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Le Vatican = combien de ... milliards ?

mercredi 8 juillet 2009, par Robert Paris

LE PAPE BENOÎT XVI, le 6 octobre 2008 :

« La fin du Sermon sur la Montagne, le Seigneur nous parle des deux possibilités de bâtir la maison de sa vie : sur le sable et sur la roche. Sur le sable ne bâtit que celui qui bâtit sur les choses visibles, tangibles, sur le succès, sur la carrière, sur l’argent. Telles sont apparemment les vraies réalités. Mais tout cela, un jour, disparaîtra. Nous le voyons aujourd’hui dans la faillite des grandes banques : cet argent disparaît, il n’est rien. Aussi toutes ces choses, qui semblent être la véritable réalité sur laquelle compter, ne sont qu’une réalité de deuxième ordre. Celui qui bâtit sa vie sur ces réalités, sur la matière, sur le succès, sur tout ce qui apparaît, bâtit sur du sable. Seule la Parole de Dieu est le fondement de toute la réalité, elle est aussi stable que le ciel, plus stable que le ciel, elle est la réalité. Nous devons donc changer notre concept de réalisme. »


La banque du Vatican au hit parade des dix destinations les plus utilisées pour le blanchiment d’argent.

Selon une source internationale, le Vatican est le principal destinataire de plus de 55 milliards de dollars US d’argent sale italien et se place à la huitième place des destinations utilisées à travers le monde pour le blanchiment d’argent, devant des paradis fiscaux comme les Bahamas, la Suisse, ou le Liechtenstein. Une enquête récente du "London Telegraph" et du "Inside Fraud Bulletin", cite la Cité du Vatican comme étant un des principaux Etats "cut out" au même titre que des paradis fiscaux tels que Nauru, Macao et l’Ile Maurice. Un Etat "cut out" est un Etat dans lequel la législation sur le secret bancaire rend impossible la traçabilité de l’origine des fonds qui y sont déposés.

La Banque du Vatican tente désespérément de s’opposer à une plainte en justice déposée par des survivants serbes et juifs de la Shoah devant la cour fédérale de San Fancisco ( Affaire "Alperin contre la banque du Vatican") et visant à obliger à rendre compte de fonds spoliés lors de la Deuxième Guerre Mondiale. S’opposant à ces accusations l’avocat de la Banque du Vatican, Franzo Grande Stevens a déclaré sous serment devant la Cour, que la "raison d’être fondamentale [ de la Banque du Vatican ] est de promouvoir des actes de piété" et que ses clients dépositaires sont "essentiellement des employés de l’Etat de la Cité du Vatican, des membres du Saint-Siège ; des congrégations religieuses ainsi que des personnes déposant des sommes destinées pour une part au moins à des oeuvres de piété".

Stevens a également déclaré à la cour que la Banque du Vatican est sous le contrôle du Pape et que les registres de la Banque ne sont conservés au-delà d’une période de dix ans .
Il semblerait que la Banque du Vatican utilise l’image positive du Pape Jean Paul II pour masquer une opération de blanchiment d’argent de grande envergure .La Banque du Vatican a déjà été accusée par le passé d’heberger des fonds spoliés par les Nazis et est actuellment soupçonnée d’entretenir des liens avec le milieu du crime organisé en conséquence le moment où elle devra rendre des comptes semble ne plus être loin .Les preuves s’empilent et tendent à démontrer que des activités de la banque s’apparentaient plus à des actes de piraterie que des oeuvres de piété.
Le patrimoine mobilier du Saint-Siège est géré par l’APSA Son patrimoine immobilier, bien que lui aussi couvert par le secret, étant matériel est plus facile à déterminer.

Les 44 hectares proprement dits du Vatican (constitués par des appartements, les musées, les jardins, et la basilique Saint-Pierre), ainsi que 688.000 m² de terrains construits à usage administratif, plus les universités pontificales, plus les quelques 40 hectares de la villa d’été du pape à Castelgandolfo, plus encore 550 hectares d’exploitations agricoles, 200 hectares en bordures de mer et 1.200 hectares en périphérie de Rome, constituent ce que l’on appelle l’extraterritorialité du Vatican et échappent à la juridiction italienne. Il n’en va pas de même pour les 325 ordres féminins (19.812 membres) et les 87 ordres masculins (5.730 membres) représentés à Rome, avec 600 maisons-mère, 306 paroisses, 30 cloîtres et 1.700 communautés, qui possèdent d’énormes propriétés dont une bonne part est constituée par des immeubles de rapport. Ces propriétés ne sont pas - s’en étonnera-t-on ? - recensées comme telles, mais sont enregistrées auprès du cadastre de l’Etat italien sous les dénominations les plus diverses comme : chapitres, confraternités, archiconfraternités, congrégations, vicariats, provinces ecclésiastiques, diocèse, archidiocèse, basiliques, archibasiliques, secrétariats, hospices, athénées, collèges, instituts, procures, cures, fondations, sociétés, oeuvres pieuses, missions, personnes morales gérées par des congrégations, maisons d’exercices spirituels, conservatoires, séminaires, comités, etc. Une véritable jungle de noms et prête - noms - car il faut savoir qu’une ’maison pieuse’ n’entre pas dans le même registre qu’une ’pieuse maison’...

Quelques exemples : le Collège ecclésiastique belge possède un grand immeuble face au palais présidentiel ; les soeurs de Notre Seigneur de Namur, deux immeubles pour un total de 43.000 m’ dans une zone centrale de la ville ; tandis que l’Ordre Hospitalier de Saint-Jean détient l’entièreté de l’île sur le Tibre. Ces propriétés sont dites improductives, et le sont au moins en partie, puisqu’elles servent à l’exercice des ordres mentionnés (tout comme les 792 instituts d’éducation et les 325 maisons de bienfaisance dispersés dans la cité).

Spéculation

Sous cette réalité en apparence inoffensive, se cache en fait ce qui a été souvent dénoncé comme le premier empire immobilier de Rome. Selon certaines estimations, il couvrirait un quart de la superficie de la capitale et équivaudrait à plusieurs centaines sinon milliers - de millions de dollars. Car il faut, en plus de ce qui est enregistré, compter avec les ’fraudes pies’ (l’attestation à un prête-nom de biens de l’Eglise) et les ’fraudes impies’ de fait de privés qui, pour échapper aux taxes italiennes, attestent formellement leurs biens au nom d’un ordre) dont bénéficient aussi bien laïcs que religieux. Un jungle, disions-nous, où un terrain peut appartenir à une communauté et la construction qui y est posée à un autre. Où la plupart des biens ne sont déclarés que pour une valeur symbolique et, étant réputés à fin de culte de religion, d’instruction, d’assistance, d’apostolat, d’évangélisation des infidèles et de miséricorde, bénéficient d’exemptions fiscales généralisées (conquises, de droit ou de fait, avec la complicité du pouvoir démocrate-chrétien), de contributions extraordinaires (censés, décimes du culte, etc…), d’exemption de la ’main morte’ (taxe sur la succession des sociétés), de subventions communales pour l’entretien des édifices du culte, d’exonération sur le matériel de construction et sur la valeur ajoutée aux immeubles, de libertés douanières, du paiement retardé de la TVA, de l’exemption des taxes professionnelles et même d’aides au ’clergé nécessiteux’. Pour ne citer que quelques banales facilités. Ce qui permet au Saint-Siège (toujours, s’entend, sous les dénominations les plus hétéroclites) de se lancer sans contrôle extérieur dans des opérations de vente et achat de ’biens pour catéchumènes et novices’ avec des banques et sociétés financières toutes plus ou moins liées au Vatican. Et ce sur la foi d’expertises qui lui sont, comme par hasard, toujours favorables.

Sans oublier le système des dévolutions, par lequel sont restitués au Saint-Siège, à terme déterminé, des biens affectés à des congrégations. Et les legs exécutés ’en échange du paradis’, qui doivent pourtant être concordés de fois en fois avec le gouvernement italien (ce qui donne une dimension de l’importance, pour le Vatican, de la collusion avec les politiciens).

En dehors des revenus du portefeuille de titres géré par l’APSA et des spéculations immobilières, le Saint-Siège bénéficie, en tant qu’entrée de capitaux frais, du Denier de Saint-Pierre récolté une fois par an partout dans le monde.

Témoin d’une tradition séculaire, de Denier fut remis à l’honneur après 1870 et connaît actuellement une tendance notable à la baisse : les intérêts conservateurs du Saint Siège et sa participation dans des opérations économiques peu ’chrétiennes’ ont largement contribué à lui faire perdre de sa crédibilité. Les fidèles se montrent moins généreux, ce qui pousse le Vatican dans d’autres opérations encore moins claires, etc. Un inévitable cercle vicieux, tandis que le Denier continue à être présenté comme l’unique ressource du pape, laquelle s’élevait, en 1978, à 4 ou 5 millions de dollars (ces chiffres sont certainement manipulés : nous avons déjà vu, en parlant du bilan du Vatican, qu’ils ne font que couvrir dollar par dollar les déficits annoncés et les comptes demeurent ainsi toujours miraculeusement en équilibre).

Il y a encore la question de la’pars congrua’ ou portion congrue, qui est le véritable prix payé par l’Etat italien depuis cinquante ans en échange de la paix religieuse. Héritage des prébendes moyenâgeuses, elle est ce qui a subsisté de la loi sur les Garanties (1871) refusée par le Saint-Siège : considérant la logique selon laquelle un prêtre a ’charge d’âmes’, donc remplit une fonction publique, l’Etat lui consent un subside si ses revenus se situent en-dessous du minimum vital.

En manipulant le découpage des provinces ecclésiastiques, des diocèses et des paroisses, la Conférence épiscopale italienne est parvenue à multiplier le nombre des prêtres dans le besoin. Sur 29.000 ecclésiastiques, les ayants-droit sont actuellement 25.000. Le calcul de la portion congrue intègre le rendement des ’bénéfices, (ils sont au nombre de 30.000, dont 740.000 hectares de fermage en Ombrie, Emilie et Toscane - certains religieux en tirent de grosses rentes, comme don Lorenzo Pugi prévôt de San Pietro Mercantale, bénéficiaire d’une des plus rentables entreprises vinicoles du Chianti). Le minimum vital a été fixé en 1974 : 735.000 Lire pour un curé, 2.960.000 Lires pour un évêque, et 3.150.000 Lires pour un titulaire de siège métropolitain. En tenant compte de l’indexation, un curé empoche aujourd’hui un peu moins de 1.000.000 de Lires, soit l’équivalent du traitement d’un employé. L’ensemble de la ’pars congrua’ grève le budget italien de 310 milliards de Lires. Ces revenus, bien entendu, ignorent les gains non déclarés des prêtres : offrandes, baptêmes, communions solennelles, mariages, funérailles, etc.

