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LUTTES ET LES EMEUTES CONTRE LA VIE CHERE EN AFRIQUE

lundi 18 mai 2009, par Robert Paris

Luttes, révolte et répression en Afrique

Après les manifestations et émeutes au Burkina Faso et la sanglante répression des émeutes (peut-être 200 morts) des manifestations de jeunes au Cameroun fin février (une justice expéditive a prononcé des centaines de condamnation de jeunes, parfois raflés au hasard, à des années de prison), c’est au tour de la Côte d’Ivoire et du Sénégal de connaître manifestations, luttes et… répression.

Manif, Abidjan 31/03/08

GBAGBO DANSE AVEC JACK LANG

Le dimanche 30 mars le président Gbagbo de Côte d’Ivoire recevait son ami Jack Lang. Après l’avoir décoré, il l’a emmené faire une virée dans les boîtes huppées de la rue Princesse dans le quartier chaud d’Abidjan (à proximité immédiate d’un autre quartier de Yopougon, Wassakara, où manger trois par jour est un luxe) sous l’objectif des caméras de télévision, dans le but de montrer que la paix est revenue dans le pays.
Echauffé par l’ambiance, Lang qui disait se rappeler l’époque où, prof expatrié, il venait en goguette dans les mêmes endroits, en a profité pour vanter la « popularité » de son hôte et ses qualités de grand « humaniste ».

Mais pour la population pauvre d’Abidjan qui n’arrive pas à joindre les deux bouts, ce reportage a mis le feu aux poudres. Le lendemain, des ménagères commençaient à manifester à partir de 9 heures du matin et, rejointes par des jeunes, à ériger des barricades dans le quartier de Cocody : « Gbagbo, on a faim et tu danses rue Princesse avec un blanc pour lui montrer que tout va bien » ; « Nous sommes sorties ce matin parce que trop c’est trop. On en a marre. C’est une autre forme de guerre qu’on déclare à la Côte d’Ivoire » « Gbagbo, on a faim ! », etc. (Le Nouveau réveil, Abidjan, 1/4/2008)
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Les manifestations spontanées ont gagné le lendemain d’autres communes de l’agglomération d’Abidjan et certaines villes de l’intérieur : Yopougon, Port Boué, Attécoubé, Grand Bassam ; dès 4 heures du matin mardi, les manifestants bloquaient à Port Boué les carrefours stratégiques par des barrages, des incendies de pneus, etc.
Les prix ont en effet monté en flèche parfois du simple au double : le riz denikacha est passé de 200F CFA à 400F CFA ; le kilo de viande est passé de 700 F CFA à 900 F CFA en trois jours tandis que dans le même laps de temps le litre d’huile passait de 600 à 850 F ; le lait, le savon et autres produits de première nécessité suivent mais les salaires, eux, restent inchangés !

Face aux manifestations le grand humaniste Gbagbo et son premier ministre Soro ont lâché leurs chiens : les policiers des compagnies de CRS ont attaqué les manifestants, tirant sans sommation à balles réelles sur des femmes et des jeunes. A Port-Boué, dans le bidonville de Gonzague ville, le jeune Séa Abel tombe, tué par une balle des policiers de la CRS 1.
Dans son intervention télévisée au bout de 2 jours de manifestations, le si populaire Gbagbo n’aura pas un mot pour les dizaines de blessés et le jeune manifestant tué. Il annoncera le gel temporaire des droits de douane pour une série de produits de base importés et le renforcement de la lutte contre le racket.
Autant de mesures qui ne vont pas améliorer significativement la situation de la population dans un pays où une minorité de bourgeois bâtissent des fortunes dans l’exploitation des matières premières agricoles (fortunes placées à l’abri dans des banques françaises ou autres)...

REPRESSION AU SENEGAL

Dimanche 30 mars le Sénégal a aussi connu une manifestation de ménagères à Dakar contre la vie chère : « Vraiment le riz est cher, l’huile est chère, le gouvernement ne fait rien. On est fatiguée, on n’a pas de travail, nos enfants n’ont pas de travail, on se débrouille pour manger, on ne trouve rien à manger, on a faim, on a soif, vraiment on est fatiguée » dit une manifestante citée par l’agence Reuters.

