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Editorial 15-02-2010 - Luttes en ordre dispersé, division, manoeuvres des appareils syndicaux : tout est fait pour émietter la riposte des travailleurs

dimanche 14 février 2010, par Robert Paris

LA VOIX DES TRAVAILLEURS

« Travailleurs de tous les pays unissez-vous »

Karl Marx

Ce que les directions syndicales ne feront pas, nous, travailleurs, pouvons le faire : nous organiser collectivement et renverser la vapeur !

En 2009, c’est plus de 400.000 travailleurs qui ont perdu leur travail d’après les chiffres officiels. Et le gouvernement s’emploie à … accroître le chômage. Selon le gouvernement, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite devrait conduire à la suppression de 34.000 nouveaux postes en 2010. Une riche idée dans une période de chômage massif avec ses conséquences : misère, chômage des jeunes, baisse des rentrées de retraite et de sécu… Il prétend agir sous l’empire de la nécessité de rehausser les finances publiques, lui qui a distribué des milliards aux banques et aux financiers, n’a jamais demandé aux trusts automobiles de rendre les dons de milliards, sans parler des cadeaux aux trusts pharmaceutiques… Il ne cesse de prêter de l’argent aux capitalistes à des taux quasi nuls et emprunte de l’argent au privé au taux fort. Dans ces conditions, accuser les infirmières, les postiers et les cheminots de ponctionner les finances publiques, c’est un comble !

Dans la Fonction publique, il y a eu en 2009, 30.000 suppressions d’emplois alors que 100.000 emplois de fonctionnaires avaient déjà disparu depuis 2007, dont 50.000 dans l’Education nationale. La SNCF envisagerait 1.400 suppressions de postes en 2010. Trois mille à quatre mille suppressions de postes sont prévues dans l’APHP, c’est-à-dire dans l’Hôpital public.

La colère a de multiples raisons de se développer dans tout le secteur public frappé par des pertes de budgets, d’emplois, par des privatisations, par des attaques sur les conditions de travail. La dernière grève à la SNCF a été largement suivie. Cependant, il est remarquable que rien ne soit fait pour la jonction avec le reste du service public. Au contraire, les journées d’action ont concerné un jour les enseignants, un autre l’hôpital public, un troisième La Poste et un quatrième la SNCF. En 2010, les journées d’action de 2009 étalées continuent mais, quel progrès !, elles sont sectorisées… Les ports et docks sont appelés à la grève le 4 janvier, la Guadeloupe le 9 janvier, l’aviation civile les 13 et 14 janvier, la fonction publique le 21 janvier, les infirmières et personnels de santé le 26 janvier, France Télévision le 28 janvier, l’Education le 30 janvier. Lorsque, par hasard, les hospitaliers étaient appelés en même temps que les enseignants, les confédérations leur ont donné des rendez-vous différents pour manifester !

Dans ces conditions, le gouvernement n’aurait aucune raison de reculer sur ses projets destructeurs. La menace de licenciement de fonctionnaire qui refuserait trois mutations montre que le gouvernement est à l’offensive et ne craint pas les réponses syndicales.

La jonction entre les secteurs privé et public en ce qui concerne les suppressions de postes n’est pas mise à l’ordre du jour. On a laissé les salariés licenciés de la sous-traitance automobile se battre seuls, et cette stratégie de la défaite continue alors qu’on nous annonce des dizaines de milliers de suppressions de postes supplémentaires dans ce secteur.

Avec la crise, toutes les attaques anti-ouvrières (salaires, emplois, retraites, sécu, santé, services publics) sont centralisées par l’Etat qui s’est mobilisé au service des patrons. C’est lui qui organise le blocage des salaires, qui s’attaque aux retraites, qui ruine les caisses, qui s’attaque à la Sécu. L’attaque patronale est ainsi centralisée. La riposte ne l’est nullement….

La pire des erreurs serait de croire que devant une attaque en règle, les directions syndicales finiront pas se décider à véritablement riposter. On ne peut pas confier notre sort à ceux qui acceptent de négocier des reculs sociaux.