Selon le ’nouveau’ concordat, l’année 1990 marquera la fin du régime de la portion congrue (qui, cette même année, coûtera 470 milliards de Lires à l’Etat). A sa place, entreront en fonction trois cents Instituts diocésains pour le soutien du clergé, dirigés par un Institut central, et chargés de réunir les anciens ’bénéfices’, de les rentabiliser, et d’en distribuer le fruit. La Conférence épiscopale italienne fixera dès lors le traitement des religieux. Ces modifications, avant d’être négociées par le concordat, étaient déjà inscrites dans le nouveau droit canon (1983) : par conséquent, l’Etat italien s’est trouvé devant un fait accompli, qu’il ne pouvait qu’accepter désormais, s’autofinançant d’une autre innovation : l’Eglise italienne, sera. un système de déduction fiscale (2.000.000 de Lires par an) semblable à celui en vigueur aux Etats Unis et en Allemagne fédérale, assorti de l’attribution de 0.8 % de l’impôt sur les revenus des personnes physiques, permettra à chaque contribuable qui en fait la demande d’attribuer une part de ses revenus à l’Eglise Tandis que les chapelains, les deux cent mille enseignants de religion, et le patrimoine culturel demeurent à charge de l’Etat.

Le nouveau système rendra l’Eglise plus libre face à l’Etat. La gestion en propre de ses biens de rapports lui conférera une plus grande facilité de manoeuvre et augmentera la dépendance du prêtre à la hiérarchie (qui, décidant de ses revenus, contrôlera sa position), tout en rendant leur lustre aux rapports de vassalité : une autre ’restauration’ qui vaut bien quelques éventuels sacrifices financiers en cette époque de fronde post-conciliaire.

D’autre part, la gestion en propre élève à nouveau l’Eglise au rang d’entité économique indépendante, ce que la législation de 1870 voulait éviter. Sans compter que les nécessités de l’autofinancenient induirent de la part du clergé un discours beaucoup plus persuasif, un appel constant à la responsabilité des fidèles, et donc une plus grande rigidité dans leur encadrement.

On fait aussi remarquer que le système de déduction fiscale permettra le fichage systématique des citoyens en deux catégories : les catholiques et les non-catholiques. Tandis que la gestion unifiée des Instituts diocésains entraînera une concentration ultérieure des biens ecclésiastiques qui, en 1870, avaient été atomisés pour échapper au contrôle de l’Etat. Et concentration signifie, dans tous les cas, pouvoir.
’Les biens du peuple de Dieu’, comme dit le cardinal Anastasio Ballestrero, seront plus que jamais monopolisés par une élite entretenant cette confusion où l’on voit une communauté, l’Eglise soutenue par une autre communauté (l’Italie) dont elle déclare à tous les effets ne pas faire partie.

LES FINANCES SECRETES

Valeurs boursières

On peut affirmer que le Saint-Siège, à travers les siècles et par un lent et silencieux travail de thésaurisation a su accumuler richesses dont l’existence exige une gestion adéquate. Mais les pratiques économiques sont souvent peu morales : et alors, afin de sauvegarder sa réputation, le Saint-Siège se voit poussé à ne révéler qu’une partie des opérations qu’il lance et à faire disparaître les autres dans ce qu’il est convenu d’appeler les ’finances secrètes’.

Le mode de gestion des richesses, au Vatican comme ailleurs, s’adapte bien évidemment aux structures économiques du temps et du lieu - actuellement le Saint-Siège met-il l’accent sur les valeurs boursières, fluides, anonymes et dissimulables à souhait et qu’il fait manipuler sur le marché par des intermédiaires de confiance.

La tendance est à l’élimination de certains titres (pharmacie, armement, cinéma) jugés ’indécents’, de la participation dans les sociétés immobilières, et à la concentration sur les ’utilités’ (produits chimiques, assurances, banques, etc). Le Vatican cherche aussi à désinvestir en Italie, vu le cours défavorable de la Lire, au profit de l’étranger (ce qui correspond, entre autres, à l’internationalisation de l’Eglise) en visant partout à des participations minoritaires pour éviter tant risques que critiques.

Ces opérations sont, comme nous allons le voir, en majeure partie réalisées par l’Institut pour les Oeuvres de Religion (IOR) en étroite relation avec les paradis fiscaux des Bahamas, du Lichtenstein ou du Luxembourg, et l’industrie et la finance catholiques du monde entier.

La politique économique du Vatican trouve son origine dans les changements socio-politiques du début de notre siècle : le pape venait juste de perdre les 1.300 km2 de ses territoires qui divisaient la péninsule italienne d’Est en Ouest, empêchant matériellement son unification (laquelle n’était intervenue, pour la première fois depuis le Moyen-Age, qu’en l’année 1870). Une perte qui n’était qu’en partie compensée par les ressources du Denier de Saint-Pierre, alors que la nouvelle bourgeoisie accédant au pouvoir se montrait indifférente sinon hostile à l’Eglise. Le Nord du pays commençait à s’industrialiser. Une première tentative de concentration capitaliste avait tourné court : les frères Jacobs ’fervents catholiques proches du parti chrétien belge’ et propriétaires de la Banque vait qu’enregistrer l’état de fait. Le Vatican, afin de mieux monopoliser l’expansion urbaine, s’assura encore le contrôle des services publiques : tramways, eau, gaz, électricité.

Cette fois, le Saint-Père était lancé dans le monde de la haute finance. C’était le temps de Léon XIII qui réforma et centralisa l’administration économique du Vatican et créa une caisse secrète qui allait, plus tard, devenir le IOR. Léon XIII devait se heurter de front au gouvernement belge du Frère Orban franc-maçon et radical, ayant en 1880 laïcisé l’enseignement. Un acte qui détermina une interruption de quatre ans dans les relations diplomatiques entre le Vatican et la Belgique, sans pourtant que le problème fut réglé (l’on se souviendra de la guerre scolaire’, combattue au nom de principes similaires à la fin des années ’50).

Afin de mieux pénétrer dans la spéculation immobilière, le Vatican se munit d’une part de la Societa Generale Immobiliare (que nous retrouverons plus loin) et entre en affaires avec l’Union Générale, une banque française qui, après une escroquerie aux dommages du Saint-Siège, tombera en faillite (en cela, dit-on, "aidée" par les Rothschild). Echaudé le Vatican se replie alors sur le Banco di Roma un nouvel organisme financier il assure tout de suite la moitié du capital, et commence une politique de concentration des moulins et fabriques de pâtes. Ce qui lui permettra, plus tard, de contrôler le prix du pain à Rome.

Rerum Novarum

La caution morale et idéologique de ces opérations est fournie par l’encyclique Rerum Novarum oeuvre de Léon XIII par lequel celui-ci s’élève contre le monopole des luttes sociales par la gauche et rappelle à l’ordre le clergé progressiste dont les idées risquent de se répandre comme une traînée de poudre dans les colonies et les régimes absolutistes bien vus par le Saint Siège. La condamnation de la ’nouvelle hérésie de l’Eglise du Nicaragua par Joseph Ratzinger, et dont il a déjà été question, relève de cette même philosophie.

Ceci, pour justifier la lutte féroce que les financiers mandatés par le Vatican livrent en ce début du siècle aux opérateurs économiques laïques. Rerum Novarum s’étend parallèlement sur quelques thèmes politiques - le salaire est un droit des travailleurs et non pas une marchandise ; corporatisme et ouvriérisme de droite sont les meilleures formes de défense de ces travailleurs ; l’Eglise veille à la justice et défend les pauvres.

Le contenu du manifeste navigue à égale distance entre le conservatisme et le modernisme. C’est sur lui que s’appuyeront les catholiques du Nord de l’Italie pour fonder leurs coopératives agricoles et leurs instituts de crédits encore aujourd’hui en activité. Il servira encore de base à la constitution du premier parti politique de la péninsule, le Partito Popolare qui, après l’éclipse du fascisme, deviendra la Démocratie Chrétienne pour continuer la politique vaticane de l’opposition entre Nord et Sud de la péninsule, entre libéraux et catholiques selon le vieil adage ’diviser pour régner’qui lui permet de demeurer majoritaire au Parlement (on notera que le ’non expedit’ ou interdiction de vote imposée aux catholiques ne sera levé qu’au début de notre siècle -quand, justement, le Saint-Siège se sera doté d’une structure politique efficace à travers le Partito Popolare et que plus tard les facilités économiques consenties par le régime fasciste (premier concordat) le mettront en mesure de financer la future Démocratie-chrétienne).

La première spéculation immobilière à Rome n’est qu’un feu de paille : la débâcle survient brutalement en 1887. Les organismes financiers avaient périlleusement construit un édifice de lettres de change se garantissant l’une l’autre et les banques étrangères, alarmées, demandent des comptes. Les faillites se suivent et se ressemblent (en un an, 229 des 407 chantiers de construction seront abandonnés). Les titres de la Generale Immobiliare s’effondrent. Mais qu’importe : par l’entremise d’hommes politiques de confiance, le Vatican obtient une généreuse intervention de l’Etat redresse sa situation, et l’Immobiliare qui l’a échappé belle se retrouve au début du siècle nouveau à faire la pluie et le beau temps dans le milieu de la construction.

Petit à petit les francs-maçons, ces anticléricaux viscéraux, abaissent pour leur part la garde : le Saint-Siège s’est désormais constitué en un solide consortium capitaliste et la bourgeoisie libérale, à l’esprit toujours pratique, trouve en lui un allié objectif. L’urgence de l’entente est dictée par l’avènement d’un ennemi commun . le prolétariat urbain, rouge et athée, contre lequel bourgeoisie et Eglise vont tout faire pour dresser les paysans catholiques.

Ernesto Pacelli

Un des grands opérateurs économiques de la conversion du Saint-Siège en entité capitaliste fut Ernesto Pacelli. Issu d’une famille de fonctionnaires du Vatican, neveu de cardinal, cousin germain du futur Pie XII, il devient conseiller financier du pape à 33 ans, en 1891 (l’armée même de la rédaction de Rerum Novarum et président de la Banco di Roma en 1903. Spécialiste des manoeuvres en coulisses, il sut placer les capitaux du pape dans des positions-clé de l’économie italienne et internationale. Une de ses fameuses opérations, qui devait faire école, est celle de l’augmentation du capital de la Banco di Roma : il se livre d’abord à une réduction de la moitié de la valeur des actions mises en circulation puis, après quelques passages dans les livres de comptes, émet de nouveaux titres qu’il ’vend’ au pape en échange d’une hypothèque sur des immeubles pontificaux, Le fait que ces actions soient dans les mains du souverain pontife en augmente la valeur spéculative. Il ne reste alors à Pacelli qu’à les mettre sur le marché en réalisant de forts bénéfices. Seuls n’avoir pas été prévenus de la complexité de la maneuvre, les petits actionnaires feront les frais de la réduction initiale du capital.

