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Mur pour être abattu. Le communisme ? Ou le capitalisme ?

lundi 9 novembre 2009, par Robert Paris

LE MUR DE PALESTINE EN CONSTRUCTION !!!!

CE N’EST PAS UN MUR, MAIS UNE MURAILLE DE CHINE QUI SÉPARE LA RICHESSE ET LA MISÈRE

LE MUR ENTRE MEXIQUE ET USA

LA GRECE MURÉE CONTRE LES IMMIGRES CLANDESTINS

IRLANDE : LE MUR QUI SÉPARE CATHOLIQUE ET PROTESTANTS ET, LA AUSSI, RICHES ET PAUVRES

INDE : 3.300 KILOMÈTRES DE SÉPARATION AVEC LE PAKISTAN

LE MUR ENTRE LES DEUX COREES

LE MUR DE BERLIN

ROUMANIE : LE MUR DE L’APARTHEID CONTRE LES ROMS

LE MUR ENTRE RICHES ET PAUVRES, ENTRE EXPLOITEURS ET EXPLOITES
(Capitales de la misère et capitale de la richesse : Sao Paulo au-dessus, et Abidjan en dessous)

RICHES ET PAUVRES A SAINT-PÉTERSBOURG...

NOUVEAUX RUSSES RICHES ...

.... ET NOUVEAUX RUSSES PAUVRES

Mûr pour être abattu ! Le communisme ? Ou le capitalisme ?

L’anniversaire de la chute du mur de Berlin a été une pâle copie des festivités qui avaient marqué cet événement. La population, qui subit un fort chômage, qui avait fêté la fin du stalinisme, cette horrible dictature sociale policière usurpant le nom de communisme, n’a aucune raison aujourd’hui, en pleine crise du capitalisme, de fêter sa situation précaire et souvent misérable sous la domination du capital international. Le grand capital règne certes sans conteste mais cela n’a rien à voir avec la victoire d’un "monde libre", d’un monde sans guerres, d’un monde sans dictatures, sans misère, sans oppression, sans parti unique, sans syndicat unique, sans régimes policiers, etc, etc... La chute du mur de Wall Street en 2008 ne pousse personne, ni à l’ouest ni à l’est, à trop se glorifier d’une victoire prétendue du système capitaliste, ni à affirmer que sa victoire est historique ni surtout définitive ! Les subprimes, eux-mêmes, et autres spéculations sont repartis de plus belle ainsi que toutes les sortes d’actions pourries, menant à de nouvelles catastrophes comme en 2008.

La chute du bloc de l’Est est d’autant moins une victoire du capitalisme que ce dernier s’accommodait fort bien de celle-ci. Ce sont les travailleurs qui, en Allemagne de l’Est en 1953, en Hongrie en 1956 et en Pologne dans les années 70 et 80 l’avaient contestée. Le système des blocs mis en place à la fin de la guerre mondiale, l’avait été conjointement par les dirigeants de l’est et de l’ouest, d’un commun accord entre Staline et les grandes puissances vainqueurs de la dernière guerre mondiale. C’est consciemment et contre la révolution sociale menaçante (pas contre Hitler) que Roosevelt et Churchill ont choisi, en accord avec les classes dirigeantes, de donner la moitié de l’Europe et de l’Asie à la Russie stalinienne, lors des accords de Yalta. La naissance des pays dits de "démocratie populaire" ne signifiait nullement une victoire du communisme puisqu’elles n’étaient pas nées d’une lutte des travailleurs. Le stalinisme – un autre nom de la dictature de la bureaucratie russe -, visait au maintien du statu quo mondial et luttait aussi violemment que les dirigeants capitalistes contre la révolution prolétarienne, c’est-à-dire contre le véritable communisme.

Pour ceux qui resteraient convaincus que le stalinisme était un adversaire résolu du capitalisme et réciproquement, la Chine actuelle toujours sous la coupe du parti unique stalinien et phare du capitalisme est une belle démonstration. Le capitalisme s’est marié avec les féodaux d’Arabie saoudite et les maharadjahs d’Inde ; ce n’est pas les bureaucrates et la dictature militaire de Chine qui empêche leur système d’exploitation de fonctionner. L’Occident dénonce volontiers quelques répression dans des régions marginales (Tibet ou Xinkiang) mais pas l’essentiel de l’oppression qui fonctionne en Chine. Les pays occidentaux tiennent trop à leurs investissements pour s’occuper de dénoncer le parti dit « communiste » qui y est au pouvoir absolu, sans parler de dénoncer l’exploitation des travailleurs chinois. Si le goulag russe a été présenté à juste titre comme l’un des témoignages des horreurs du stalinisme, le goulag actuel chinois, le Laogai, est volontairement ignoré et surtout pas dénoncé par les média et les gouvernements de l’"ouest". Les gouvernements de l’ouest s’étaient comporté de la même manière vis-à-vis du stalinisme russe et Churchill avait même déclaré qu’il ne reprochait qu’une chose à Staline : ne pas avoir tué Trotsky quand il le tenait en Russie !

Il a donc suffi d’un accord entre la bureaucratie russe et l’impérialisme américain, avec des assurances mutuelles, pour que la séparation est-ouest tombe. Il faut rappeler que ce n’était pas la première fois que la bureaucratie russe et l’impérialisme US étaient à l’initiative d’une tentative de rapprochement visant à la fusion et au retour dans le marché mondial des pays de l’est. En 1956, une pareille tentative avait échoué du fait de la révolte des ouvriers de Hongrie et de Pologne. Cette dernière avait amené aussi bien les USA que l’URSS à craindre une intervention directe des masses ouvrières en cas de fin du stalinisme. C’est d’un commun accord que l’impérialisme et le stalinisme avaient alors estimé que la situation n’était pas mure car, même en URSS des mouvements avaient eu lieu et notamment une révolte des camps du goulag. Loin de soutenir les révoltés ouvriers de Hongrie, l’impérialisme avait même arrêté ses émissions radio pour qu’elles n’apparaissent pas comme un soutien aux conseils ouvriers en arme qui contestaient la dictature stalinienne.