Pour riposter, il faudra reconstruire les liens d’un secteur à l’autre, en commençant par inviter dans toute entreprise en lutte les salariés des entreprises voisines pour reconstruire les AG interprofessionnelles comme en 1995. Ensuite,

il va nous falloir bâtir un réseau de comités de lutte. C’est la première tâche des militants conscients de la classe ouvrière. Sans ces comités à la base, se fédérant, élisant des délégués, les travailleurs se retrouveraient démunis si la lutte prend de l’ampleur.

En cette période de crise du système capitaliste, nous ne pouvons faire confiance à ceux qui sont liés au système, à ces dirigeants réformistes qui ont laissé se détruire les retraites et la sécu, qui croient au système capitaliste et nous ont conseillé de croire à des promesses patronales ou gouvernementales. Avec la crise, les travailleurs ont besoin de peser politiquement et socialement pour entraîner non seulement tous les secteurs de la classe ouvrière, mais aussi de nombreux secteurs de la petite bourgeoisie la moins aisée qui seront également frappés.

Travailleurs, soyons à la tête de la révolte des paysans, des pêcheurs, des petits artisans. Pour cela, une seule solution : que les travailleurs, organisés dans des comités à l’échelle du pays, affirment leurs propres perspectives pour toute la société. C’est cela l’avenir !

Chronologie des trahisons syndicales

Messages

  • « en ces dirigeants réformistes qui ont laissé se détruire les retraites et la sécu, qui croient au système capitaliste, qui nous ont conseillé de croire à des promesses patronales ou gouvernementales. »

    Il serait intéressant de préciser qui est visé par cette phrase.

  • salut,
    Je voudrais revenir sur la formulation suivante de l’édito qui ne me semble pas juste " Avec la crise, toutes les attaques anti-ouvrières (salaires, emplois, retraites, sécu, santé, services publics) sont centralisées par l’Etat qui s’est mis à 100% au service des patrons."
    Formulée ainsi, on laisse l’impression que l’Etat avant la crise n’aurait pas été à 100% du côté des capitalistes. Ce qui, nous le savons est faux. L’Etat bougeois est toujours à 100% un Etat au service des capitalistes, crise ou pas crise. Je prefère une autre formulation qui ne laisserait pas subsister le doute quant au rôle de l’Etat : "L’Etat a montré plus que jamais qu’il était au service des patrons".

  • avec la crise, toutes les attaques anti-ouvrières (salaires, emplois, retraites, sécu, santé, services publics) sont centralisées par l’Etat qui s’est mobilisé au service des patrons. avec cette formulation on peu comprendre que l’etat ces elle qui dirige l’économie . or que les vraie décideur ces les patrons ces eus qui dicte la loi.l’etat elle ne peu rien devant total qui va licencier 370travailleure et les 450sous-traitant employés sur le site de Dunkerque. sauf si les patrons recule devant la détermination des gréviste.

    • "l’etat elle ne peu rien devant total qui va licencier 370travailleure et les 450sous-traitant employés sur le site de Dunkerque. "

      Non rien du tout, juste envoyer quelques CRS, des milliards d’euros à Total pour son plan social, ses bas salaires, ses formations bidons, et décider avec le patronant du moment le plus opportun politiquement de licencier.

    • France : La grève des cheminots de 1986 : l’irruption de la base
      Au moment où nous mettons sous presse ce numéro de la Lutte de Classe, la grève générale des chemins de fer en France a atteint son seizième jour. Elle est aussi, semble-t-il, entrée dans une nouvelle phase.

      Il est évidemment impossible aujourd’hui de prévoir la fin de ce conflit qui oppose 230 000 travailleurs du rail non seulement à leur compagnie, la SNCF, mais aussi directement au gouvernement. Directement au gouvernement car la SNCF est propriété de l’État ; directement au gouvernement surtout parce que ce conflit, quelle que soit son issue, a d’ores et déjà pris une importance politique par son ampleur, comme par plusieurs de ses aspects.

      Un conflit parti incontestablement de la base... mais préparé de longue date
      Depuis quinze jours, tout le monde, journalistes et politiciens mais aussi syndicalistes, ont découvert, avec stupéfaction, que les travailleurs du rang, « la base », existaient, et bien plus, qu’ils pouvaient s’exprimer, manifester leur volonté... et la traduire en actes. On a aussi beaucoup parlé du caractère « spontané » de ce mouvement, quelquefois pour le mettre en doute.