Ernesto Pacelli lança par la suite les tentacules de la Banco di Roma en France, au Portugal, en Espagne, et perfectionna la technique des ’fraudes pies’ en réponse aux lois italiennes interdisant à l’Eglise de posséder certains biens (et qui s’inverseront en ’fraudes impies’ quand l’Etat fasciste, en 1929, restituera ce droit au Vatican) .

Pacelli devait perdre tout crédit - au Vatican comme au-dehors lors de l’affaire de la Lybie. Il avait favorisé les investissements de la Banco di Roma dans cette région alors partie de l’empire ottoman et où les Italiens, sous la bannière d’une ’pénétration pacifique’, s’occupaient avant tout de prospection minière. Mais les profits tirés de ces activités semblaient trop bas à Pacelli qui voulait mettre directement la main sur les richesses du pays. Il finança donc une campagne de presse destinée à ’provoquer l’événement’ et à raidir le gouvernement italien dans son opposition à l’empire ottoman. Tant et si bien qu’une guerre fut réellement déclarée : connue sous le nom ’d’expédition de Lybie’, elle dura une année (jusqu’en octobre 1912) et se voulut une imitation de la politique coloniale des grandes puissances, une ’nouvelle terre sainte’, et ’la croisade du XXème siècle contre les infidèles’. L’ivresse ainsi exprimée par l’Osservatore Romano dura peu. Les belligérants concurrent une semi-débacle réciproque et les alliés de l’Italie, qui n’étaient pas encore prêts à entrer dans la première guerre mondiale, la forcèrent à verser des réparations aux Turcs. L’Etat dût encore prendre en charge la majeure partie des pertes de la Banco di Roma, donc du Vatican, qui s’était poussé en première ligne (se permettant, entre autres, de spéculer sur les fournitures aux armées et, sur le prix des chameaux).

La peu glorieuse initiative sonnait le glas de la participation majoritaire du Saint-Siège dans l’organisme financier. Il liquidait ses actions et Ernesto Pacelli était contraint de se retirer. Ce qui ne signifie certes pas que le Vatican abandonnait la place nanciere : aujourd’hui encore, tous les dirigeants de la Banco di Roma sont étroitement liés à la Démocratie Chrétienne et servent, à quelque distance, les intérêts du pape.

Sautons un demi-siècle d’histoire : rien à dire de la période du fascisme, si ce n’est qu’après une brève période d’anticléricalisme, Mussolini prêta à Pie XI, puis à Pie XII, un appui en tous points rendu. Car fascisme et Eglise avaient en commun l’éternel ennemi (la ’subversion rouge’), l’idéologie (ordre et discipline, hiérarchie et main de fer pour ’moraliser la nation’) et la doctrine sociale de corporatisme). Le premier concordat, résultat de ce rapprochement, fut étendu à toutes sortes de privilèges de fait par une interprétation immanquablement favorable au Saint-Siège - des privilèges durs à mourir, puisque maintenant encore ils déterminent la capacité du Saint-Siège d’agir à Rome et autre part (notamment dans le domaine immobilier, cela a été dit) comme s’il possédait toujours la souveraineté absolue sur le territoire et les sujets.

Durant les années cinquante, l’Italie se relevait lentement de ses blessures avec l’aide des capitaux étrangers qui commençaient à y affluer. La Démocratie Chrétienne, nouveau parti du pouvoir, allait servir de’bras séculaire’ à l’Eglise en confirmant ses privilèges - non sans quelques incongruités : le statut de prince du sang et la ‘personnalité sacrée et inviolable’, niés à l’ex-famille régnante, sont accordés par la République respectivement aux cardinaux et au pape. D’ailleurs, un dicton ne disait-il pas que, du fascisme et de l’Eglise, seule l’Eglise avait quelque chance de survivre ?

Dans le domaine de l’immobilier, c’est le temps de l’argent facile, des capitaux à fonds perdus déversés sur l’Europe occidentale par le Plan Marshall et assortis d’une seule condition : qu’ils servent à faire front à l’avance du communisme. Une lutte, celle-là, très sensible en Italie et qui a toujours eu le Vatican en première ligne. Ce qui le désigne comme bénéficiaire prioritaire des largesses américaines.

La Societa Generale immobiliare, plus que jamais active, monopolise le marché direct et indirect des terrains et des immeubles. Elle dirige l’expansion de la métropole vers la périphérie : sur ce qui furent les ’bénéfices’ concédés aux familles de la noblesse ’noire’, et qui depuis 1870 sont devenus les propriétés privées de ces mêmes familles, elle constitue des consortiums, projette des cotisations achète 10 ce qu’elle revend 1.000, et fait pousser des cités dortoirs (aujourd’hui encore dépourvues de tout service).

La Commune, dirigée par la Démocratie-chrétienne, trace les rou et délivre les autorisations. z Le procès verbal d’un conseil d’administration de l’Immobiliare énonce : "Dans l’avenir, la Commune de Rome devra se montrer compréhensive à l’égard de l’Immobiliare, la laissant appliquer le plan régulateur comme elle l’entend. L’Immobiliare possède les moyens (architectes, techniciens, urbanistes, etc…) aptes à conférer à Rome le développement qui convient à une cité de sa tradition." La leçon est écoutée. Les affaires vont bon train. Rome a été, soit, consignée à l’Italie naissante qui a eu l’outrecuidance d’en faire sa capitale. Mais elle a été par la suite - et est encore - saccagée par les bons soins du Vatican, au nom sans doute d’une trouble vengeance. Et au nom du profit.

Michele Sindona

Une autre histoire de pouvoir : celle de Michèle Sindona . Quand il entre en scène, à la fin des années soixante, le Vatican connaît un manque chronique de liquidité. l’APSA a dû se résoudre à diminuer ses subventions à la presse catholique. L’Eglise s’élargit, et elle a besoin de moderniser ses moyens de communication, sa propagande. Elle doit faire face aux (timides) revendications salariales de son personnel laïque. Les multinationales grignotent son espace d’action financière. Tout cela coûte à qui ne sait s’adapter. De plus, l’Etat italien a, en 1968, réintroduit par surprise l’impôt sur les dividendes du portefeuille de titres possédé par e Saint-Siège (son exemption était un de ces privilèges acquis sous le fascisme). Paul VI, le pape d’alors, cherche à diversifier et à exporter les investissements. Une décision s’impose : pour transformer son entreprise selon les critères du néo-capitalisme, il doit faire appel à des financiers laïques rompus aux techniques de la bourse et de la finance internationales.

Michel Sindona sera ce premier technicien. Avocat, né en 1914 en Sicile, transposé à Milan à la fin des années ’40, de banquier il se fait conseiller fiscal et s’occupe ensuite de vente de sociétés, ce qui lui permet de prendre le contrôle d’une banque de crédit, la Privata Finanziara En 1958, par un parent proche de la curie, il entre en contact avec Massimo Spada alors secrétaire de l’APSA et encore aujourd’hui conseiller de nombreuses sociétés, dont la Banco di Roma Spada grand bourgeois de tradition, écoute le "génie de la finance" Sindona qui lui propose de pourvoir à la vente de la Genrale Immobiliare (elle était entrée en possession de l’immeuble du Watergate à Washington et de l’Hôtel Meurisse à Paris).

Un accord est conclu en 1969 entre Spada et Sindona avec lequel il est d’autre part entré en affaires et dont les propriétés s’étendent désormais jusqu’aux USA. Massimo Spada est entretemps devenu gentilhomme de Sa Sainteté, une fonction honorifique qui survit au glorieux passé de la cour du pape roi et est incluse dans le rôle de la Famille Pontificale. Sindona s’engage formellement comme intermédiaire, puis comme acquéreur dans l’opération sur l’Immobiliare les émailleries Genovesi les céramiques Pozzi (en faillite), et sur la Condotte d’Acqua (qui assure une bonne partie de la distribution d’eau dans la capitale). Toutes ces sociétés sont bien entendu propriété du Vatican. Massimo Spada prudemment, délègue sa signature au prélat Sergio Guerri responsable de l’APSA

Malgré un premier paiement, l’accord est bientôt conteste : par Giovoanni Benelli d’abord, le substitut du Secrétaire d’Etat et par Giuseppe Caprio successeur de Guerri (passé au Governatorato à la tête de l’Apsa. Caprio élève des doutes quant à la ’solidité’ de Sindona - lequel cherche et trouve un nouvel appui en la personne de l’archevêque Paul Marcinkus

I.O.R.

Marcinkus d’origine lituanienne, s’est formé à la diplomatie vaticane après une rapide ascension dans l’Eglise américaine. L’ amitié qu’il lia avec l’abbé Pasquale Macchi secrétaire particulier du pape, lui permit d’entrer dans la finance du Saint-Siège et de prendre le relais, dès 1971, du cardinal De Jorrio grand comptable à l’ancienne manière (avec un penchant marqué pour les mauvais investissements). L’entregent de Marcinkus lui vaut aussi, un temps, de s’occuper de l’organisation des voyages du pape (tâche maintenant confiée à Robert Tucci le directeur de la radio vaticane.

Au départ Marcinkus qui n’y connaissait pas grand-chose en économie, se montre avide des conseils dispensés par le ’génie’ Sindona. Avec celui-ci, il comprit vite que le pape avait besoin d’un instrument financier exclusif et efficace, capable de fournir au Saint-Siège la liquidité dont l’Eglise universelle avait un urgent besoin. Cet instrument sera le IOR à la direction duquel Marcinkus parvint sans encombre.

L’institut des Oeuvres de Religion, fondé en 1942 pour englober les finances secrètes héritées de Léon XIII est une société de droit canon (et à ce titre, elle échappe à la législation italienne) qui gère les dépôts ’destinés aux oeuvres de religion et de piété chrétienne et, en fait, visant à fuir tout contrôle indiscret. Une dissimulation pieuse et fort rentable protège l’Institut : officiellement, il s’occupe des comptes courants du pape et d’autres honorables déposants ; réalité, il est le canal de toutes les opérations inavouables du Vatican et de qui, en Italie (la banque s’active sur le territoire du Vatican, avec une porte généreusement ouverte sur le territoire italien), désire mettre son argent à l’abri. Rien qui ressemble à une caisse d’Epargne normale : quelques guichets anonymes dans la Cité, un hallebardier à l’entrée, une quinzaine de comptables contraints au secret d’Etat et rigoureusement exclus du syndicat des employés, une atmosphère feutrée où viennent susurrer leurs confidences les représentants d’ordres religieux du monde entier , des comptes attestés à la ’Divine Providence’, au "Sacré-Coeur de Jésus’, etc. Et pourtant, le IOR est un des instituts financiers réputés les plus solides et solvables. Une banque à propos de laquelle Marcinkus se lamentait : ’On parle souvent de nos pertes, jamais de nos gains’ - et pour cause puisque ces gains, et simplement le capital réel de l’Institut sont un des secrets les mieux gardés du Vatican, et que ne parvient au public que l’écho de quelques unes de ses opérations manquées ou franchement malhonnêtes.