Le mur en Europe entre l’est et l’ouest ne date d’ailleurs pas de 1947 avec la "guerre froide". Ce sont les grandes puissances qui, conjointement, ont divisé militairement Berlin en deux, comme, toujours conjointement, ont divisé la Corée en deux, deux zones d’occupation militaire. Mais, plus profondément, la division de l’Europe date de bien avant. C’est le capitalisme qui, par son développement inégal, a instauré une Europe de l’ouest relativement riche et une Europe de l’Est plus pauvre et plus arriérée où elle même maintenu des régimes quasi féodaux.

La division du monde entre riches et pauvre est loin d’être tombée, bien entendu, en 1989, en même temps que le mur. L’Est est toujours relativement pauvre comme le sud. Les inégalités entre les classes sont elles aussi plus criantes que jamais. Le mur de l’apartheid est tombé en Afrique du sud mais pas le mur de l’argent qui fait qu’on vit à Soweto une vie presque identique qu’à l’époque noire de l’apartheid et, en tout cas, autant dans la misère et l’insécurité. L’apartheid racial a été remplacé par l’apartheid social. Il marque tout autant la division des quartiers, de modes de vie et de l’avenir des enfants qui y vivent.

Tous les murs ne sont bien sûr pas tombés en 1989 mais le monde capitaliste en a dressés plus qu’il n’en a fait tomber. Des "blocs" et des "guerres froides" ou chaudes aussi, comme la guerre prétendument "contre le terrorisme" qui s’est même étendue, depuis l’Irak et l’Afghanistan au Pakistan. Le mur coupe désormais Israël et Palestine, sans pour autant que soit reconnue l’existence de la Palestine. Et le mur entre l’Afrique et le reste du monde, un mur de l’argent, n’est pas moins réel que s’il était en béton. Il empêche notamment les populations de migrer d’une partie à l’autre de la planète. Pourtant, l’idée de la chute du mur, glorifiée lors de son anniversaire, n’est-elle pas de laisser les gens aller d’un côté à l’autre librement ? Eh bien, cette idée humaniste n’a cours qu’à Berlin mais pas entre le Mali et la France par exemple, sauf s’il s’agit de piller l’uranium, l’or et le pétrole !!!

La guerre froide et sa "politique des blocs" n’avait d’ailleurs pour but que d’occulter la réelle division de la société : la division en classes sociales, entre exploiteurs et exploités, division que 1989 n’a bien entendu ni abattu, ni même entamé. A l’Est, ce sont d’ailleurs les bureaucrates eux-mêmes qui ont été les mieux placés pour devenir les nouveaux riches, en particulier dans la Russie et dans les autres morceaux de l’URSS. Et cela ne gène nullement les pays occidentaux. Pas plus qu’ils ne sont gênés d’avoir à faire avec des bureaucrates chinois "communistes" et capitalistes. Leur propagande sur le prétendu communisme, ils n’y croient pas et ils ne l’utilisent que pour convaincre les travailleurs et les peuples que le capitalisme est le seul horizon possible et qu’il n’y a aucune perspective d’une autre société. Mais, quand bien même ils en auraient convaincu les travailleurs, cela ne voudrait pas dire que telle serait la réalité objective. Et cela, ils le savent bien. On n’éradiquera pas les risques de révolution sociale par la seule propagande pro-capitaliste. On garde pour cela les armées, les polices, les dictatures et les fascismes. La confiance en soi du capitalisme a besoin de se rappeler la chute du mur, mais ce réconfort n’est que passager. Le capitalisme a plus que jamais besoin de toutes les sortes d’opposition entre nations, entre ethnies, entre religions, entre nord et sud, entre est et Ouest, pour mieux diviser les opprimés.

Les prolétaires du monde n’ont pas de murs entre eux et le seul mur qu’il leur faut abattre est celui qui les sépare de la décision de prendre le pouvoir sur le monde dans leurs propres mains. Ce serait un petit pas pour l’homme mais un grand pas pour l’humanité !!!

Pourquoi l’alliance entre Staline et l’impérialisme ?

Les mensonges de la politique des blocs

Pas de l’Est 1953-1956

Les faux socialismes d’Asie aussi

La fin de l’URSS. Pourquoi ? Pour qui ?

La nouvelle bourgeoisie russe

Qu’est-ce que le stalinisme

Sur le goulag chinois

DERRIÈRE LE MUR DE BERLIN, IL Y A ENCORE LE MUR DE L’ARGENT

[MUR ENTRE MEXIQUE ET USA MAIS SURTOUT MUR ENTRE RICHESSE ET PAUVRETÉ

Avec la "chute du mur de Berlin et du bloc de l’Est, ce que voudraient les classes dirigeantes, c’est effacer dans la conscience des prolétaires l’importance et la signification de la Révolution d’Octobre

Comme après la chute du mur de Berlin, la campagne actuelle de la bourgeoisie n’est pas une charge sans discernement contre tout ce que représentait la révolution russe. Au contraire, certains historiens à la solde du capital sont pleins d’éloges hypocrites pour « l’initiative » et même « l’élan révolutionnaire » des ouvriers et de leurs organes de lutte de masse, les conseils ouvriers. Ils sont débordants de compréhension pour le désespoir des ouvriers, des soldats et des paysans confrontés aux épreuves de la « grande guerre ». Avant tout, ils se présentent comme les défenseurs de la « vraie révolution russe » contre sa prétendue destruction par les bolcheviks. En d’autres termes, au centre des attaques de la bourgeoisie contre la révolution russe, il y a l’opposition entre février et octobre 1917, l’opposition entre le début et la conclusion de la lutte pour le pouvoir qui est l’essence de toute grande révolution.