Le gouvernement a répondu à cette manifestation par la répression. Les lacrymogènes et les matraques électriques de la police ont provoqué les pires échauffourées dans la capitale sénégalaise depuis dix ans. Walf TV, une chaîne de télévision privée qui passait des images des flics tabassant les manifestants, a été perquisitionnée et les cassettes saisies. Plusieurs personnes ont été arrêtées.

Le président Wade (politiquement proche de l’UMP française) a réagi par un énième remaniement ministériel au cours du quel le ministre de l’intérieur a été limogé et où il a fait appel à Landing Savané et Mamadou Diop Decroix, deux dirigeants du parti And Jëf. Ce parti se disait autrefois « marxiste léniniste » et Landing Savané avait été il n’y a pas si longtemps un candidat de gauche aux présidentielles... Ils viennent apporter leur concours à Wade au moment où celui-ci réprime, accuse les enseignants et les étudiants de mener des grèves « politiques » et « sans fondements » - il a « décrété » que cette année universitaire serait un année blanche en raison des grèves, au moment où les travailleurs multiplient grèves et débrayages (voir la grève pendant 12 jours des travailleurs de Nestlé Sénégal fin février contre le licenciement d’un délégué, malgré la répression policière).

Selon les statistiques, presque la moitié des ménages sénégalais sont au dessous du seuil de pauvreté officiel ; la moitié des travailleurs sont payés en dessous du salaire minimum, le taux des chômeurs et des personnes en sous-emploi est de 43%. Alors que l’inflation atteint des sommets. Dans ces conditions, rien d’étonnant que dans un récent rapport la Banque Mondiale avait évoqué la possibilité d’ « émeutes de la faim » au Sénégal ! Mais le gouvernement est plus intéressé par des dépenses somptuaires qui remplissent les caisses des proches du président que par la situation des masses....

L’intersyndicale CNTS, CSA, UDTS, UTS, a appelé les travailleurs à se mobiliser pour demander une « augmentation généralisée des salaires » et la baisse « immédiate » des prix des denrées et services de première nécessité. Mais n’est-ce pas la même qui avait suspendu in extremis l’appel à une grève générale en début d’année, en accordant sa confiance au gouvernement ? Aussi son « plan d’action », se révèle être en fait une « campagne d’information, de sensibilisation et de mobilisation » du 5 au 15 avril. Selon le secrétaire de la CSA (Confédération des Syndicats Autonomes) : « la seule certitude, aujourd’hui, est que les travailleurs ne peuvent plus attendre ».
En conséquence de quoi, ils attendront que les syndicats tiennent une « réunion d’évaluation globale » à l’issue de leur campagne, et notre chef syndical d’inviter instamment le gouvernement « à plus de clairvoyance et de responsabilité » (Le Soleil, Dakar, 30/03/08). En clair : faites quelque chose pour que nous ne soyons pas obligés d’appeler à la lutte !

En Afrique aussi les travailleurs ne peuvent compter que sur leur lutte et leur organisation propres pour résister au capitalisme qui les exploite et qui les affame !
Tous ces pays font partie de la « zone d’influence » de l’impérialisme tricolore : il en soutient les régimes et les arment, de façon à pouvoir continuer à y faire de fructueuses affaires (comme Bolloré, le milliardaire qui, de temps en temps, n’hésite pas à prêter son yacht ou son avion à Sarkozy, le fondé de pouvoir du capitalisme français). Le fait que les médias français, si prompts à s’indigner de la répression et des crimes commis par exemple par la Chine, ne parlent jamais des crimes et de la répression commis dans ces pays, est la conséquence de cette domination impérialiste.

Là-bas comme ici, les prolétaires ont le même ennemi et la même lutte anti-capitaliste à mener !
Solidarité prolétarienne internationale !

PCI

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