C’est alors, notamment, que Sindona vendit à la Sofina belge une société mal en point. L’affaire fut un désastre, et la Sofina réussit, après recours, à récupérer une partie de sa mise.

En résumé, à la fin des années Soixante le couple Sindona Marcinkus file du bon coton : pour Marcinkus, Sindona représente la possibilité d’une ouverture sur le marché financier international. Pour Sindona, Marcinkus possède la clé d’un paradis fiscal installé au milieu de Rome. Dans l’optique d’un homme d’affaires, c’est un rêve ! Même si Marcinkus, plus tard, le niera, il est certain que les deux vivent une ’lune de miel’ émaillée de quelques faits saillants (des ’preuves de fidélité’ ?) comme le règlement du contentieux opposant la famille Feltrinelli au Vatican.

Les Feltrinelli, enrichis d’abord dans le commerce du bois de construction avaient su diversifier leurs activités et créer un véritable empire immobilier dont Giangiacomo, le rejeton, touchait les dividendes pour les investir d’abord dans une maison d’édition et ensuite dans des entreprises beaucoup moins légales. Giangiacomo Feltrinelli cas typique du transformisme de la bourgeoisie aisée, fréquenta les révolutionnaires castristes et les bandes sardes à michemin entre la délinquance et le terrorisme, et fonda les Groupes d’Action Partisane, vague préfiguration des Brigades Rouges financés, cela va de soi, en pompant avec désinvolture dans le patrimoine de la famille (il mourra, en 1972, au pied d’un pilone à haute tension qu’il voulait miner détail macabre : le pilone en question se situe sur un terrain appartenant aux Feltrinnelli ... ). Le fait est qu’en 1965-67, ces choses commençaient à se savoir et que le Vatican, contrôlant la Banca Unione avec les Feltrinelli n’avait aucune envie de se trouver mêlé, de près ou de loin, aux aventures du fils prodigue - mais n’avait pas non plus intérêt à se débarasser de sa part dans la Banca Unione Ne restait alors qu’à "débarquer" les Feltrinelli ce que Sindona, en rachetant les actions de la famille, réalisa en douceur en 1968.

Le IOR avec son réseau de correspondants couvrant toute l’Italie, avait aussi servi au Saint-Siège à faire passer, lors de la Libération, des fonds américains du Sud déjà libéré au Nord du pays, et destinés à aider les juifs et opposants du régime réfugiés dans les énormes fonds qui, sortis d’Italie par l’intermédiaire du IOR vont aller alimenter un vertigineux circuit de sociétés plus ou moins fictives s’achetant et se garantissant l’une l’autre. Et qui réalisent, par la spéculation sur le dollar, des gains impensables.

Au Vatican, où l’argent ne cesse d’affluer, on ferme un oeuil sur les irrégularités commises. C’est aussi à cette époque que Sindona introduit Roberto Calvi auprès des cardinaux. Calvi, comme on le sait, est le futur président de la Banco Ambrosiano qui reprendra les affaires de Sindona. Il finira pendu à Londres en 1982.

Sindona aux Amériques

L’italie commence à être trop petite pour les appétits de Michele Sindona Il se transfert aux USA où, toujours secondé par Marcin il achète la Franklin National Bank pour la somme de 40 millions de dollars. L’un des intermédiaires de l’affaire est Alberto Ferrari, membre de la loge maçonnique P2 et président, entre autres, d’une société financière qui atteindra la ’notoriété’ en 1978 pour avoir servi de canal à la disparition de 17 millions de dollars, pot-de-vin officiel de l’Italie dans la conclusion d’un contrat pétrolier avec l’Arabie Saoudite.

La tentative de Sindona de prendre une participation dans l’American Vetco Industries est entachée de telles irrégularités qu’elle vaudra au IOR de payer une amende de 320.000 dollars au gouvernement américain. Mais qu’à cela ne tienne : l’ascension de Sindona se fait irrésistible. La presse le porte aux nues. Il contrôle maintenant 140 sociétés. Pour renforcer son château de cartes, il joue sur la confiance dont il bénéficie dans les milieux financiers et multiplie les comptes en banque aux Bahamas et au Luxembourg, les double de mandats fiduciaires réservés, et y fait apparaître et disparaître les capitaux qui lui servent dans ses opérations croisées. Même technique en bourse : avec l’aide de complicités dûment payées, il vend et achète des actions de ses sociétés dont la valeur réelle est nulle. Le système est à vitesse de rotation croissante : il ne produit de richesse que si les transactions se multiplient et s’escamotent l’une l’autre. Et il s’écroule sur lui-même s’il n’est pas en permanence réalimenté par de l’argent frais - que Sindona se procure par l’intermédiaire de ses contacts politiques (démocrates-chrétiens avant tout) et ses amitiés vaticanes. Car le IOR se trouve ponctuellement derrière chaque opération de Sindona, soit comme garant, soit comme pourvoyeur de capitaux.

La parabole tracée par Michele Sindona dans le firmament de la haute finance laisse entrevoir la quantité de pouvoir objectif possédé par le Vatican non pas, bien sûr, que Sindona soit à considérer comme une victime, depuis longtemps avait-il montré des dispositions pour les affaires peu claires - mais en confiant son argent à un homme d’affaires spécialisé dans la spéculation, le Vatican contribue à créer chez cet homme une ’ivresse de l’altitude’ ayant un effet explosif dans l’édifice bancaire international, précaire par nature. Depuis l’échec de l’ ’expédition de Lybie le pape et ses conseillers écclésiastiqes n’ignorent pas le risque. Ils ont appris à se retirer à temps. l’ Eglise des pauvres’ se sert du financier le plus habile, et quand celui-ci perd de son habileté, il est désavoué au profit d’un personnage nouveau’ les prétendants n’ont jamais manqué.

Cosa Nostra

Sindona, qui n’est pas lui non plus né de la dernière pluie, tente de protéger ses arrières en diversifiant ses sources d’approvisionnement. Il propose à la Cosa Nostra, la mafia américaine (n’oublions pas que Sindona est sicilien) de très lucratifs investissements. Plutôt que de placer, à grands frais, les bénéfices de ses trafics sur des comptes numérotés en Suisse, la Cosa Nostra en confie une partie à Sindona qui l’insuffle dans son circuit de sociétés-bidon. Pour le banquier, un capital en vaut un autre, pourvu qu’il soit incontrôlable et incontrôlé, et à cet égard, l’argent de la drogue n’a d’égal que celui du Vatican.

Ce dernier contrat avec la Cosa Nostra porte Sindona au sommet absolu et tant convoité. Erreur fatale : quand l’information commence à filtrer, politiciens et écclésiastioques s’empressent de retirer leur appui au financier. La Franklin, mise sous enquête, est bientôt déclarée en faillite frauduleuse pour une perte de 40 millions de dollars sur de mauvaises opérations de change. Sindona tente un redressement, mais ne parvient pas à se débarrasser à temps de l’Immobiliare ni ne réussit quelques unes de ces fusions dont il a le tous malgré l’aide du Banco di Roma (ce qui vaudra à son directeur, plus tard, d’être arrêté pour complicité et occultation de preuves). Tandis que le krach gagne, une à une, toutes les sociétés de l’empire sindonien Conseillé par Licio Gelmli le banquier se retire quelques temps à Taïwan Il est déjà trop tard : le IOR prend ses distances et refuse, brandissant la Raison d’Etat de reconnaître son implication dans les ‘aventures de Sindona’ comme dit Marcinkus (ce qui n’empêchera pas le IOR de récupérer au plus vite 5 millions de dollars dans les caisses à double fond du banquier, ignorant l’interdiction dont elles font désormais l’objet).

Le juge Guidi Viola a écrit : ’L’appui au plan de sauvetage (proposé par Sindona) une véritable escroquerie à charge de la Banca d’Italia et de la communauté nationale, était fourni par de hautes personnalités politiques, en premier lieu par le premier ministre de l’époque, Giulio Andreotti.’ Andreotti, comme nous le savons, est démocrate-chrétien. Le plan de Sindona portait-sur 156 millions de dollars.

Mario Sarcinelli et Paolo Baffi respectivement sous-directeur et gouverneur de la Banca d’Italia, s’étant opposés à la manœuvre furent poursuivis et arrêtés pour ’abus professionnels’, après une campagne de diffamation menée par Licio Gelli Le juge qui instruit le cas est Antonio Alibrandi, père de Alessandro, un terroriste néo-fasciste abattu par la police en 1981, et lui-même plusieurs fois cité lors de procès de terrorisme. Ce qui ne l’empêcha pas de devenir, en 1984, Conseiller en Cassation.

La Societa Generale immobiliare devenue Immobiliare-Sogene, fut rachetée en 1974 à Sindonia par Arcangelo Belli, l’un des survivants des spéculateurs immobiliers liés au Vatican. L’entreprise, à la dérive, ne pouvait être sauvée même après l’intervention de Giulio Andreotti, alors ministre du Bilan. Avec ses 81 millions de dollars de dette, elle était consignée à ses créditeurs : la Banco di Roma la Banco di Santo Spirito la Nuovo Banco Ambrosiano la San Paolmo etc. Tous organismes dépendants Vatican. La boucle est bouclée : la société a assuré, un siècle durant, d’énormes bénéfices au Saint-Siège - et peu importe les pertes qui devront être assumées par quelqu’un (l’Etat), pour autant que l’ensemble de la manoeuvre permette au Vatican de demeurer dans le circuit de la finance.

Retournons à Sindona : nous sommes en 1976. Le financier est condamné une première fois en Italie à trois ans de réclusion pour violation des règlements bancaires. Giulio Andreotti alors premier ministre, intervient plusieurs fois en la faveur du banqueroutier victime, selon lui, d’un ’complot’. Mais sans résultat. Sindona des USA, cherche à renouer ses liens avec la franc-maçonnerie et la mafia - avec un certain succès, semble-t-il, puisqu’il peut en 1979 faire éliminer physiquement un liquidateur italien trop curieux de ses affaires par un tueur lié à la Cosa Nostra Coût de l’opération : 45.000 dollars.