      Effectivement, la grève des cheminots n’a pas exactement éclaté spontanément. Mais quand nous disons cela, ce n’est pas au sens où l’entend la presse de droite, cherchant quelque mystérieux complot ourdi par les gauchistes, voire le Parti Communiste Français. C’est qu’à la base, justement, du moins dans quelques secteurs, il y a eu des cheminots du rang qui ont préparé la grève depuis des semaines... en dehors des structures syndicales traditionnelles.

      Depuis un mois et demi, quelques agents de conduite du dépôt de Paris-Nord - le secteur où la grève a commencé - avaient lancé une consultation auprès de leurs camarades, et après discussion avec eux, décidé de partir en grève le 18 décembre. Ce n’est qu’une fois cette décision prise qu’ils sont allés trouver les syndicats pour leur demander de les couvrir en lançant un préavis de grève. Et ceux de ces syndicats, la CFDT et la Fédération Générale Autonome des Agents de Conduite (FGAAC syndicat corporatiste des conducteurs de train), qui ont accepté, ne l’ont fait que du bout des lèvres : le préavis ne concernait que les agents de conduite du secteur. Or, une fois décidés à se mettre en grève et la date fixée, les conducteurs de Paris-Nord s’étaient mis en relation avec d’autres dépôts, les informant de leurs intentions et les invitant à se joindre à leur mouvement.

      Pendant la même période, une agitation un peu semblable se faisait jour dans un autre secteur, la banlieue Paris-Sud-Ouest. Là aussi, des conducteurs commençaient à se réunir, parlaient de la nécessité de la grève, s’adressaient à lems camarades pour les inviter à se prononcer en faveur de cette grève et s’organiser en conséquence. Eux, contrairement à ceux de Paris-Nord, ne se limitaient pas aux seuls conducteurs, mais voulaient s’adresser à tous les cheminots. Ils tentaient même de lancer la grève alors que le mouvement étudiant battait son plein. Cette action resta très minoritaire, limitée à un dépôt, et s’arrêta au bout d’un jour et demi. Mais les grévistes avaient eu le temps de faire le tour de quelques secteurs aux alentours, de les appeler à les joindre et à s’organiser. Et cela n’a pas manqué d’avoir des conséquences quelques jours plus tard quand la grève générale a réellement commencé.

      Enfin, au début du mois de décembre, un autre mouvement avait commencé parmi une autre catégorie de cheminots, les agents des recettes, ceux qui sont chargés de la vente des billets et des réservations. La SNCF menaçant de leur supprimer une prime, ceux-ci, sans se mettre formellement en grève, ne faisaient plus les réservations qui sont une partie de leur travail. Le mouvement, en quelques jours, s’étendit dans tout le pays quasi-spontanément, comme il avait démarré. Les syndicats CGT et CFDT, qui se contentaient de suivre, se voyaient imposer, dans certaines grandes gares parisiennes d’où le mouvement était parti des assemblées générales quotidiennes des travailleurs syndiqués et non syndiqués impliqués dans cette action, assemblées dont ces syndicats se seraient très bien passés.

      La base, donc, remuait depuis des semaines ici ou là. Elle fut sans doute encouragée par le mouvement étudiant et son succès (les cheminots de Paris-Sud-Ouest, après leur première tentative de grève, nullement démoralisés, participèrent avec enthousiasme à la manifestation à laquelle les étudiants avaient convié les travailleurs et les syndicats). Mais elle commençait à se manifester avant même ce mouvement étudiant, poussée par la méfiance envers les directions syndicales. Les attaques contre les cheminots comme contre l’ensemble des travailleurs du pays, blocages des salaires, réduction des effectifs, aggravation des conditions de travail, menées rondement sous le gouvernement précédent, de gauche, ont continué de plus belle avec celui issu des élections du 16 mars 1986. Durant l’été, le ministre des Transports avait publiquement menacé de s’en prendre au « statut » des cheminots, c’est-à-dire en clair promis de redoubler l’offensive contre leur niveau de vie, leur emploi et leurs acquis. Or, en face, les syndicats en ordre dispersé se contentaient depuis la rentrée de septembre de multiplier des « journées d’action » sans lendemain. Ils montraient par là leur manque de volonté d’organiser vraiment la riposte des cheminots.