Quand elle rappelle le caractère explosif, massif et spontané des luttes qui commencent en février 1917, c’est à dire les grèves de masse, les millions de gens qui occupent la rue, les explosions d’euphorie publique et jusqu’au fait que Lénine lui même déclarait que la Russie de cette époque était le pays le plus libre sur la terre, la bourgeoisie lui oppose les événements d’octobre dans lesquels il y avait peu de spontanéité, où les événements étaient planifiés à l’avance, sans aucune grève, sans manifestation de rues ni assemblée de masse pendant l’insurrection, quand le pouvoir a été pris grâce à l’action de quelques milliers d’hommes en armes dans la capitale, sous le commandement d’un comité révolutionnaire, directement inspiré par le parti bolchevik. Ainsi, elle déclare : est ce que cela ne prouve pas qu’Octobre n’était rien d’autre qu’un putsch bolchevik ? Un putsch contre la majorité de la population, contre la classe ouvrière, contre l’histoire, contre la nature humaine même ? Et tout cela, nous dit-on, est la conséquence d’une « folle utopie marxiste » qui ne pouvait survivre que par la terreur, conduisant directement au stalinisme.

Selon la classe dominante, le prolétariat en, 1917 ne voulait rien de plus que ce que le régime de février lui avait promis : une « démocratie parlementaire », avec l’engagement de « respecter les droits de l’homme », et un gouvernement qui, tout en continuant la guerre, s’était déclaré lui même « en faveur » d’une paix rapide « sans annexion ». En d’autres termes, la bourgeoisie veut nous faire croire que le prolétariat russe se battait pour obtenir la même situation misérable que celle que le prolétariat moderne subit aujourd’hui ! Si le régime de février n’avait pas été renversé en octobre, nous assurent-ils, la Russie serait aujourd’hui un pays aussi puissant et « prospère » que les Etats-Unis et le développement du « capitalisme du 20e siècle aurait été pacifique ».

Ce qu’exprime réellement cette hypocrite défense du caractère « spontané » des événements de février, ç’est la haine et la peur de la révolution d’octobre chez les exploiteurs de tous les pays. La spontanéité de la grève de masse, le rassemblement de tout le prolétariat dans les rues et les assemblées générales, la formation des conseils ouvriers dans le feu de la lutte sont des moments essentiels de la lutte d’émancipation de la classe ouvrière. « Que la spontanéité d’un mouvement soit un indice de sa profonde pénétration dans les masses, de la solidité de ses racines, de l’impossibilité qu’il y aurait à l’écarter, voilà qui est certain » comme le remarquait Lénine ([1]). Mais tant que la bourgeoisie reste la classe dominante, tant que les armes politiques et répressives de l’Etat capitaliste restent intactes, il lui est toujours possible de bloquer, neutraliser et dissoudre celles de son ennemi de classe. Les conseils ouvriers, ces puissants instruments de la lutte ouvrière qui surgissent plus ou moins spontanément, ne sont néanmoins pas la seule ni nécessairement la plus haute expression de la révolution prolétarienne. Ils prédominent dans les premières étapes du processus révolutionnaire. La bourgeoisie contre-révolutionnaire les porte justement aux nues précisément pour faire passer le début de la révolution pour son point culminant, pour son point d’arrivée, parce qu’elle sait qu’il est plus facile de détruire une révolution qui s’arrête à mi-chemin.

Mais la révolution russe ne s’est pas arrêtée à mi-chemin. En allant jusqu’au bout, en achevant ce qu’avait commencé février 1917, elle a été la confirmation de la capacité de la classe ouvrière à construire patiemment, consciemment, collectivement, donc pas seulement « spontanément » mais de façon délibérée, planifiée, stratégique, les instruments dont elle a besoin pour s’emparer du pouvoir : son parti de classe marxiste, ses conseils ouvriers galvanisés par un programme de classe et une réelle volonté de diriger la société, ainsi que les instruments spécifiques et la stratégie de l’insurrection prolétarienne. C’est l’unité entre la lutte politique de masse et la prise militaire du pouvoir, entre le spontané et le planifié, entre les conseils ouvriers et le parti de classe, entre l’action de millions d’ouvriers et celles d’audacieuses minorités d’avant-garde de la classe qui constitue l’essence de la révolution prolétarienne. C’est cette unité que la bourgeoisie aujourd’hui vise à détruire avec ses calomnies contre le bolchevisme et l’insurrection d’octobre.

La destruction de l’Etat bourgeois, le renversement de la domination de la classe bourgeoise, le début de la révolution mondiale, c’est ce qu’a été la gigantesque réalisation d’octobre 1917, c’est à dire le chapitre le plus important, le plus conscient et le plus audacieux de l’histoire de l’humanité à ce jour. Octobre a fait voler en éclats des siècles de servitude engendrée par la société de classes, démontrant qu’avec le prolétariat il existe, pour la première fois dans l’histoire, une classe qui est tout à la fois exploitée et révolutionnaire. Une classe qui est capable de diriger la société, d’abolir la domination de classe, de libérer l’humanité de son enchaînement « préhistorique » à des forces sociales aveugles. C’est la véritable raison pour laquelle la classe dominante à ce jour, et aujourd’hui plus que jamais, déverse ses tombereaux de mensonges et de calomnies sur l’octobre rouge, l’événement « le plus haï » de l’histoire moderne mais qui est en fait l’orgueil de la classe prolétarienne consciente. Nous voulons démontrer que l’insurrection d’octobre, que les écrivailleurs, prostitués du capital, appellent un « putsch », était le point culminant, non seulement de la révolution russe, mais de toute la lutte de notre classe jusqu’à aujourd’hui. Comme Lénine l’écrivait en 1917 : « La haine sauvage que nous porte la bourgeoisie illustre de la façon la plus concrète cette vérité que nous montrons correctement au peuple les voies et moyens qui permettront de mettre fin à la domination de la bourgeoisie. » ([2])

*
« La crise est mûre »

Le 10 octobre 1917, Lénine, l’homme le plus recherché dans le pays, pourchassé par la police dans tous les coins de la Russie, se présenta à l’assemblée du Comité central du parti bolchevik qui se tenait à Petrograd, déguisé avec une perruque et des lunettes, et proposa la résolution suivante écrite sur une page de cahier d’écolier