Puis il met en scène une campagne diffamatoire et fait chanter Roberto Calvi. Pour cela, il utilise les services de Luigi Cavallo agitateur notoire de droite lié à la franc-maçonnerie et à l’appareil de renseignement italien (il sera arrêté en France en 1984), et aussi la médiation de Licio Gelli Rendement de l’opération : 500.000 dollars. La famille Gambino (versée dans le trafic de la drogue) lui organise aussi un faux enlèvement rocambolesque qui le conduit, sous le nom de Joseph Bonami de New York à Palerme en passant par Athènes et Vienne. A Palerme, il est protégé - ou surveillé ? - par la famille Inzirello-Spatola (riche, outre ses revenus illicites, en solides appuis politiques), par certains éléments de la loge P2 et par une autre association maçonnique tout aussi "couverte" que la première. N’ayant pas pu réunir les fonds que, vraisemblablement, il devait à la mafia, Sindona est contraint de refaire surface aux USA où il est condamné en 1980 à 25 ans de prison pour la faillite de la Franklin.

Le procès

Dans une tentative de se disculper, Sindona racontera aux enquêteurs américains une fort intéressante histoire : le but de son voyage en Sicile aurait été d’unifier les forces indépendantistes de l’île. Pour comprendre le concept, nous devons remonter à la Libération, et plus précisément au massacre de Portella della Ginestra (1er mai 1947) où Salvatore Giuliano, bandit mafiosi, fit ouvrir le feu sur les travailleurs manifestants. L’enquête ne découvrit jamais les mandants de l’expédition, mais détermina l’existence d’une alliance visant à faire de la Sicile, une fois détachée de l’Italie. une dépendance des Etats Unis - une alliance où se trouve la mafia (bien implantée aux Etats-Unis et en Sicile, et en passe de développer ses trafics), les politiciens et franges des services secrets les plus conservateurs, liés au clergé et à la noblesse, et les francs-maçons. Parmi ces derniers, la loge Alam du prince Giovanni Francesco Alliata di Monterela (par la suite impliqué dans au moins deux complots italiens). Le lien entre ces milieux étant assuré par Frank Gigliotti pasteur, franc-maçon et agent de l’Oss (ancêtre de la CIA) Lequel, dans les années Soixante, réalisera l’unification du Grand Orient d’Italie, aujourd’hui encore en contact avec la CIA, et, se servant de la loge de Alliata, fondera la loge P2 qu’il confiera personnellement à Licio Gelli en 1971 (Gelli avait collaboré, entre autres, avec l’Oss) Le dénominateur commun de ces personnages est l’anticommunisme viscéral.

Ce n’est donc pas par hasard que, durant sa permanence en Sicile, Sindona se targuera de l’aide de Joseph Miceli Crimi, médecin et franc-maçon émigré aux Etats Unis, chargé par lui des médiations avec le monde politique et Licio Gelli.

La réalité, en fait, est que peut-être Sindona se sera servi des relents d’indépendantisme encore présents parmi les conservateurs
Siciliens pour vernir de ’dignité politique’ la nouvelle escroquerie qu’il essayait de mettre sur pied.

Il aura fallu attendre 1983 pour que le procès contre la ’bande Sindona’ s’ouvre en Italie. ’La vérité, a dit un juge chargé de l’instruction, est que l’establishment politico-financier n’avait aucun intérêt à ce que se tienne ce débat.’ Après neuf mois d’audience, la Cour a rendu ses conclusions, prononçant vingt-deux condamnations pour un total de 122 ans de prison. Dont celles de Luigi Mennini (gentihomme de Sa Sainteté et administrateur-délégué du IOR sept ans de détention) et de Massimo Spada (pour son rôle de représentant du Vatican dans bon nombre de sociétés de Sindona, cinq ans de détention). Tous deux ont tenté d’opposer à la sentence leur immunité diplomatique (Paul Marcinkus, Sergio Guerri et Giuseppe Caprio appelent par la défense dans le procès américain, avais fait de même), ce qui semble bien avoir porté puisque Massimo Spada se présentait en septembre 1984, libre, aux obsèques de Carlo Pesenti un autre financier catholique.

Un ultime détail : après la mort mystérieuse, lors d’une tentative d’évasion, de Joseph Arico, le tueur de Cosa Nostra engagé en 1979 par Sindona et qui peut-être en savait long sur les délits du banquier, celui-ci exprima le désir de rentrer en Italie. Craignait-il pour sa vie, ou plutôt la disparition d’un témoin gênant le mettait il à l’abri de nouvelles surprises ? Son voeu, en tout cas, a été exaucé en septembre 1984. En Italie, en plus du procès en cours pour banqueroute frauduleuse, il aura aussi à répondre d’extorsion, d’assassinat, et d’association criminelle : une longue série de combats légaux qu’il veut transformer en "un grand cirque" dont on attend encore le spectacle.

Les ’aventures’ de Michele Sindona illustrent bien la connivence existant entre les milieux financiers catholiques, le pouvoir politique, et le Vatican. Souvent, s’introduit entre ces pôles, et avec une fonction de lien et de conseil, une centrale de pouvoir occulte ; la loge maçonnique P2 (aujourd’hui démasquée mais, comme certains indices tendent à le prouver, loin d’être démantelée). Un de ses représentants les plus intéressants est sans aucun doute Umberto Ortolani.

Histoires de P2

Umberto Ortolani un avocat de 73 ans, arriva très tôt à Rome dans la suite d’un cardinal de Bologne, et devint en 1963 gentilhomme de Sa Sainteté. Nous avons déjà parlé de cette charge honorifique, qui permet encore maintenant à ses bénéficiaires d’entrer dans l’intimité des grands de l’Eglise Pour un ambitieux comme Ortolani ; c’est un poste d’observation - et d’action de choix.

Au début des années soixante, il s’est déjà hissé à une place honorable dans le monde des affaires romain, où il démontre une manie de la presse et du contrôle de l’information. En 1963, il trafique derrière le rideau lors de l’élection de Paul VI. Ses ’alliés’ sont Giulio Andreotti, le cardinal Lercaro son protecteur, et le cardinal Sueriens. Ces deux derniers étant inscrits sur la liste des ’papables’ Leo Josef Suenens fait cardinal peu auparavant sur intervention de la famille royale belge, renoncera en 1979 à l’archevêché de MalinesBruxelles pour entrer dans la curie et résider à Rome.

Ortolani prêtera aussi son généreux concours à Michele Sindona lors de l’affaire de la Generale Immobiliare et fréquentera Giovanni Leone, l’unique président de la République italienne obligé de démissionner pour avoir été mêlé à un scandale politicoo-financier celui de la Lockheed. Ses premiers contacts avec Licio Gelli fondateur de la P2, remonte à 1973 : cette année-là, une agence de presse proche de la franc-maçonnerie (et dont le directeur sera plus tard assassiné) avait rendu publique un document selon lequel ’les problèmes de l’Argentine’ ne pouvaient être réglés que par l’ ’élimination’ de Oberdan Sallustro et Aurelio Peccei dirigeants de la Fiat et des Ortolani père et fils (et de fait, Sallustro fut enlevé et exécuté dans des circonstances jamais éclaircies ; Peccei fut rapatrié et, jusqu’à sa mort, ne s’occupa plus que du Club de Rome dont il avait été l’initiateur). Ortolani dont les affaires en Amérique du Sud commençaient à marcher à plein rendement, prit peur. Au point de s’adresser à Gelli pour trouver de l’aide, et de s’inscrire à la P2 malgré le risque, pour le croyant qu’il est, de l’excommunication attendant tous les Francs-maçons

Il découvre chez Gelli la même passion de la presse qui l’habite. Il devient son voisin à Montevideo et, sans dédaigner la collaboration de Roberto Calvi, renforce sa banque Bafisud étend ses affaires jusqu’au Brésil et en Suisse, tout en maintenant de solides bases en Italie. Partagé entre le pouvoir occulte et ses amitiés vaticanes, il devient le coordinateur, le recruteur et l’éminence grise de la P2. Le ’trio GOC’ (Gelli-Ortolani-Calvi) est désormais affirmé.

Les alliances politiques ne sont certes pas oubliées : les connaissances d’Ortolani, outre Giulio Andreotti, ont nom Joseph Strauss de leader catholique bavarois qui fut reçu par Paul VI, en tant que symbole de la nouvelle alliance de la droite avec l’Eglise contre la gauche) et Stroessner, le général dictateur du Paraguay. Ortrolani participe activement à la mise au point du projet de coup d’Etta du général Borghese, en Italie - une entreprise qui en 1974, ne fut éventée que d’extrême justesse. Il s’occupe encore de terrorisme néo-fasciste (et l’on ne peut ici éviter de signaler la ’coïncidence’ entre l’évasion de Licio Gelli de la prison de Lausanne, en août 1983, et l’attentat manqué au rapide Milan-Palerme, à quelques kilomètres de l’endroit où advint la tragédie de l’Italicus - ces deux derniers faits ayant été revendiqués, à neuf ans d’interval, par Ordine Nero une formation d’extrême-droite dont se servaient Gelli et Ortolani).

Trafics

Ortolani est aussi le superviseur d’une colossale série de trafics sur les pétroles qui coûta aux finances de l’État italien, entre 1972 et 1978, plus d’un milliard de dollars de manque à gagner et valut à 42 personnes d’être renvoyées en jugement. Ce sont des fonctionnaires des Finances (comme le général Giudice), des hommes d’affaires ex-collègues des premiers, et des prêtres (Simeone Duca, ancien collaborateur de la Congrégation Propaganda Fide et de monseigneur Paul Marcinkus, puissant prélat romain aux solides relations mondaines, et rendu celèbre pour avoir versé comme caution à sa liberté un milliard de Lires ; Francesco Quaglia, curé de Cesano (Novara), doté de moyens financiers que ne justifie pas sa modeste condition de prêtre de campagne) passés aux affaires et assurant la bienveillance de politiciens en majorité démocrateschrétiens (où l’on rencontre Sereno Freati secrétaire d’Aldo Moro et récipiendaire d’une ’mensualité’ des trafiquants destinée à financer le parti de son patron - tandis que Giulio Andreotti, alors ministre de la Défense, signa la nomination du général Giudice).

Exception faite d’Andreotti et de Ugo Poletti de Vicaire Général de Rome, ardent partisan de Giudice en faveur duquel il multiplia les recommandations, et en étroite relation avec don Quaglia ainsi que d’Ortolani tout ce beau monde fut finalement accusé et jeté en prison - d’où, petit à petit, il sort pour "raison de santé".

L’épisode est significatif : il montre des escrocs (capables de transformer miraculeusement, dans leurs comptes, l’essence en ’eau de lavage’) chercher (et trouver, contre rétribution) la complicité des milieux politiques avec la bénédiction (elle aussi achetée) du milieu ecclésiastique. La soudure entre les diverses pièces du puzzle est réalisée par les francs-maçons de la P2, toujours sur la brèche.

