concepts n’eurent pas de succès, certains feront date et des milliers de kilomètres.

Le mégalithisme est avant tout la diffusion d’une idée témoignant de systèmes sociaux très structurés.

La disparition : les mégalithes ou la société qui les avait mis en place ont disparu, renversés par les peuples même qui les avaient mis en place

Prenons l’exemple de l’île de Pâques. Longtemps les fameuses statues ont soulevé des questions insolubles. Comment ces moai (847 en tout, dont la moitié repose encore dans les carrières), hauts de 4 à 20 mètres et lourds de 10 à 270 tonnes, ont-ils été taillés, transportés, érigés sur des plates-formes monumentales, sachant que, depuis au moins 1722 (date de la première visite par un navigateur européen), l’île ne compte pas un seul arbre ni un seul animal de trait ? Comment une société capable d’un tel tour de force a-t-elle périclité jusqu’à se trouver réduite à quelques milliers d’individus chétifs et misérables ? Aujourd’hui, après des analyses pointues (étude des pollens, des charbons, des noix fossilisées, etc.), on sait qu’en 900, date probable de l’installation des Polynésiens, l’île était un paradis ornithologique, couvert d’une épaisse forêt aux espèces variées. La déforestation, commencée dès 900, est probablement achevée vers 1500. Elle semble avoir été motivée par l’intensification de la production de statues, dont le transport et l’érection nécessitent des rails et des traîneaux en bois ainsi que de solides cordages. Les chefs - encore - se font concurrence, entraînant une augmentation de la taille des mégalithes, et bientôt l’adjonction d’une couronne, un cylindre de pierre pesant jusqu’à 12 tonnes. Jared Diamond : « On estime que, au cours des trois cents ans de construction intensive, ce travail supplémentaire a fait bondir les besoins alimentaires de la population de 25%, besoins qui ont été comblés par l’extension des terrains cultivés. »
Dans un milieu aussi fermé, coupé de tout contact avec l’extérieur, l’impact du déboisement fut dramatique, à commencer par la disparition des matières premières comme le bois, la corde ou l’écorce servant à fabriquer le feutre. Résultat : fin du transport et de l’érection des statues, et, bien plus grave, fin de la construction des grandes pirogues. De fait, les poissons de haute mer disparaissent de la ration des Pascuans, ainsi que les oiseaux et les fruits sauvages. Déforestation, érosion, abandon de terres, lessivage des nutriments... La famine est telle que, désormais, des os humains brisés pour en extraire la moelle jonchent les détritus. Jared Diamond : « La pire injure que l’on pouvait lancer à un ennemi était : la chair de ta mère est coincée entre mes dents. » La déroute du système de valeurs scelle le sort des chefs, renversés vers 1680. Après avoir cimenté les douze tribus de l’île, l’ancienne religion des ancêtres protecteurs est abandonnée non sans dépit, puisque les mégalithes seront détruits par ceux-là mêmes qui les avaient érigés, renversés de telle manière qu’ils se brisent au niveau du cou.

La fin des mégalithes est la révolution sociale contre les chefs et leurs croyances, et surtout de leur système social d’exploitation, incapables à un moment donné de satisfaire les besoins des hommes.

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