« Le Comité Central reconnaît que la situation internationale de la révolution russe (la mutinerie de la flotte en Allemagne, manifestation extrême de la croissance de la révolution socialiste mondiale dans toute l’Europe ; et, par ailleurs, la menace de voir la paix impérialiste étouffer la révolution en Russie), - de même que la situation militaire (décision indubitable de la bourgeoisie russe et de Kerensky et consorts, de livrer Petrograd aux Allemands), - de même que l’obtention par le parti prolétarien de la majorité aux Soviets, - tout cela, lié au soulèvement paysan et au changement d’attitude du peuple qui fait confiance à notre parti (élections de Moscou) et enfin la préparation manifeste d’une nouvelle aventure Kornilov (retrait des troupes de Petrograd, transfert des cosaques à Petrograd, encerclement de Minsk par les cosaques, etc.) - tout cela met l’insurrection armée à l’ordre du jour. Considérant donc que l’insurrection armée est inévitable et tout à fait mûre, le Comité Central propose à toutes les organisations du Parti de déterminer leur attitude en fonction de cet état de chose, d’examiner et de résoudre de ce point de vue toutes les questions pratiques (congrès des soviets de la région nord, retrait des troupes de Petrograd, actions à réaliser à Moscou et à Minsk, etc.). » ([3])

Quatre mois avant exactement, le parti bolchevik avait délibérément freiné l’élan combatif des ouvriers de Petrograd. Ceux-ci avaient été provoqués par les classes dominantes en vue d’être amenés à une confrontation prématurée et isolée avec l’Etat. Une telle situation aurait certainement conduit à la décapitation du prolétariat russe dans la capitale et son parti de classe aurait été décimé (voir la Revue Internationale n° 90 sur « les journées de juillet »). Le Parti qui depuis avait surmonté ses hésitations internes, s’engageait fermement, comme l’écrivait Lénine dans son fameux article « La crise est mûre », à mobiliser toutes les forces pour inculquer aux ouvriers et aux soldats l’idée de l’absolue nécessité d’une lutte acharnée, ultime, décisive pour le renversement du gouvernement de Kerensky ». Le 29 septembre, il déclarait : « La crise est mûre. Tout l’honneur du parti bolchevik est enjeu. Tout l’avenir de la révolution ouvrière internationale pour le socialisme est en jeu. »

Ce qui explique cette nouvelle attitude du parti, complètement différente en octobre par rapport à celle de juillet, est contenu dans la résolution citée plus haut, c’est l’audace et la brillante clarté du marxisme. Le point de départ, comme toujours pour le marxisme, c’est l’analyse de la situation internationale, l’évaluation du rapport de forces entre les classes et les besoins du prolétariat mondial. La résolution souligne que, à la différence de juillet 1917, le prolétariat russe n’est plus seul, que la révolution mondiale a commencé dans les pays centraux du capitalisme. « La montée de la révolution mondiale est incontestable. L’explosion de révolte des ouvriers tchèques a été étouffée avec une cruauté incroyable, qui témoigne de la panique du gouvernement. En Italie, on en est arrivé aussi à une explosion des masses à Turin. Mais le fait le plus important est la mutinerie de la flotte allemande. » ([4]) Il est de la responsabilité de la classe ouvrière russe, non seulement de saisir l’opportunité de rompre l’isolement international imposé jusque là par la guerre mondiale mais, par dessus tout, de propager en retour les flammes de l’insurrection en Europe de l’ouest en commençant la révolution mondiale.

Contre la minorité de son propre parti qui faisait encore écho à l’argumentation pseudo-marxiste, contre-révolutionnaire des mencheviks selon laquelle la révolution devait commencer dans un pays plus avancé, Lénine montrait que les conditions en Allemagne étaient en fait beaucoup plus difficiles qu’en Russie et que la réelle signification de l’insurrection en Russie résidait dans le fait qu’elle aiderait au surgissement de la révolution en Allemagne : « ... dans des conditions pénibles, infernales, avec le seul Liebknecht (enfermé au bagne, par surcroît), sans journaux, sans liberté de réunions, sans Soviets, au milieu de l’hostilité incroyable de toutes les classes de la population -jusqu’au dernier paysan aisé - à l’égard de l’idée de l’internationalisme, malgré l’organisation supérieure de la grande, de la moyenne et de la petite bourgeoisie impérialiste, les Allemands, c’est-à-dire les révolutionnaires internationalistes allemands, les ouvriers portant la vareuse de matelot, ont déclenché une mutinerie de la flotte, alors qu’ils n’avaient peut-être qu’une chance sur cent. Et nous qui avons des dizaines de journaux, la liberté de réunion, qui avons la majorité dans les Soviets, nous qui en comparaison des internationalistes prolétariens du monde entier avons les meilleures conditions, nous refuserions de soutenir par notre insurrection les révolutionnaires allemands. Nous sonnerions comme les Scheidemann et les Renaudel : le plus sage est de ne pas nous soulever car si on nous fusille tous autant que nous sommes, le monde perdra avec nous des internationalistes d’une si belle trempe, si sensés, si parfaits !! Prouvons notre bon sens. Adoptons une résolution de sympathie à l’égard des insurgés allemands et renonçons à l’insurrection en Russie. Ce sera de l’internationalisme véritable, d’esprit rassis. » ([5])

Ce point de vue et la méthode internationaliste, à l’opposé exact de la vision bourgeoise-nationaliste du stalinisme qui s’est développée à partir de la contre-révolution qui a suivi, n’appartenaient pas exclusivement au parti bolchevik à cette époque, mais c’était le lot commun des ouvriers évolués de Russie à l’éducation politique marxiste. Ainsi, au début d’Octobre, les marins révolutionnaires de la flotte de la Baltique lançaient aux quatre coins de la terre, sur les radios de leurs bateaux, l’appel suivant : « Dans ce moment où les vagues sont rougies du sang de nos frères, nous faisons entendre notre voix : ... Peuples opprimés du monde entier, brandissez le drapeau de la révolte ! » Cependant, l’évaluation à l’échelle du monde du rapport de forces entre les classes par les bolcheviks ne se limitait pas à examiner l’état du prolétariat international mais exprimait aussi une vision claire de la situation globale de la classe ennemie. En s’appuyant toujours sur une profonde connaissance de l’histoire du mouvement ouvrier, les bolcheviks savaient très bien, avec l’exemple de la Commune de Paris de 1871, que la bourgeoisie impérialiste, même en pleine guerre mondiale, unirait ses forces contre la révolution.