En ce qui concerne l’implication de certains écclésiastîques dans l’affaire, nous remarquerons que la persistance , mais aussi la dégénérescence - d’une hiérarchie Religieuse encore et toujours de type féodal que les termes du ’nouveau’ concordat confirme, offre de notables espaces de manoeuvre à qui, religieux ou non, sait s’approprier ce système de la soumission. La culture de la ’subordination escomptée’ légitime - après les avoir produits tous les abus et génère, puisque ses effets s’entrecroisent, l’insolence chez les possédants, la manigance et l’escroquerie chez les dépendants, et l’oubli dans la masse impuissante et soumise à l’écrasante logique du pouvoir. Et, dans cette perspective, ce n’est certes pas par hasard qu’au coeur des régions les plus déshéritées et traditionnalistes de l’Italie, la domination mafieuse rencontre souvent et parfois se juxtapose à la domination des forces politiques démocrates chrétiennes, émanation directe de la hiérarchie religieuse. Une clé de lecture qui restitue au ’Guépard’, le roman de Tomasi di Lampedusa, toute sa valeur prémonitoire…

Mais revenons-en à Umberto Ortolani. Après plusieurs opérations très compliquées (comprenant même l’enlèvement de son fils Amedeo, pour lequel il paya une rançon dont la réunion l’engageait "pour le futur" vis-à-vis de ses associés), il se retrouva en 1977 à siéger dans le conseil d’administration de la Rizzoli, la plus grosse maison d’édition italienne dont le contrôle finira par échoir au IOR et à quelques « sociétés-bidon » de Roberto Calvi. Dans le mouvement, intervint aussi la banque Rothschild de Zurich. La Rizzoli est propriétaire de l’hebdomadaire Europeo : on commence maintenant à comprendre pourquoi son directeur fut contraint à se retirer lors de la publication de cette enquête sur le patrimoine immobilier du Saint-Siège...

Par la suite, Ortolani sera encore inquiété pour une histoire peu claire de financement au parti socialiste italien (15 millions de dollars) qui seraient sortis des caisses de la Bafisud, mais dont personne n’a jamais pu retracer le parcours exact. Un mystère identique entoure le rôle d’Ortolani dans la disparition du pot-de-vin officiel de l’Italie à l’Arabie Saoudite.

De plus en plus critiqué, l’avocat était obligé de renoncer à son appartenance à l’ordre de Malte et de restituer le passeport diplomatique qui lui avait été confié (l’ordre de Malte, souveraineté sans territoire, partage avec le Vatican le privilège d’entretenir une diplomatie). Ortolani devait faire l’objet d’un mandat d’arrêt international en 1981. Mais, réfugié au Brésil où ses protections lui avaient offert une nouvelle virginité, son arrestation à San Paolo en 1983 (un mois après l’évasion de Gelli) était à considérer comme nulle et non avenue. La même année, ils disparaissait discrètement de la liste des gentils hommes de la Sainteté, à propos de laquelle il n’existe néanmoins aucun règlement relatif à la radiation de la justice italienne : bien que toujours poursuivi par son mandat de capture, il ’conseillait’ par voie de presse à ses juges de lui attribuer l’honneur des arrêts au domicile, et faisait mettre sous séquestre rien moins que quatre livres parlant de ses relations avec la P2 et le Vatican retenus par lui diffamatoires. Ortolani, au casier judiciaire toujours vierge, est décrit dans la sentence de séquestre comme un homme ’entouré de la plus haute estime générale’ et ’à la conduite exemplaire et sans tache’. Une certaine odeur de revanche de la P2…

Carlo Pesenti

Derrière une bonne partie des entreprises financières du "trio GOC" plane l’ombre discrète, mais persistante, d’un autre grand argentier catholique : Carlo Pesenti
Carlo Penseti est mort en septembre 1984, à 77 ans. Malade du coeur, une maladie diplomatique qui l’aidait souvent à ne pas se présenter devant la justice, il démontra jusqu’à la fin une grande vigueur dans la gestion de son empire fait d’industries, de banques, de sociétés d’assurances, de journaux, et de trafics variés.

Penseti catholique très pratiquant, émergeait dans l’immédiat après-guerre à Bergame. Avec la caution de la curie épiscopale, il reprenait la direction de l’Italcementi, une industrie détenant alors la moitié du marché italien des matériaux de construction, héritée d’un oncle par trop fasciste de neveu partageait les mêmes idéaux, mais de manière moins offensive). L’oncle Antonio, sénateur du royaume, président de la Banco di Roma, ami intime de Mussolini, avait construit une fortune sur les exportations coloniales en Abyssinie et sur ses fabriques en Ethiopie. Carlo, plus tard, réussira avec l’aide d’appuis politiques bien placés à donner de lui-même et de la famille l’image d’anti-fascistes persécutés lui permettant de participer de plein droit au boom économique des années Cinquante et à la spéculation immobilière orchestrée par le Vatican. Faisant valoir ses réussites, il recevait l’aval de politiciens émergeants (dont celui de Giulio Andreotti) et multipliait son rayon d’action : il sauvait du scandale, en les redressant, deux banques catholiques (en remerciement, le Vatican l’aidera à conquérir son premier institut de crédit) ; il fondait l’Italmobiliare, une société versée dans la spéculation immobilière ; à la fin des années Soixante-dix, il pouvait compter sur l’intervention d’Emilio Colombo, démocrate-chrétien et ministre du Trésor, pour empêcher Sindona de mettre la main sur l’Italcementi Et il renforçait aussi ses liens avec les milieux ecclésiastiques et rencontrait monseigneur Marcinkus.

Son système, pour multiplier l’argent, était à l’épreuve du feu profitant du mouvement de la reconstruction, il avait fait inscrire le ciment dans la liste des produits à prix contrôlé (liste dressée par le ministère de l’Industrie, aux mains des démocrates-chrétiens). Le mécanisme est simple : le prix du ciment était établi sur base du coût de production de cimenteries peu rentables (et maintenues artificiellement en activité), ce qui permettait de gonfler les gains des autres entreprises, rentables celles-là. En plus, Pesenti recourait massivement à des emprunts à bas intérêt, spéculant sur l’érosion monétaire.

A la différence de Sindona, le financier d’assaut, Pensenti assurera vite au Vatican une collaboration économique plus lente et camouflée , mais aussi plus solide et durable. Définitivement entré dans les secrets des princes de l’Eglise (Jean XXIII l’appelait respectueusement ’Monsieur Karoli’) il suivra de loin les périlleuses évolutions de Roberto Calvi.Giulio Andreotti a été appelé par le Parlement italien à répondre, à la fin de l’année 1984, de ses responsabilités en tant que ministre vis à vis de la loge maçonnique P2 de Sindona, et du trafic des pétroles. Chaque fois, il a su trouver les justes arguments et les justes alliances pour être blanchi de tout soupçon. Et déplacer le débat du thème de la culpabilité à celui de la bonne foi du politicien harassé par la t^pache.

Giulio Andreotti est l’homme du compromis, du statu quo entre les parties. Son pouvoir naît de la capacité de savoir combiner l’équilibre des forces pour déterminer un effet favorable à la Démocratie chrétienne, sans jamais oublier les intérêts du Vatican. Cette politique mire, avant tout, à ne produire aucun résultat, mais plutôt à renforcer la capacité d’agrégation de ses représentants.

Andreotti est dépourvu de projet au-delà de la reconduction du pouvoir cristallisé autour de sa personne. Il intronise sujet politique tout qui (comme Sindona) a acquis une parcelle de pouvoir objectif disponible à s’associer à la sienne. Au point de prétendre ’Le pouvoir use. Celui qui ne l’a pas.’ Et il a cyniquement raison en Italie, qui a le pouvoir ne l’exerce pas et donc, selon l’inverse de la loi de la démocratie, ne s’use pas. Au contraire, l’opposition est sempiternellement obligée à prendre position, donc à brûler ses ressources. Andreotti peut être défini comme un pur produit de la politique, version Saint-Siège : son but est de maintenir ce qui existe et esquivant toute possibilité de changement.

Il est d’ailleurs et depuis toujours en étroite relation avec la hiérarchie religieuse qu’il n’hésite jamais à défendre : lors d’une conférence de presse où il était question des opérations financières secrètes de la ’maison de Saint-Pierre’, il se demandait :’Comment faire autrement, tout en conservant la même productivité ? Alors que la très grande majorité des fidèles est désormais dans le Tiers-Monde, et que le Saint-Siège se trouve dans la position, non plus d’être financé par eux, mais de les financer ? ’Andreotti peut avoir raison. Pourtant, si le problème existe, il n’est pas de savoir si le Vatican agit ou non comme n’importe quelle entreprise en quête de profits mais bien que, malgré les nombreuses révélations et mises en accusation, il continue obstinément de prétendre ne pas le faire. L’explication de cette attitude est que la plupart des accusations ne bénéficient pas d’une publicité hors des frontières de l’Italie et ainsi la réputation du Saint-Siège et du pape en demeure intouchée dans, justement, les pays les moins informés, c’est à dire ceux du Tiers-Monde. Dans ces contrées, est avant tout projetée d’image d’Epinal d’un pape polyglotte, doté d’une résistance physique à la limite de l’humain, et grand dispensateur de discours d’apaisement. Tout l’appareil administratif et économique qui produit, diffuse et entretient ce cliché est soigneusement gommé comme le sont les appuis politiques, tel celui d’Andreotti, dont le Saint-Siège ne pourrait à plus d’un titre se passer. Et Andreotti d’insister, à propos des méfaits de Calvi, Sindona et Ortolani ’Les cardinaux, disait-il, ne sont pas extralucides : ils ne peuvent prévoir si tel ou tel financier se révélera être un escroc.’ Chiffres en main, la malhonnêteté des autres est un risque qu’ils sont en effet en mesure de se permettre...

Giulio Andreotti est encore, dit-on, un fervent souteneur des réunions de la droite européenne tenues par Antoine Pinay.

Avions renifleurs

Antoine Pinay, ancien président du conseil des ministres de la quatrième République française, entraîne aussi dans ces réunions le comte Alain de Villegas et maître Jean Violet, titulaire de la Légion d’Honneur et fait commandeur de l’ordre de Saint George par Paul VI. Jean Violet est en relation politique et financière avec l’Union Paneuropéenne, organisme d’extrême droite fondé par Otto de Habsbourg, dont une des antennes est, en Belgique, l’Académie Européenne des Sciences Politiques (AESP) où sévit, à nouveau, Alain de Villegas.

Soutenu par maître Violet, Villegas fait accepter par Alfredo Sanchez Bella, un pur du franquisme, alors ministre en Espagne et membre de l’Opus Dei, deux projets de recherche d’eau potable qui, après expérimentation en 1970, se résumeront en un fiasco. Carlo Pensenti ami de Sanchez Bella, et Philippe de Weck, président de l’Union des Banques Suisses, participent aux frais.

