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Novembre 1918 : Quand la révolution allemande mettait fin à la guerre

vendredi 14 août 2009, par Robert Paris

Novembre 1918 : Quand la révolution allemande mettait fin à la guerre

lundi 24 novembre 2008, par LCR

Par Guy Van Sinoy

Les commémorations du 90e anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 ont en général passé sous silence le fait que la Première Guerre mondiale a pris fin parce que la révolution venait d’éclater en Allemagne.

Dans notre pays, beaucoup de personnes ignorent d’ailleurs qu’entre 1918 et 1923 l’Allemagne a connu une situation révolutionnaire avec de nombreux rebondissements.

Une guerre industrielle dans la boue des tranchées

Grâce aux progrès techniques, stimulés par le développement du capitalisme, la Première Guerre mondiale a aussi été la première guerre industrielle. L’industrie de guerre a fabriqué des armes de destruction massives : mitrailleuses, artillerie lourde, gaz asphyxiants.

De nouveaux engins militaires ont fait leur apparition : sous-marins, blindés, avions. La reconnaissance aérienne a permis de cartographier les lignes ennemies et d’ajuster avec précision les tirs de l’artillerie. Entre 1914 et 1918, 70% des pertes humaines ont été causées par l’artillerie. La guerre 14-18 a fait, en tout, 9 millions de morts et 8 millions d’invalides, soit environ 6.000 morts par jour !

De 1915 à 1918, les armées belligérantes se sont trouvées face à face sur une ligne de front peu mobile. Les soldats, enterrés dans la boue des tranchées, ont survécu parmi les cadavres, les rats et la vermine. En 1917, des mutineries ont eu lieu dans les rangs des armées française, allemande et anglaise. Plusieurs centaines de soldats français ont été fusillés pour l’exemple.

Le mouvement ouvrier allemand et la guerre

En août 1914, le Parti social-démocrate allemand (SPD) a voté les crédits de guerre et a basculé dans le chauvinisme. Il a ensuite progressivement exclu de ses rangs les opposants à la guerre (Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Hugo Haase, Karl Kautsky, Paul Levi, Otto Rühle, Clara Zetkin).

En 1915, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg ont fondé la Ligue Spartakus, mais ce groupe est resté très minoritaire et peu centralisé. Incorporé de force dans l’armée, Liebknecht prononce, le 1er mai 1916, un discours public contre la guerre à Berlin, ce qui entraîne son arrestation immédiatement et son emprisonnement. Rosa Luxemburg, elle, était déjà en geôle depuis 1915.

En avril 1917, alors que la révolution a éclaté en Russie, l’aile gauche de la social-démocratie allemande, de plus en plus hostile à la guerre, a fondé l’USPD (Parti social-démocrate indépendant). Les spartakistes sont membres de l’USPD tout en publiant leur propre littérature.

A l’inverse de la Russie où une fraction bolchevique du Parti social-démocrate a existé, autour de Lénine, de 1903 à 1912 (date à laquelle la fraction s’est transformée en Parti bolchevique), il n’existait pas, dans l’Allemagne de 1917,de parti révolutionnaire centralisée. L’USPD, à gauche certes du SPD, restait un centre mou et hésitant.

1918 : de la grève générale à la mutinerie de Kiel

Le 28 janvier 1918, une grève générale éclate dans un grand nombre de villes allemandes : Berlin, Hambourg, Kiel, Breslau, Danzig, Mannheim, Munich, Nuremberg,… La grève est interdite et l’état de siège est renforcé. Cela n’empêche pas une nouvelle grève de masse à Berlin du 15 au 17 avril.

Le 22 septembre, le SPD décide de participer au gouvernement. Le 1er octobre, la conférence nationale de la Ligue Spartakus lance un appel à la révolution et à la formation de conseils ouvriers. Karl Liebknecht sort de prison le 20 octobre alors que Noske (SPD) déclare au parlement : « Dans les circonstances actuelles, nous considérons la collaboration des social-démocrates au gouvernement comme un acte nécessaire pour prévenir l’écroulement ».