« L’inaction complète de la flotte an glaise en général, et des sous-marins anglais lors de la prise de l’île d’Oesel par les allemands, si on la rapproche du plan du gouvernement de se transporter de Petrograd à Moscou, ne démontre-t-elle pas qu’un complot a été tramé entre les impérialiste russes et anglais, entre Kerenski et les capitaliste anglo-français pour livrer Petrograd aux Allemands et pour étouffer par ce moyen la révolution russe ? » demande Lénine, qui ajoute : « La résolution de la section des soldats du Soviet de Petrograd contre le départ du gouvernement a montré que, parmi les soldats aussi, la conviction mûrit qu’il existe un complot Kerenski. » ([6]) En Août, sous Kerenski et Kornilov, Riga la révolutionnaire avait déjà été livrée aux griffes de l’empereur Guillaume II. Les premières rumeurs d’une éventuelle paix séparée entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne contre la révolution russe inquiétaient Lénine. Le but des bolcheviks ce n’était pas la « paix » mais la révolution car ils savaient, en vrais marxistes qu’un cessez-le-feu capitaliste ne pouvait être qu’un entracte entre deux guerres mondiales. C ‘est cette vision pénétrante, communiste de l’inévitable enfoncement dans la barbarie que le capitalisme décadent, en faillite historique réservait à l’humanité qui poussait alors le bolchevisme à une course contre la montre pour en finir avec la guerre avec des moyens prolétariens, révolutionnaires. En même temps, les capitalistes commençaient partout à saboter systématiquement la production afin de discréditer la révolution. Toutefois, tous ces événements contribuaient aussi à détruire enfin, aux yeux des ouvriers, le mythe patriotique de la « défense nationale » selon lequel la bourgeoisie et le prolétariat d’une même nation auraient un intérêt commun à repousser « l’agresseur » étranger. Cela explique aussi pourquoi en octobre, le soucis des travailleurs n’était plus de déclencher des grèves massives ais de garder la production en marche face au démembrement de ses « propres » usines par la bourgeoisie.

Parmi les facteurs qui ont été décisifs pour pousser la classe ouvrière à l’insurrection, il y a le fait que la révolution était menacée par de nouvelles attaques contre-révolutionnaires mais aussi que les ouvriers, en particulier dans les principaux soviets, soutenaient fermement les bolcheviks. Ces deux facteurs étaient le résultat direct de la plus importante confrontation de masse entre bourgeoisie et prolétariat entre juillet et octobre 1917 : le putsch de Kornilov en août. Le prolétariat, sous la direction des bolcheviks, avait arrêté la marche de Kornilov sur la capitale, principalement en défaisant ses troupes, en sabotant ses systèmes de transport et sa logistique grâce aux ouvriers des chemins de fer, de la poste et d’autres secteurs. Au cours de cette action, pendant laquelle les soviets avaient repris vie en tant qu’organisation révolutionnaire de toute la classe, les ouvriers découvrirent que le gouvernement provisoire de Petrograd sous la direction du socialiste-révolutionnaire Kerenski et des mencheviks, était lui-même impliqué dans le complot contre-révolutionnaire. A partir de ce moment, les ouvriers comprirent que ces partis étaient devenus une véritable « aile gauche du capital » et commencèrent à se rassembler derrière les bolcheviks.

« Tout l’art tactique consiste à saisir le moment dans lequel la totalité des conditions nous sont les plus favorables. Le soulèvement de Kornilov avait créé ces conditions. Les masses, qui avaient perdu confiance dans les partis de la majorité des soviets, ont vu le danger concret de la contre-révolution. Ils croyaient ce que les bolcheviks réclamaient alors pour repousser ce danger. » ([7])

Le test le plus clair qui prouve les qualités révolutionnaires d’un parti ouvrier c’est sa capacité à poser la question de la prise du pouvoir. « L’adaptation la plus gigantesque quand le parti prolétarien doit passer de la préparation, de la propagande, de l’organisation, de l’agitation à la lutte immédiate pour le pouvoir, à l’insurrection armée contre la bourgeoisie. Tout ce qui existe dans le parti comme éléments indécis, sceptiques, opportunistes, mencheviks, prend position contre l’insurrection. » ([8])

Le parti bolchevik a surmonté cette épreuve en s’engageant lui même dans la lutte armée pour le pouvoir, faisant alors la preuve de qualités révolutionnaires sans précédents.
Le prolétariat prend le chemin de l’insurrection

En février 1917 se produisit ce qu 1’on appelle une situation de « double pouvoir ». A côté de l’Etat bourgeois et opposés à lui, les conseils ouvriers apparaissaient comme une alternative, comme un gouvernement potentiel de la classe ouvrière. Du fait que deux pouvoirs opposés, de deux classes ennemies, ne peuvent coexister et du fait que l’un doit nécessairement détruire l’autre afin de pouvoir s’imposer à la société, une telle période de « double pouvoir » est obligatoirement extrêmement courte et instable. Une telle phase n’est sûrement pas caractérisée par la « coexistence pacifique » et la tolérance mutuelle. Elle peut avoir une apparence d’équilibre social. En réalité, c’est une étape décisive dans la guerre civile entre travail et capital.