      Une traînée de poudre... sans les syndicats
      A partir du jeudi 18 décembre au matin, quand les conducteurs de Paris-Nord ont arrêté le travail, la grève s’est répandue comme une traînée de poudre de dépôt en dépôt, le long du réseau ferré, d’abord le réseau Nord puis ensuite tous les autres. Quatre jours plus tard, dimanche 21 au soir, pratiquement tous les dépôts étaient en grève sans qu’aucun mot d’ordre ait été lancé par les syndicats.

      Si dans bien des dépôts les militants syndicalistes étaient les organisateurs de la grève, les fédérations syndicales, elles, étaient à la traîne et se contentaient au mieux d’enregistrer que la grève était là. Et c’était vrai aussi bien de la CFDT que de la FGAAC (syndicat corporatiste des seuls conducteurs). La CGT, elle, traînait encore plus les pieds et gardait une attitude encore plus ambiguë. Son premier réflexe fut la plus grande méfiance devant un mouvement qui se déclenchait et s’étendait sans son contrôle. Du coup, ses militants dans les dépôts prirent les attitudes les plus contradictoires, interprétant l’attitude de leur direction en fonction de leurs propres sentiments, ou encore en fonction des situations locales. Dans certains dépôts, ils furent les initiateurs et les organisateurs de la grève, dans ; d’autres, ils suivirent en rechignant, dans d’autres enfin, ils s’opposèrent pendant plusieurs jours à cette grève. Ainsi, à Paris-Sud-Ouest, les responsables CGT firent de véritables « piquets de travail », incitant les conducteurs à surtout ne pas suivre la grève. Jusqu’au moment où, débordés par les travailleurs qui se mettaient en grève malgré eux, ils changèrent d’attitude... et appelèrent à la grève à leur tour. Mais là, il était trop tard pour que leur attitude n’ait pas été perçue par la majorité des cheminots du secteur.

      Jusqu’au lundi 22 décembre la grève ne fut guère réelle que parmi les seuls conducteurs (18 000 sur 230 000 cheminots). D’abord, elle était partie de conducteurs qui ne s’adressaient qu’aux conducteurs sans se préoccuper des autres catégories. D’autre part, les syndicats, comme on l’a vu, réticents ou hostiles à cette extension même parmi les seuls conducteurs, n’avaient certainement aucune envie de l’étendre aux autres cheminots. Pendant les quatre premiers jours, la grève ne toucha donc qu’une très petite minorité des autres catégories, parmi ceux, contrôleurs ou encore ouvriers des dépôts, qui sont le plus en contact avec les agents de conduite.

      A partir du lundi 22, par contre, elle s’étendait aux autres cheminots : ceux des gares, des triages, des ateliers. Mais là aussi, c’est la base qui l’imposa. Les syndicats conservèrent une attitude ambiguë, n’appelant pas franchement. Aucun ne prononcera le mot de grève générale dans les chemins de fer : certains parce qu’ils jouaient sur le corporatisme des agents de conduite dont beaucoup ne tenaient pas à ce que leur mouvement s’étende à d’autres catégories ; tous, sans aucun doute, parce qu’ils ne désiraient pas cette grève. Les militants de la CGT continuèrent donc à prendre les attitudes les plus diverses comme ils l’avaient fait parmi les roulants : ici, militants enthousiastes de la grève et de son extension, là, s’opposant à elle, y compris physiquement.

      Et c’est cela qui explique que la méfiance vis-à-vis des directions syndicales déjà préexistante à la grève, soit devenue un sentiment extrêmement répandu et grandissant parmi les cheminots.

      Assemblées générales, comités de grève et coordinations
      Cette méfiance vis-à-vis des organisations syndicales et le fait que ce sait la base qui ait décidé la grève et l’ait étendue, se sont traduits dans l’organisation du mouvement. D’abord par le fait que beaucoup de grévistes, dans beaucoup de secteurs, sont présents chaque jour sur leur lieu de travail, et ceci en pleine période des fêtes de fin d’année, période traditionnelle de congés et d’absentéisme. Mais ensuite et surtout par le fait que les grévistes ont commencé à se donner une organisation propre, indépendante des organisations syndicales.