Le 30 octobre, à Kiel, alors que la flotte de guerre allemande s’apprête à appareiller, les matelots de plusieurs cuirassés se révoltent et éteignent les chaudières. L’état-major envoie des torpilleurs contre les mutins : 400 mutins sont arrêtés. Mais l’agitation se répand comme une traînée de poudre auprès des autres matelots.

Le 4 novembre, il y a 20.000 révoltés à Kiel et les drapeaux rouges flottent partout. Seul le navire Kônig arbore encore les couleurs impériales. Les matelots des autres unités de la flotte demandent que ce pavillon soit amené.

Le commandant du König refuse et les fait mitrailler. Le commandant et un autre officier sont tués. Le König arbore désormais le pavillon rouge et tous le pouvoir passe au conseil des ouvriers et des soldats ! Lorsque Noske arrive à Kiel, où il comptait faire reprendre leurs places à bord aux matelots révoltés, il s’aperçoit qu’il arrive trop tard. Il change alors de tactique en se plaçant à la tête de la révolution et en prenant le titre de gouverneur de Kiel.

La révolution met fin à la guerre

La révolution s’étend à tout le pays. Le 6 novembre à Hambourg, 70.000 ouvriers sortent des usines et se rassemblent pour adopter un programme révolutionnaire. Ils décident d’arrêter l’état-major et de s’emparer d’une imprimerie. Le 7 novembre, des conseils ouvriers apparaissent à Wilhelmshaven, Hanovre, Cologne et Munich. Le 8, le mouvement s’étend à toutes les grandes villes du pays.

Le 9 novembre à Berlin, d’immenses masses ouvrières sortent des usines et occupent le centre ville. La police n’offre aucune résistance et abandonne ses armes. Au grand quartier-général, l’empereur Guillaume II se résigne à abdiquer. Les dirigeants du SPD (Ebert, Scheidemann) mettent tous leurs soins pour confisquer le bénéfice de la révolution.

Ils proposent à l’USPD de former un gouvernement en commun. Trois ministres USPD, siègent au gouvernement aux côtés du SPD. Au cours de la nuit, Scheidemann obtient du Prince Max de Bade de se faire nommer chancelier du Reich en promettant qu’il y aura une assemblée nationale. A deux heures du matin, Scheidemann proclame la « République allemande » devant le parlement (Reichstag).

Quelques heures plus tard, devant une foule ouvrière, Karl Liebknecht proclame du balcon du Château (non loin du Reichstag) la « République socialiste libre d’Allemagne ». L’épreuve de force entre le SPD et les révolutionnaires est désormais engagée.

Le 10 novembre, alors que Guillaume II s’enfuit en Hollande, Ebert prend la présidence du conseil des commissaires du peuple et se met en rapport avec l’état-major afin de lutter contre le « bolchevisme ». La décision est prise de signer l’armistice pour désamorcer le mouvement révolutionnaire.

La signature de l’armistice, vécue comme une capitulation par la caste militaire et l’abdication de l’empereur ont bouleversé les cartes politiques pour la bourgeoisie qui compte utiliser le SPD pour éteindre l’incendie de la révolution.

Messages

  • Le mouvement ouvrier allemand et la guerre

    En août 1914, le Parti social-démocrate allemand (SPD) a voté les crédits de guerre et a basculé dans le chauvinisme.

  • Le 15 janvier 1919, à Berlin, l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg portait un dernier coup mortel aux soulèvements révolutionnaires qui, depuis plusieurs semaines, embrasaient l’Allemagne.

    L’HOMME qui prit les dernières dispositions en vue du meurtre de Karl et de Rosa, un certain commandant Waldemar Pabst, siégeait alors à l’hôtel Eden, à Berlin, où était installé l’état-major de la division de cavalerie de la garde. Des extraits des Mémoires qu’il avait entrepris d’écrire sont maintenant révélés. La rédaction de cette autobiographie resta inachevée, Pabst étant mort en 1970, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Dans les fragments connus aujourd’hui (1), Waldemar Pabst rapporte qu’il avait agi sur l’injonction directe du personnage qui, en janvier 1919, commandait les troupes gouvernementales allemandes, le dirigeant social-démocrate Gustav Noske.