Les falsifications bourgeoises de l’histoire sont obligées de camoufler la lutte à mort des classes qui a eu lieu entre février et octobre 1917 et pour pouvoir présenter la révolution d’octobre comme un « putsch bolchevik ». L’allongement « anormal » de cette période de « double pouvoir » aurait nécessairement entraîné la fin de la révolution et de ses organes. Le Soviet « ne peut être qu’un organisme insurrectionnel, qu’un organe du pouvoir révolutionnaire. Sinon les soviets ne sont que de vains hochets qui conduisent infailliblement à l’apathie, à l’indifférence, au découragement des masses légitimement écœurées par la répétition perpétuelle de résolutions et de protestations. » ([9]) Si l’insurrection prolétarienne n’a pas été plus spontanée qu’un coup d’Etat militaire contre-révolutionnaire, durant les mois qui ont précédé octobre les deux classes ont exprimé de façon répétée leur tendance spontanée à lutter pour le pouvoir. Les journées de juillet et le putsch de Kornilov en ont été les manifestations les plus claires. L’insurrection d’octobre a commencé en réalité non avec le signal donné par le parti bolchevik mais avec la tentative du gouvernement bourgeois d’envoyer au front les troupes les plus révolutionnaires (les deux tiers de la garnison de Petrograd) et de les remplacer dans la capitale par des bataillons contre-révolutionnaires. En d’autres termes, la bourgeoisie a fait une nouvelle tentative, quelques semaines seulement après Kornilov, pour écraser la révolution, ce qui a poussé le prolétariat à prendre des mesures insurrectionnelles pour la sauver.

« De fait, le résultat du soulèvement du 2-5 Octobre avait aux trois quarts, si ce n’es tpas plus, été décisif dès le moment où nous avons refusé le déplacement des troupes, formé le Comité Militaire Révolutionnaire (16 Octobre), nommé nos commissions dans toutes les organisations et formation de la troupe isolant ainsi complètement non seulement le commandement du district militaire de Petrograd, mais le gouvernement à partir du moment où les bataillons, sous les ordres du Comité Militaire Révolutionnaire, refusaient de quitter la ville, et ne la quittaient pas,nous avions une insurrection victorieuse dans la capitale. » ([10])

De plus, ce Comité militaire révolutionnaire, qui devait conduire les actions militaires décisives du 25 octobre, loin d’avoir été un organe du parti bolchevik, avait été à l’origine proposé par des partis contre-révolutionnaires de « gauche » comme un moyen d’imposer le retrait des troupes révolutionnaires de la capitale sous l’autorité des soviets ; mais il fut immédiatement transformé par le soviet en un instrument non seulement pour s’opposer à cette mesure, mais pour organiser la lutte pour le pouvoir.

« Non le pouvoir des soviets n’était pas une chimère, une construction arbitraire, l’invention de théoriciens de parti. Il montait irrésistiblement d’en bas, du désarroi économique, de l’impuissance des possédants, du besoin des masses ; les soviets devenaient en réalité le pouvoir -pour les ouvriers, les soldats, les paysans, il n’y avait pas d’autre voie. Au sujet du pouvoir des soviets, le temps n’était déjà plus de chercher des raisonnements et des objections : il fallait le réaliser. » ([11]) La légende d’un putsch bolchevik est un des plus gros mensonges de l’histoire. En fait, l’insurrection avait été annoncée publiquement à l’avance, aux délégués révolutionnaires élus. L’intervention de Trotsky à la Conférence de la garnison de Petrograd le 18 octobre en est une illustration : « La bourgeoisie sait que le soviet de Petrograd proposera au Congrès des soviets de prendre le pouvoir en main... Prévoyant la bataille inévitable, les classes bourgeoises s’efforcent de désarmer Petrograd.. A la première tentative de la contre-révolution pour supprimer le Congrès, nous répondrons par une contre-offensive qui sera implacable et que nous pousserons jusqu’au bout. » Le point 3 de la résolution adoptée par la Conférence de la garnison dit : « Le Congrès panrusse des soviets doit prendre le pouvoir en main et assurer au peuple la paix, la terre et le pain. » ([12]) Pour s’assurer que tout le prolétariat soutenait la lutte pour le pouvoir, cette conférence, décidait d’un passage en revue pacifique des forces, prenant place à Petrograd avant le congrès des soviets et basée sur des assemblées de masse et des débats. « Des dizaines de milliers de gens submergeaient l’énorme édifice de la Maison du Peuple... Sur les poteaux de fonte et aux fenêtres, étaient suspendues des guirlandes, des grappes de têtes humaines, de jambes, de bras. Il y avait dans l’air cette charge d’électricité qui annonce un prochain éclat. A bas ! A bas la guerre ! Le pouvoir aux Soviets ! Pas un des conciliateurs n’osa se montrer devant ces foules ardentes pour leur opposer des objections ou des avertissements. La parole appartenait aux Bolcheviks. ([13]) Trotsky ajoute . « L’expérience de la révolution, de la guerre, de la dure lutte, de toute une amère vie, remonte de la profondeur de la mémoire de tout homme écrasé par le besoin et se fixe dans ces mots d’ordre simples et impérieux. Cela ne peut pas continuer ainsi, il faut ouvrir une brèche vers l’avenir. »

Le Parti n’a pas inventé « la volonté de prendre le pouvoir » des masses. Mais il l’a inspirée et a donné confiance dans sa capacité à gouverner à la classe. Comme Lénine l’avait écrit après le putsch de Kornilov : « Que ceux qui ont peu confiance apprennent de cet exemple. Honte à ceux qui disent "nous n’avons pas de machine pour remplacer la vieille qui tourne inexorablement pour la défense de la bourgeoisie". Parce que nous avons une machine. Et ce sont les soviets. Ne craignez pas les initiatives et l’indépendance des masses. Faites confiance aux organisations révolutionnaires des masses ,et vous verrez dans toutes les sphères de la vie de l’Etat la même puissance, la même majesté et la même volonté indicible des ouvriers et des paysans, que celles qu’ils ont montré dans leur solidarité et leur enthousiasme contre le Kornilovisme. ([14])