      D’abord, un peu partout, ont lieu des assemblées générales de grévistes qui discutent, contestent, entendent prendre des décisions, même là où les syndicats contrôlent la grève et restent sa direction reconnue et acceptée par les grévistes. Au point que toutes les fédérations syndicales, la CGT en tête, affirment maintenant que ce sont à ces assemblées générales de trancher.

      Et puis dans certains secteurs, là où certaines directions syndicales locales ont été écartées parce qu’elles s’opposaient à la grève, des comités de grève élus par les grévistes ont été mis en place pour diriger le mouvement sous le contrôle des assemblées générales de grévistes.

      Enfin, l’idée de la coordination de ces comités, c’est-à-dire d’une organisation centrale du mouvement, a fait son chemin et s’est même concrétisée. Cette idée de coordination - le mot même - est certainement venue de l’exemple des étudiants qui se sont donné des coordinations semblables. L’exemple étudiant a frappé d’autant mieux qu’une grève des chemins de fer par sa nature même est un mouvement qui touche des dizaines de milliers de gens dispersés sur toute l’étendue du territoire national, comme le mouvement étudiant, et qui a donc besoin, comme le mouvement étudiant, d’une organisation centrale.

      Et c’est ainsi que sont nées des coordinations nationales. D’une part, une Coordination Nationale des Agents de Conduite ; d’autre part une Coordination Nationale inter-catégories de tous les cheminots. La première s’appuie sur le sentiment corporatiste qui existe très fort chez les conducteurs. La seconde au contraire essaie de donner corps à l’idée que la force du mouvement réside dans le fait qu’il ne doit pas se laisser diviser par catégories mal au contraire faire des 230 000 cheminots une force unique.

      Ces coordinations ne représentent pour l’instant qu’une minorité des cheminots. Même à celle des seuls agents de conduite déjà une minorité parmi l’ensemble des travailleurs de la SNCF, même s’ils ont été le fer de lance de cette grève, seul le tiers des dépôts est représenté. Mais des assemblées générales et des comités de grève, c’est-à-dire la majorité des travailleurs de certains secteurs, ont délégué des représentants aussi bien à la Coordination Inter-catégories où à celle des agents de conduite ou aux deux pour certains dépôts. Des minorités de nombreux autres secteurs ont envoyé des observateurs à la Coordination Inter-catégories, vers laquelle des cheminots d’un peu partout regardent.

      Telles qu’elles sont, ces coordinations ont donc créé le fait nouveau de ce mouvement de grève en France, où il n’existe aucune tradition d’une organisation démocratique des grévistes indépendante des appareils syndicaux, la direction de la grève étant considérée, parmi les travailleurs eux-mêmes, comme revenant de droit aux directions syndicales. Le combat pour l’organisation démocratique de la grève, pour des comités de grève élus et contrôlés par les grévistes est depuis des dizaines d’années celui des seuls révolutionnaires. On pourrait même dire quasiment celui des seuls militants de Lutte Ouvrière, la plupart des autres organisations d’extrême-gauche, même trotskystes, comme on le voit encore maintenant dans ce mouvement des cheminots, avec l’attitude de la Ligue Communiste Révolutionnaire et du Parti Communiste Internationaliste, acceptant ou même demandant que la direction de la grève revienne de droit aux directions syndicales.

      Cette grève des cheminots, quelle que soit sa suite, va donc probablement laisser un exemple d’organisation de la grève inhabituel et qui peut faire date.

      De plus, depuis huit jours, ces coordinations, qui s’ajoutent aux assemblées générales régulières, aux comités de grève et aux coordinations régionales, et qui expriment à la fois la détermination de la base et sa méfiance envers les organisations syndicales traditionnelles, poussent ces dernières en avant, même si c’est l’épée dans les reins. Le fat que les fédérations syndicales n’aient rien signé avec la SNCF à l’issue des négociations, qu’elles aient été extrêmement prudentes dans la présentation des résultats de ces négociations, qu’elles aient dit et redit que c’était à la base, aux grévistes de décider, est le résultat de cette pression exercée par les coordinations, c’est-à-dire l’organisation indépendante du mouvement gréviste, aussi embryonnaire soit-elle encore.