    S’adressant à Pabst, Noske lui avait en effet clairement demandé d’intervenir contre Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. « Il faut que quelqu’un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d’état de nuire », s’était-il écrié.

    Waldemar Pabst fit alors appréhender Karl et Rosa. Ils lui furent livrés à l’hôtel Eden. Pabst écrit : « Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. Qu’il faille les tuer, ni M. Noske ni moi-même n’en avions le moindre doute ».

    Pabst appela Noske au téléphone pour le consulter. « S’il vous plaît, donnez moi des ordres m’indiquant comment procéder. »

    " Comment ? » répondit Noske. « Ce n’est pas mon affaire. C’est au général (probablement von Lüttwitz) de le dire ; ce sont ses prisonniers ».

    Selon un autre témoignage (2), Pabst aurait objecté qu’il n’obtiendrait rien de von Lüttwitz. Et Noske aurait conclu : « Alors, à vous de prendre la responsabilité de ce qu’il faut faire ».

    Un second document, inédit jusqu’ici, est une lettre que Waldemar Pabst avait écrite à l’éditeur Heinrich Seewald, qui était intéressé à l’éventuelle publication des Mémoires du commandant. On y lit : « Si j’ouvre la bouche après m’être tu pendant cinquante ans, ça va faire un raffut destructeur pour le parti social-démocrate. »

    Dès leur arrivée à l’hôtel Eden, Karl et Rosa y avaient été accueillis par des hurlements injurieux et par des brutalités. Des coups de crosse de fusil avaient blessé Karl au visage et il saignait abondamment.

    Après sa communication téléphonique avec Gustav Noske, Pabst rassembla parmi ses hommes deux commandos de tueurs. Liebknecht fut remis entre les mains du premier que commandait le lieutenant Pflugk-Hartung. Le second, qui était aux ordres du lieutenant Vogel, prit en charge Rosa. A quelques minutes d’intervalle, deux voitures enlevèrent les deux prisonniers et se dirigèrent vers le bois du Tiergarten.

    La première s’arrêta bientôt. Karl fut sommé d’en descendre. Il fut abattu d’une balle dans la nuque. Son corps fut ensuite transporté à la morgue, où on le fit admettre sous la mention : « Cadavre d’un inconnu ».

    Quant à Rosa, dès le départ de l’hôtel Eden, un coup de feu lui perfora la tempe. Au pont de Lichtenstein, elle fut jetée dans le Landwehrkanal. Son corps ne fut repêché que plusieurs mois plus tard, et l’autopsie ne permit pas de dire si les brutalités, le coup de feu ou la noyade furent la cause du décès.

    Les assassins ne furent pratiquement pas inquiétés. Six d’entre eux eurent seulement à comparaître devant un tribunal composé d’officiers prussiens qui acceptèrent sans difficulté la version selon laquelle Karl Liebknecht aurait été tué « au cours d’une tentative de fuite », et Rosa, victime d’un « septième homme » inconnu.

    Gustav Noske qui, entre-temps avait été nommé ministre de la Reichswehr, n’avait plus rien à redouter d’une « enquête » ainsi bâclée.

    Le chien sanguinaire

    Qu’il ait fallu mettre au compte de Noske l’effroyable répression opposée à la révolution allemande de 1918, nul n’en pouvait douter. Il avait déclaré lui-même à l’époque : « Il faut que quelqu’un soit le chien sanguinaire, et je n’ai pas peur de cette responsabilité. »

    Le dernier article de Karl Liebknecht, écrit quelques heures avant sa mort et intitulé « Malgré tout », accusait d’ailleurs explicitement Noske. Karl écrivait : « La bourgeoisie française a fourni les bourreaux de 1848 et de 1871. La bourgeoisie allemande n’a pas à se salir les mains ; les sociaux-démocrates accomplissent sa sale besogne ; son Cavaignac, son Gallifet s’appelle Noske. »

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