*
La tâche de l’heure : la destruction de l’Etat bourgeois

L’insurrection est un des problèmes les plus cruciaux, les plus complexes, les plus exigeants que le prolétariat ait à résoudre pour remplir sa mission historique. Dans la révolution bourgeoise, cette question était beaucoup moins décisive puisque la bourgeoisie pouvait s’appuyer dans sa lutte pour le pouvoir sur celui qu’elle avait déjà conquis au niveau économique et politique au sein de la société féodale. Pendant sa révolution, la bourgeoisie a laissé la petite bourgeoisie et la jeune classe ouvrière se battre pour elle. Quand la fumée de la bataille s’est dissipée, elle a souvent préféré remettre son pouvoir fraîchement conquis dans les mains d’une classe féodale alors embourgeoisée, domestiquée, puisque cette dernière avait, par tradition, l’autorité de son côté. Au contraire, le prolétariat n’a ni propriété, ni pouvoir économique au sein de la société capitaliste. Il ne peut donc déléguer ni la lutte pour le pouvoir ni la défense de sa domination de classe une fois acquise à aucune autre classe ou autre secteur de la société. Il doit lui-même prendre le pouvoir en entraînant les autres couches sous sa direction, en prendre l’entière responsabilité et assumer les conséquences et les risques de sa lutte. Dans l’insurrection, le prolétariat révèle et découvre lui même, beaucoup plus clairement qu’à aucun autre moment précédent, le « secret » de sa propre existence en tant que première et dernière classe exploitée et révolutionnaire. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que la bourgeoisie soit si attachée à détruire la mémoire d’octobre

La tâche primordiale du prolétariat dans la révolution, à partir de février, était de conquérir les cœurs et les esprits de tous ces secteurs qui pouvaient être gagnés à sa cause mais qui pouvaient aussi être utilisés contre la révolution : les soldats, les paysans, les fonctionnaires, les employés des transports jusqu’aux moins bien disposés comme les personnels de maison de la bourgeoisie. A la veille de l’insurrection, cette tâche avait été accomplie.

La tâche de l’insurrection était tout à fait différente : elle consistait à briser la résistance de ces corps d’Etat et de ces formations armées qui ne pouvaient être gagnées mais dont l’existence prolongée contenait en germe la contre-révolution la plus barbare. Pour briser cette résistance, pour démolir Etat bourgeois, le prolétariat doit créer une force armée et, la mettre sous sa direction de classe avec une discipline de fer. Ainsi, bien que conduite par le prolétariat, les forces armées du 25 octobre étaient principalement composées de soldats qui obéissaient à son commandement. « La Révolution d’Octobre était la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie pour le pouvoir. Mais c’est le moujik qui en fin de compte décida de l’issue de la lutte... Ce qui donna à l’insurrection le caractère d’un coup rapidement porté avec un minimum de victimes, ce fut la combinaison du complot révolutionnaire, de l’insurrection prolétarienne et de la lutte de la garnison paysanne pour sa propre sauvegarde. Le Parti dirigeait l’insurrection ; la principale force motrice était le prolétariat, les détachements ouvriers armés constituaient le poing de choc, mais l’issue de la lutte se décidait par la garnison paysanne difficile à soulever. » ([15]) En réalité, le prolétariat a pu s’emparer du pouvoir parce qu’il avait été capable de mobiliser les autres couches non-exploiteuses derrière son propre projet de classe. Exactement le contraire d’un « putsch » !

« Il n’y eut presque point de manifestations, de combats de rue, de barricades, de tout ce que l’on entend d’ordinaire par "insurrection". La révolution n ’avait pas besoin de résoudre un problème déjà résolu. La saisie de l’appareil gouvernemental pouvait être effectuée d’après un plan, avec l’aide de détachements armés relativement peu nombreux, partant d’un centre unique. (…) Le calme dans les rues, en Octobre, l’absence de foules, l’inexistence de combats donnaient aux adversaires des motifs de parler de la conspiration d’une minorité insignifiante, de l’aventure d’une poignée de bolcheviks. (...) En réalité, les bolcheviks pouvaient ramener au dernier moment la lutte pour le pouvoir à un "complot", non point parce qu’ils étaient une petite minorité, mais au contraire parce qu’ils avaient derrière eux, dans les quartiers ouvriers et les casernes, une écrasante majorité, fortement groupée, organisée, disciplinée. » ([16])

*
Choisir le bon moment… la clé de la prise du pouvoir

D’un point de vue technique, l’insurrection communiste n’est qu’une simple question d’organisation militaire et de stratégie. Politiquement, c’est la tâche la plus exigeante qu’on puisse imaginer. De toutes les tâches, la plus difficile, celle qui pose le plus de problèmes, c’est celle de choisir le bon moment pour engager le combat pour le pouvoir : ni trop tôt, ni trop tard. En juillet 1917, et même en août au moment du putsch de Kornilov, quand les bolchevicks ont retenu la classe qui était prête à engager une lutte pour le pouvoir, le principal danger restait celui d’une insurrection prématurée ; dès septembre, Lénine appelait déjà sans relâche à la préparation d’une lutte armée en déclarant : « Maintenant ou jamais ! ».

[1] Lénine, « La Révolution Russe et la Guerre Civile », Oeuvres T. 26, p. 23.

[2] Lénine, « Les Bolcheviks garderont-ils le pouvoir ? », Ibid. p. 90.

[3] Lénine, « Résolution de l’insurrection », Ibid, p. 194.

[4] Lénine, « Lettre aux camarades bolcheviks participant au Congrès des soviets de la région nord », Ibid. p. 185.

[5] Lénine, « Lettre aux camarades », Ibid. p. 207-208.

[6] Lénine, « Lettre à la Conférence de la ville de Petrograd », Ibid. p. 144-145.

[7] Trotsky, Les leçons d’Octobre (écrit en 1924).

[8] Trotsky, Ibid.