Le terrain est prêt pour une escroquerie de plus grande envergure cette fois-ci aux dépends de l’Etat français, et connue sous le nom d’ ’affaire des avions renifleurs’ : près de 100 millions de FF pompés, entre 1975 et 1979, par Villegas et Aldo Bonassoli autre ’inventeur’ italien. Leur contrat reçoit le parrainage de Sanchez Bella, décidément peu découragé, de Philippe de Weck, de Carlo

Pesenti de ’personnes ecclésiastiques’ comme le dit le rapport de la Cour des comptes française, et aussi de Daniel Boyer (qui contrôle la Prelate Corporation, détentrice des droits exclusifs de reproduction de la bibliothèque apostolique du Vatican - Boyer est d’autre part propriétaire du mensuel belge l’Evènement) et de Crosby Kelly, ex-technicien en armements, déjà en poste à Cuba, organisateur des cérémonies du bicentenaire des USA en Belgique et sans doute ’propagandiste’ de la CIA Entre Jean Violet et Philippe de Weck, agit comme intermédiaire le père Dubois, un dominicain mort en 1979 qui avait intercédé auprès de Paul VI pour faire attribuer la croix de l’ordre de Saint George à Violet. Et puis Philippe de Weck, dont la banque UBS a pour conseiller un certain Sanchez Bella, a auparavant été en affaires avec Sindona et Pesenti et est membre d’une commission d’experts désignée par le pape pour réformer le règlement du IOR.Enfin, pour les transferts de fonds, intervient l’Ultrafin une société financière du groupe Calvi, et la Banco Occidental de Madrid, proche du IOR et de l’Opus Dei.

Non pas que nous voudrions dire que le Vatican se trouve intéressé dans toutes les opérations financières à odeur d’escroquerie, mais il faut reconnaître que les mondes ecclésiastique politique et financier qui relèvent d’une même classe dirigeante en conjuguant heureusement leurs privilèges parviennent à réaliser des profits contribuant, en définitive, à la reproduction de cette même classe. Ou, comme le disait Sanchez Bella : ’Le monde se fait grâce à ces trois ou quatre mille individus qui forment l’élite intellectuelle internationale, mais qui ne parlent pas toujours de politique. De Politique avec la majuscule, oui, mais pas de politique partisane.’ Et il ajoutait, à propos des avions renifleurs : ’L’essentiel était que (cette invention) ne tombe pas aux mains des Soviétiques.’ Où l’avidité du gain rejoint l’idéologie pathologique.

Finances ’blanches’

Entretemps l’idée de la ’super-banque catholique’ a continué à animer les esprits en Italie. La tendance qui prévaut aujourd’hui est à la concentration des instituts financiers et au jeu à la hausse en bourse sur promesse d’élargissement et de restructuration : autant de mouvements coordonnés par des hommes de confiance du Vatican comme Carlo Pesenti ou le cardinal Siri, l’archevêque de Gênes qui a su se rendre tellement indispensable qu’à 79 ans, il n’a pas encore à ce jour été mis à la retraite (il est d’autre part l’un des promoteurs avec le cardinal Ratzinger du retour du latin dans la messe). Prêtant son concours à divers groupes de pression (en particulier, la bourgeoisie des entrepreneurs) il a développé dans les institutions économiques et politiques de sa ville un pouvoir de fait et une clientèle solide. A tel point que sa cure est devenue une sorte d’office de placement auquel n’échappe aucune nomination et aucune attribution de subvention officielle, et est bien fréquentée par cette élite financière unie par de profonds liens qui, au-delà du goût pour l’argent, se sent investie d’une mission (produire de la richesse pour la plus grande gloire du Saint-Siège) et pratique la loi du silence.

Mais reste que les dettes contractées directement ou indirectement par le IOR demeurent en bonne partie impayées. Calvi s’était engagé à assumer la faillite de Sindona, mais en est mort. Et monseigneur Marcinkus, que fait-il ?

Paul Marcinkus après de longues tergiversations, acceptait ’en reconnaissance de son implication morale’ (la sienne et celle du IOR de s’associer pour un montant de 250 millions de dollars à la réparation offerte par le Banco Ambrosiano, la banque de Calvi, à ses principaux créditeurs. Etrange comportement du IOR qui s’est toujours déclaré étranger aux accusations de complicité qui lui étaient lancées mais comportement prévoyant, si l’on considère qu’il permet d’éviter un procès international où De Strobel Marcinkus et Mennini auraient bien plus difficile qu’en Italie de se prévaloir de l’immunité diplomatique ; alors qu’il s’agissait aussi de présenter le bon profil à la veille de la signature du ’nouveau’ concordat et de restaurer la crédibilité du IOR en tant que banque d’envergure mondiale.

Afin de réunir les fonds nécessaires à la réalisation de ses engagements définis comme ’une contribution volontaire’ le IOR s’apprête à liquider certaines de ses participations en France et aux Etats- Unis, en plus de vendre à la Sumitomo Bank japonaise la Banca del Gottardo et de se débarrasser d’une société immobilière romaine. Le tout, y compris le paiement direct déjà invoqué, se montant à quelque 400 millions de dollars, soit les deux tiers de ce que réclamaient les 120 créditeurs étrangers des Italiens restant sur leur faim). Quant aux frais de justice (15 millions de dollars), personne ne sait encore qui les supportera. Marcinkus n’en a pas pour autant perdu la raison l’accord final prévoit aussi le recouvrement d’un tiers des crédits contractés en Amérique du Sud par deux banques étroitement liées au Vatican.

L’accord, étant donné qu’il est ’régi par la loi italienne’, pourrait aussi sonner le glas des privilèges du Vatican en matière financière, l’empêchant de jouer sur le conflit de compétence entre droit italien et droit canon. Techniquement, la création d’une filiale italienne du IOR résoudrait le problème en soumettant le IOR à la loi italienne. Reste à savoir quand cette filiale sera effectivement créée. Tandis que les poursuites intentées à Pellegrino De Strobel Luigi Mennini et Paul Marcinkus restent elles aussi au conditionnel. Tout au plus le ’nouveau’ concordat signale-t-il que ’le SaintSiège confirme sa disponibilité à examiner avec le gouvernement italien les questions regardant les activités en Italie de l’Institut pour les OEuvres de Religion’, sans échéance.

La société romaine dont s’est débarrassé le Vatican se nomme Vianini et est la quatrième entreprise italienne en matière de grands chantiers de constructions. Dans son conseil d’administration, siègent de Strobel et Mennini. Elle a été acquise par Franco Caltagirone membre d’une famille active depuis plus d’un demi-siècle dans le bâtiment, fort liée à Andreotti, et rendue célèbre en 1981 par une banqueroute frauduleuse qui poussa deux des cousins de Franco à l’exil. Leur mandat d’arrêt devait être révoqué en janvier 1984, à peine une semaine avant la signature du contrat Vianini, lequel représente pour les Caltagirone, après tant de tribulations, un retour en grand style sur la place des affaires romaines. Poursuivis pour fraude fiscale et exportation illégale de capitaux (réalisée à travers le IOR et la Finabank de Sindona, pour un montant évalué en 1974 à 3 millions de dollars), les deux cousins avaient déjà bénéficié d’une prescription et, qui plus est, de l’inscription au passif de leur société en faillite de l’amende de 8 milliards de Lires avec frais de justice à charge de l’Etat. Le juge chargé de l’affaire était Antonio Alibradi, déjà rencontré lors des tribulations de Michele Sindona.

Le Vatican, entre tous ses autres trafics, s’intéresse encore en Italie aux ’patronages’, ces organismes d’assistance technico-légale et médicale en faveur des travailleurs, liés au syndicats, aux partis politiques, et à l’Eglise. Ils traitent en moyenne 15.000 dossiers par an, pour lesquels ils reçoivent une subvention officielle de 150 milliards de Lires. Un projet de loi déposé par un parlementaire démocrate-chrétien élu avec l’appui de Communion et Libération voudrait en faire des coopératives privées, donc payantes ce qui, au prix courant des démarches légales, leur rapporterait 750 milliards de Lires en plus de la subvention. El, actuellement, les organisations catholiques s’emploient de manière insistante à multiplier le nombre de ’patronages’ à leur dépendance.

En conclusion ? Les finances du Vatican sont telles : elles font l’objet d’un bilan officiel toujours mélancolique et ne représentant qu’une minime partie la seule avouable des affaires brassées. Tandis que les autres opérations, souvent difficiles à individualiser, influencent de manière insidieuse l’entièrté des activités économiques et politiques italiennes.

Et il y a cette légende : en l’an 258, le diacre Laurent fut brûlé vif par l’autorité impériale pour avoir refusé de livrer les richesses accumulées par ce qui était alors la communauté chrétienne de Rome et ne deviendrait qu’un demi-siècle plus tard l’Eglise. Le diacre Laurent s’était montré prudent : il avait fait distribuer les biens aux pauvres de la ville et, du haut de son bûcher, les indiqua comme le vrai et unique trésor de la communauté. La légende n’explique pas comment l’Eglise parvint, ensuite, à reconstituer son trésor. De cette action-là, continue et opiniâtre, nous venons d’avoir quelqu’aperçu.