      Manoeuvres du gouvernement et épreuve de force
      La grève étant devenue générale à la SNCF et les premières négociations entre les syndicats et la direction sur les salaires n’ayant pas arrêté le mouvement, la SNCF et le gouvernement, avec l’aide des médias, ont lancé une grande manoeuvre. Il s’agissait de persuader l’opinion publique mais aussi les cheminots... qu’ils n’avaient qu’une seule revendication essentielle : le retrait du projet d’une nouvelle « grille des salaires » avancé par la direction.

      C’était bien l’une de leurs revendications. C’était même celle qui avait déclenché la colère des conducteurs et avait mis en branle ceux de Paris-Nord, le projet prévoyant en effet que l’avancement se ferait davantage encore au mérite, c’est-à-dire dépendant du choix de la seule direction. Mais les raisons profondes de cette colère étaient d’abord dans la détérioration des conditions de vie et de travail et dans la dégradation des salaires, c’est-à-dire leur montant réel et non dans la façon dont la direction entend le justifier.

      Et c’est pour cela que l’opération a fait long feu. L’annonce du retrait du projet de nouvelle grille, faite juste au seuil du Nouvel an, n’a pas fait vaciller la grève. Au contraire, la quasi unanimité des grévistes s’est faite sur l’opinion que, une fois la grève commencée, ce sont bien les salaires et les conditions de vie et de travail qu’ils veulent voir améliorés. Et la Coordination Nationale Inter-catégories s’étant faite là encore le porte-parole de la base, les syndicats, qui semblaient un moment hésiter à se prêter à l’opération du gouvernement, ont dû emboîter le pas aux grévistes et, refusant un accord sur ce seul retrait du projet de grille, mettre en avant à leur tour des revendications sur les salaires.

      Nous en sommes là en ce 3 janvier après seize jours d’une grève qui a déjà connu plusieurs épisodes et plusieurs retournements, et qui a aussi modifié le climat social et politique du pays.

      Il semble qu’une épreuve de force se dessine maintenant directement entre le gouvernement et les cheminots en grève. Le blocage des salaires de toute la classe ouvrière est en effet un des aspects essentiels de la politique sur laquelle ce gouvernement et sa majorité parlementaire ont été élus (politique qui était d’ailleurs, depuis 1982, aussi la politique du gouvernement de gauche).

      Une augmentation des salaires obtenue par les cheminots en grève serait une brèche dans cette politique par laquelle toute la classe ouvrière pourrait s’engouffrer. En accordant des augmentations de salaires aux cheminots, le gouvernement craint évidemment de déclencher une vague revendicative dans tous les autres secteurs.

      C’est pour cela que le gouvernement ne peut céder que contraint et forcé, mais c’est aussi pour cela que les cheminots pourraient trouver le soutien et même l’alliance de l’ensemble des autres travailleurs, qui ont en ce moment les yeux fixés sur eux et sur leur mouvement.

      Le gouvernement ne cédera aux cheminots sur les salaires - leur revendication essentielle - que s’il est manifeste pour toute la bourgeoisie que la prolongation de la grève va effectivement faire tâche d’huile parmi tous les travailleurs. Le recul du gouvernement aurait alors l’assentiment de toute la bourgeoisie qui préférerait payer plutôt que de voir les valeurs boursières françaises s’effondrer.

      Mais le gouvernement ne peut céder préventivement sans se faire reprocher par la bourgeoisie - qui ne verra alors que la brèche dans la politique salariale - sa faiblesse envers les salariés de l’État.

      Il n’est donc pas impossible que cette grève des chemins de fer débouche sur une crise politique majeure. Mais c’est aussi cela que ne veulent ni les grandes organisations syndicales, ni les partis politiques de gauche, pas plus la CGT et le PCF que les autres.

      Aussi, les obstacles devant les cheminots en grève sont de taille. lis se heurtent non seulement à la SNCF, mais à toute la bourgeoisie et à son gouvernement. Ils ne pourront pas non plus compter vraiment ni sur les partis d’opposition, de gauche, ni sur leurs organisations syndicales traditionnelles. Pourtant, la détermination d’une base que personne n’attendait a déjà changé bien des choses. C’est d’elle aussi que dépend l’issue de cette grève qui, de toute manière (en sens contraire selon qu’elle sera défaite ou victorieuse), va marquer la prochaine période en France

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