[9] Lénine, « Thèses pour le rapport à la Conférence du 8 octobre », Ibid. p. 141.

[10] Trotsky, Les leçons d’Octobre.

[11] Trotsky, Histoire de la révolution russe, T.2, « Octobre », Ed. Le Seuil, p. 451.

[12] Trotsky, Ibid. p. 484.

[13] Trotsky, Ibid. p. 489.

[14] Lénine, « Les Bolcheviks garderont-ils le pouvoir ? », Ibid. Voir aussi, L’ Etat et la Révolution.

[15] Trotsky, Ibid. p. 667.

[16] Trotsky, Ibid. p. 671.

Courant communiste international

Messages

  • Il est frappant de constater que, ces dix dernières années, quelques-unes des plus grandes démocraties de la planète, tels les Etats-Unis, Israël et l’Inde, ont érigé des milliers de kilomètres de clôtures frontalières, sur des territoires disputés ou non. Depuis 2006, les Etats-Unis ont ainsi élevé une barrière de près de 1 000 kilomètres à leur frontière avec le Mexique. Israël construit un mur de 650 kilomètres face à la Cisjordanie, et une clôture de 265 kilomètres le long de sa frontière égyptienne. L’Inde, elle, a déjà érigé un mur de 550 kilomètres qui suit [au Cachemire] la "ligne de contrôle" marquant sa frontière contestée avec le Pakistan, et elle s’est attelée à la construction d’une autre barrière, de plus de 4 000 kilomètres cette fois, à la frontière bangladaise. En 2012, la Grèce s’est dotée d’un mur de 4 mètres de haut le long de sa courte frontière terrestre avec la Turquie, délimitée pour une bonne part par le cours du fleuve Evros.

  • Entre 2000 et 2016, la Patrouille des douanes et des frontières des États-Unis (CBP) a découvert les dépouilles de 6023 personnes sans papiers qui sont mortes en traversant du Mexique vers les États-Unis.

    Ce nombre choquant, cité dans un article du 4 mai dans le New York Times, sous-estime le nombre total de morts. Selon un shérif du Texas, « je dirais pour chaque [cadavre] que nous trouvons, nous en manquons probablement cinq ». C’est-à-dire que le nombre de corps inconnus pourrait être dans les dizaines de milliers.

    Des cadavres sont retrouvés le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique avec une extraordinaire régularité, fait savoir le journal. Dans l’une des zones frontalières, le comté de Brooks, Texas, 550 corps ont été découverts depuis janvier 2009, le mois de l’entrée en fonctions de Barack Obama. Dans un seul ranch au Texas, on a compté 31 corps ont été découverts depuis 2014. Le CBP jette sans cérémonie certains corps tous ensemble dans des cluster graves (fosses communes), souvent sans même les retirer des sacs pour déchets organiques dans lesquels ils sont conservés.

    Beaucoup de corps sont méconnaissables, brûlés par le soleil du désert ou dépecés par des vautours. Les chemins de migration habituellement utilisés sont , « bordés de morts ». Les cadavres des enfants se retrouvent aux côtés de leurs peluches. Une femme trouvée morte de froid était vêtue d’un sac à déchets en plastique pour se protéger du froid.

    En 2015, Francisco Gonzalez, un ancien machiniste du Mexique, a appelé les services d’urgence en plein désert, implorant une patrouille frontalière de l’arrêter pour lui sauver sa vie. Il a dit à la personne qui répondait à son appel qu’il retournait aux États-Unis pour voir pour la première fois sa fille qui venait de naître, après avoir été expulsé par l’administration Obama pour conduite sous l’influence de l’alcool. Les fonctionnaires ne parvenant pas à le localiser, Gonzalez a donné le numéro de téléphone de sa femme et a déclaré : « Appelez-la et dites- lui que je n’ai pas réussi à venir. Appelez-la et dites-lui que je l’aime et qu’elle s’occupe bien de notre bébé. » Il est mort dans le désert peu de temps après.

    Daniel Martinez, professeur adjoint de sociologie à l’Université George Washington, a déclaré au New York Times : « S’il s’agissait d’un autre contexte, s’il s’agissait de décès à la suite d’une inondation massive ou d’un tremblement de terre ou d’un accident d’avion majeur, on qualifierait cela de catastrophe de masse. »

    En effet, le New York Times rapporte que le nombre total de corps est supérieur au nombre total de personnes tuées lors des attentats du 11 septembre 2001 et de l’ouragan Katrina combinés. Et malgré la diminution de l’immigration depuis l’élection de Donald Trump, le nombre de corps trouvés au premier mois de 2017 est déjà égal au total de 2010.

    Les décès en masse le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique sont le résultat de politiques délibérées des gouvernements américains, démocrates comme républicains, depuis au moins deux décennies. Dans le cadre de programmes tels que Operation Gatekeeper (Opération gardien des portes) et Operation Hold-the-Line (Opération Tenez la ligne), promulgués pour la première fois sous le président démocrate Bill Clinton au milieu des années 1990, le gouvernement a sécurisé des passages frontaliers fortement peuplés avec des moyens de défense militaires et des patrouilles accrues concentrées dans des villes comme San Diego en Californie et El Paso au Texas.

  • Après l’ère capitaliste et bureaucratique, l’ère communiste…

    On nous a parlé de sortir de l’ère communiste ! Stéphane Courtois et autres anticommunistes ont théorisé qu’il fallait « sortir du communisme » :

    voir ici

    Bien entendu, l’ère stalinienne, voulue aussi par l’impérialisme, n’était que l’inverse du communisme, la dictature de la bureaucratie l’inverse de la dictature du prolétariat…

    Maintenant que nous sommes sortis de l’ère stalinienne, entrons dans l’ère communiste !!! Effectivement, ce qui se pose à nous de manière urgente, c’est de sortir du capitalisme !

  • Le capitalisme, ayant soi-disant vaincu le stalinisme, prétendait être la « fin de l’Histoire »…

    On en est à la « fin de l’histoire »… du capitalisme…

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