Frédéric Hacourt, Mai 1984

L’affaire du Banco Ambrosiano

Les mystères du scandale du Banco Ambrosiano
Les Echos n° 16122 du 17 Avril 1992 • page 26
18 juin 1982. Roberto Calvi, président de la première banque privée catholique italienne, est retrouvé pendu sous un pont de la Tamise, à Londres. Depuis huit jours, sa famille était sans nouvelle de lui. Le « banquier de Dieu » s’estil suicidé comme l’ont d’abord cru les enquêteurs ? Ou atil été assassiné comme le laissent penser les derniers éléments d’enquête remontant à 1989 ? Toujours estil que, dix ans après, l’affaire du Banco Ambrosiano charrie encore son lot de mystères. Les avocats de Carlo de Benedetti, bref vice-président de la banque quelques mois avant sa déconfiture, avaient beau jeu hier de s’étonner de la condamnation du président d’Olivetti « dans une affaire qui n’a toujours pas été élucidée ».
Un prélat aux pratiques douteuses, une pseudo-loge maçonnique visant le noyeautage des grands corps de l’Etat, des industriels sans scrupules, l’ombre de la Mafia... Le scandale du Banco Ambrosiano réunit, comme en résumé, tous les démons de l’Italie d’après-guerre. La République des réseaux parallèles, des magistrats corrompus, des policiers véreux et du Saint Siège complice. Une « histoire » dans laquelle Carlo De Benedetti s’estime, selon ses propres mots, « cocu et bastonné »...
En ce début de l’été 1982, une rumeur se répand comme une traînée de poudre à Milan. « Le Banco Ambrosiano ne paie plus ». L’établissement se révèle incapable d’honorer les dettes de ses filiales. Très vite, les créanciers s’affolent. Et les déposants prennent peur. Très vite, la mécanique du krach s’emballe : le Banco Ambrosiano n’inspire plus confiance. Sans l’intervention d’un consortium de banques privées et publiques, le Banco Ambrosiano aurait laissé sur le carreau des milliers de créanciers. Dont le Vatican.
Le bilan du sinistre financier n’est établi avec certitude que beaucoup plus tard. Lorsque les comptes de la banque auront été démêlés. Bilan : le Banco Ambrosiano laisse un trou de 1.200 milliards de lires, soit environ 5 milliards de francs. C’est la plus importante faillite bancaire italienne de l’après-guerre. Lors de son passage à la vice-présidence de la banque, Carlo De Benedetti avait immédiatement émis des doutes sur la comptabilité de l’établissement. Dans son réquisitoire de 1.800 pages, rédigé au terme de huit ans d’enquête, le procureur de Milan explique même que l’industriel italien avait multiplié les démarches pour faire la lumière sur les comptes de la banque. Ce qui n’atténue en rien, selon le procureur, sa responsabilité dans la plus-value qu’il a tirée de la vente de ses actions, à un moment où il connaissait les difficultés du Banco Ambrosiano.
Du Vatican
à la Loge P2
La déconfiture de la banque a éclaboussé aussi bien l’Etat italien que celui du Vatican et une partie de l’establishment italien lié à la la Loge P2. L’Etat italien a été accusé de ne pas avoir exercé efficacement son rôle de surveillance et de tutelle sur la plus grande banque privée de la Péninsule. De fait, de nombreux hauts fonctionnaires, au courant des pratiques irrégulières de l’établissement, ont fermé les yeux sur ses difficultés. Une indulgence coupable qui explique l’empressement des banques nationalisée à monter un tour de table pour reprendre la banque en faillite.
Le Saint Siège, de son côté, est impliqué dans le krach en raison des liens tissés entre le Banco Ambrosiano et l’Institut pour les eouvres de la religion (IOR), présidé par l’archevêque américain, Mgr Paul Marcinkus. Roberto Calvi et son prédécesseur, un financier douteux, Michele Sindona, avaient su convaincre le prélat de diversifier les placements du Vatican à une époque, le début des années 1970, où l’économie italienne battait de l’aile. C’est ainsi que le Banco Ambrosiano a permis à l’IOR, la banque du Vatican, de réaliser des placements dans des paradis fiscaux. Une bonne partie du « trou » provient en effet de prêts à des sociétés panaméennes qui n’ont jamais été remboursés. Or ces sociétés auraient été contrôlées par l’IOR de Mgr Marcinkus.
Enfin, bien des responsables italiens (hommes politiques, hauts fonctionnaires et magistrats) se trouvent compromis dans le scandale en raison de leur appartenance à la Loge P2, dont Roberto Calvi était précisément un membre éminent. Dans un ouvrage paru début 1989, le grand maître de la Loge, Licio Gelli, affirme que « les secrets » de l’« assassinat de Roberto Calvi se trouvent aujourd’hui dans les coffres suisses de l’IOR ». Et menace, en cas de condamnation, de révéler les noms des « frères » appartenant à la Loge P2. Une peine de dix-huit ans et demi lui a été infligée hier.

Nicolas Barré

Messages

  • comment peut on se permettre de prêcher la bonne parole, bénir au nom de dieu et laisser mourir de faim tant d’innocents.
    Dieu doit avoir honte de ses ouailles qui en son nom créent des guerres et les entretiennent.
    Comment peuvent ils vivre dans le faste au lieu de donner pour la vie ?

  • Des centaines de millions d’euros retrouvés dans les caisses du Vatican !!!

    Plusieurs centaines de millions d’euros non déclarés qui dormaient dans les caisses des différents ministères ont été découverts au Vatican , a révélé vendredi le cardinal australien George Pell.

    Ah les pauvres du monde, ils sont pas contents d’apprendre que le Vatican est plus riche qu’il ne le croyait ? C’est un miracle !!!

  • Un accord a été signé, mercredi 1er avril, entre l’État italien et le Saint-Siège. Sous prétexte de l’engagement de la banque vaticane, l’IOR, que les revenus financiers des instituts ayant déposé des fonds à la banque du Vatican seront déclarés et imposés, l’accord prévoit que ses biens immobiliers, importants à travers la Péninsule, resteront non taxés. Pour le Saint-Siège, il s’agit du premier accord d’échanges d’informations fiscales. Il s’inscrit dans le cadre de ses efforts de mise aux normes internationales financières. Mais peut-on croire que les informations seront bien données ? La confession doit bien rester secrète !

  • L’Eglise de Saint Pierre économise chaque année 2,2 milliards d’euros sur l’impôt sur la propriété et 4 autres milliards en échappant à la TVA, la taxe sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et la taxe régionale sur les activités productives.

    A Rome, dix mille testaments sont rédigés chaque année en faveur du clergé. Les estimations non officielles font un état d’un trésor impressionnant : 115.000 immeubles, 9 000 écoles et plus de 4 000 hôpitaux et centres sanitaires.

    Il ne faut également pas oublier le très lucratif business du tourisme religieux qui fait tomber 4 milliards d’euros chaque année dans les caisses du Vatican. Pour augmenter ce chiffre d’affaires, de nombreux couvents et séminaires ont été reconvertis en hôtels ou découpés en appartements dont la vente et la location génèrent des centaines de milliers d’euros.

    En patrimoine immobilier, rien qu’en Italie, le Vatican c’est :

     115 000 immeubles

     23 000 terrains

     9 000 écoles

     4 000 hôpitaux et centres de soins

    Le musée du Vatican qui détient 70 000 œuvres pour une valeur estimée de 90 milliards d’euros et des recettes annuelles sur les ventes de billets de 91,3 millions d’euros. Doit bien rester quelques subsides pour les pauvres !

    La banque du Saint-Siège, le gros morceau, c’est :

     3,3 milliards d’euros d’obligations

     1,2 milliard d’euros de dépôts

     194 millions d’euros de fonds d’investissement

     100 millions d’actions

    Tout ça pour un bénéfice de 86n6 millions d’euros, selon les chiffres 2012.
    A ceci, il faut rajouter 2 tonnes d’or !

    Pour les recettes :

     368 millions de dons des fidèles

     150 millions de recettes commerciales (souvenirs, timbres)

     128 millions de loyers et produits financiers

     91,3 millions des musées

     54 millions apportés par la banque du Vatican

     24 millions venant des diocèses

     46,7 millions intitulés autres sans que l’on ne sache vraiment de quoi il s’agit. Ca doit être la volonté divine.

    Reste le pape lui-même : François est une formidable machine à cash. Son déplacement au Brésil a rapporté 552 millions d’euros en retombées économiques pour un coût de voyage de 45 millions et 3 millions de participants.

  • Deux éminents personnages de l’entourage papal, désignés par lui pour enquêter sur les finances du Saint-Siège et faire des propositions de réformes drastiques, ont été arrêtés dimanche 1er novembre par la gendarmerie.

    • Le premier, monseigneur Lucio Angel Vallejo Balda, un évêque espagnol de 54 ans, qui appartient à la Société sacerdotale de la Sainte Croix (dépendante de l’Opus Dei), avait été écarté de sa charge de secrétaire de la Cosea (Commission de réorganisation des structures économico-administratives) et visiblement brûlait de se venger de l’affront.

    • Le deuxième est une femme, la seule appelée à faire partie de la même Cosea. Francesca Chaouqui, consultante italo-marocaine âgée de 32 ans, a été remise en liberté du fait de sa totale "collaboration" avec les enquêteurs.

    Les deux sont accusés d’avoir passé des documents et fait des confidences aux deux journalistes qui sortent ce 5 novembre leurs livres dédiés à la papauté : "Via Crucis" de Gianluigi Nuzzi (Editions Chiarelettere) et "Avarizia" , signé Emiliano Fittipaldi (Editions Feltrinelli). Ces ouvrages contiennent donc des photocopies de documents réservés qui mettent en évidence "le manque de transparence, de clarté et de propreté" dans l’Eglise (des qualités qui avaient pourtant été exigées par François lorsque la Commission fut constituée en Juillet 2013, et qui, n’ayant pas été respectées, ont conduit à la suppression pure et simple de la Cosea).

    Le livre "Avarizia" (Avarice, NDLR), ce vieux péché capital, égrène à son tour des chiffres. Effarants. Les immeubles possédés par le Saint-Siège valent 2,7 milliards d’euros, raconte Fittipaldi, mais sont déclarés pour sept fois moins. Sur les 5.050 appartements, bureaux, négoces et terrains sis à Rome, la moitié ne mentionnent même pas leur superficie. Sans oublier les comptes de l’IOR (Institut des oeuvres de la religion), la banque des monsignori, gérée de façon tellement désinvolte qu’elle autorise toutes les opérations de recyclage possibles et imaginables. Il y aurait d’ailleurs dans cette banque encore un compte au nom du pape Luciani, dont le pontificat dura seulement 33 jours en 1978 sous le nom de Jean-Paul 1er…

    Sans oublier non plus les dépenses folles du cardinal Tarcisio Bertone, ex-secrétaire d’Etat, licencié en 2014 par François, qui a réussi à faire passer le coût des travaux de son nouveau domicile sur les comptes de la Fondation de l’Enfant Jésus, et ce pour la modeste somme de... 200.000 euros. Une somme qui aurait dû être destinée en principe aux enfants malades.

    "Un portrait profondément déprimant des finances de l’Eglise", conclut le vaticaniste Marco Politi, tandis que Massimo Franco, éditorialiste du "Corriere della Sera" met le doigt sur le vrai problème : puisque les deux gorges profondes de ce nouveau scandale avaient été choisies et nommées par le Pontife en personne, "il y a dans ce deuxième Vatileaks quelque chose de plus grave que dans le précédent. Et qu’on pourrait ainsi résumer : François a maintenant prouvé sa méconnaissance des sous-bois du Vatican et sa difficulté sérieuse à individualiser des personnes fiables".

    L’Institut pour les œuvres de religion (IOR) a enregistré un bénéfice net de 69,3 millions d’euros l’an passé, soit plus de 20 fois le bénéfice de 2013. Après la publication d’un premier bilan annuel historique en 2013, l’Institut pour les œuvres de religion, la banque du Vatican, a présenté un exercice 2014 record avec 69,3 millions d’euros de bénéfices, soit plus de 20 fois que les résultats de 2013 (2,3 millions d’euros). L’Institut a annoncé vouloir placer 55 millions d’euros au budget et conserver 14,3 millions d’euros dans les réserves de l’IOR. Au 31 décembre dernier, les comptes affichaient un patrimoine net de 695 millions d’euros contre 720 millions fin 2013. L’IOR gère aujourd’hui 6 milliards d’euros d’actifs et plus d’une quinzaine de milliers de comptes bancaires (15.181 clients).

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