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A propos de la grippe : qu’est-ce qui grippe dans ce monde ?

dimanche 3 mai 2009, par Robert Paris

Le point de vue de matière et révolution :

La grippe porcine, la grippe mexicaine ou la société qui grippe tout entière ?

Tous les responsables politiques ne tarissent pas de phrases rassurantes selon lesquelles les peuples devraient leur faire confiance face à l’épidémie de grippe qui est passée de l’animal à l’homme et passe maintenant d’homme à homme. Pourquoi devrions nous dans ce domaine leur faire davantage confiance que dans d’autres ? Dans la crise économique, tous les pouvoirs, toutes les institutions, ont montré leur capacité de mentir, de tromper, de voler les travailleurs et les peuples. Et leur incapacité de lutter contre la catastrophe économique et sociale. Ne vient-on pas d’apprendre que la SNCF (frappée par un plan d’économies drastiques), EDF (qui doit se recapitaliser), hôpitaux (dans le rouge), comme les banques et les sociétés privées (dont la liste des licenciements ne cesse de s’allonger), sont à la limite de la faillite, comme toute la société. Là aussi, les gouvernants n’avaient cessé de faire des déclarations pour nous rassurer. N’en serait-il pas de même face à un risque mortel pour l’humanité ?

Les responsables français, par exemple, n’ont rien eu de plus pressé que de rassurer à propos de la "filière porcine" pour que les ventes de viande de porc ne baissent pas. C’est pour cela qu’ils ont demandé que l’on cesse de l’appeler "grippe porcine" pour la renommer "grippe mexicaine". Les autorités mondiales ont prétendu qu’il ne fallait pas restreindre les voyages malgré la grippe, pour ne pas faire baisser le niveau des échanges et des transports, et les profits que cette filière économique réalise, de peut aussi que les bourses fassent baisser massivement les actions liées au transport aérien. En somme, ces gens-là sont bien moins préoccupés par l’avenir de la "filière humaine" que par celle de leurs profits !

Dans cette situation, le moins rassurant, c’est bien leurs déclarations soi-disant rassurantes ... Roselyne Bachelot a appelé les français à ne pas s’alarmer comme Christine Lagarde l’avait fait pour la crise des subprimes qui ne devait, selon elle, pas toucher la France. On se souvient du nuage de Tchernobyl qui devait s’arrêter à la frontière et de la crise des banques US qui ne touchait pas les banques françaises mais ... les a déjà fait couler trois fois ! Là encore, les responsables français se distinguent : ils affirment disposer de quantité de doses de médicaments pour soigner la population française alors qu’on sait qu’on ne disposera pas avant des mois d’un médicament réellement efficace.

Ces « autorités » ont-elles envoyé immédiatement des doses de Tamiflu, qu’elles nous vantent ici, au Mexique qui n’en avait pas ? Non ! Les trusts de l’industrie pharmaceutique qui combattent contre la production d’antiviraux, les ont-elles ramené à la raison : il y va de la vie humaine ? Non ! Combattent-elles les méthodes de l’agroalimentaire intensif qui ont cours aux USA et au Mexique, avec des porcs confinés par milliers dans des hangars avec de très importantes déjections polluantes et des animaux continuellement sous antibiotiques en multipliant les résistances ? Encore non ! Par contre, elles laissent les laboratoires comme Roche profiter de la situation pour faire fortune à la bourse du fait qu’il détient le Tamiflu. La grippe, c’est encore une source de profits boursiers.

Madame Bachelot prétend que la France serait préparée pour faire face. C’est un mensonge. Rien n’est prévu. Pour la grippe porcine, le Tamiflu n’est pas efficace et ce n’est pas un vaccin. Rien ne prouve que ses masques le soient. Elle ment et elle n’a même pas prévu des endroits pour accueillir les éventuels malades. En cas d’épidémie, les gens se rendraient massivement aux urgences, infectant les autres malades ! Il n’y a pas de lits, pas de personnels suffisants pour accueillir les patients. Ils nous refont le coup du nuage radioactif de Tchernobyl qui avait fait demi-tour à la frontière de la France. Le bilan avait été de nombreuses victimes du cancer de la thyroïde !

Le fait que cette maladie ait démarré et se soit propagée dans un pays frappé la pauvreté n’est nullement un hasard. La misère et le sous-développement, la pauvreté aussi des soins, voilà un terrain propice. Bien entendu, quand la vie même de toute la population est en cause, on aurait pu penser que les pays riches, rompant avec leurs habitudes, auraient donné au Mexique des moyens massifs pour résister à la propagation de l’épidémie. il n’en a rien été. Par exemple, les USA ou la France disent disposer de quantité de doses de médicaments mais n’en livrent pas au Mexique. Il est en particulier remarquable que, sans l’aide d’urgence du monde, les Mexicains ne peuvent rester chez eux comme le leur a demandé leur gouvernement et doivent continuer à travailler, multipliant les risques de propagation. D’ailleurs, le président Calderon, juste après avoir déclaré que pour le premier mai les rassemblements et manifestations provoquaient un risque sanitaire, a déclaré que l’activité économique pouvait reprendre normalement parce que ... son arrêt entraînait de graves pertes économiques !

Est-ce qu’il n’est pas exagéré d’accuser les gouvernants et le système d’un phénomène naturel ? Pas du tout ! Ce n’est pas un phénomène si naturel que cela. Il est bel et bien le produit du système de profit à tout prix puisqu’il s’agit de l’exploitation intensive de l’élevage de porcs. Encore une fois on paie les effets de la surexploitation.

Les responsables de la santé ont affirmé qu’ils craignaient particulièrement le développement de la maladie dans des pays pauvres comme l’est le Mexique. Mais, une fois développé dans des pays pauvres, il n’en toucherait pas moins aussi les pays riches. Si la crise porcine souligne une chose, c’est ce qu’avait rappelé la crise économique : aucun pays n’est à l’abri d’une catastrophe démarrant ailleurs. Le monde avait, ainsi, prétendu être sorti de la "crise asiatique" mais il avait seulement fait durer la crise jusqu’à 2008 où elle a explosé. La méthode consistant à faire payer les pays pauvres a montré ses limites : la crise atteint maintenant les pays riches. Dans la crise porcine, il en va de même : la population pauvre est doublement frappée au Mexique, à la fois par la crise sanitaire et par la crise économique liée à la chute de l’activité qui découle de la maladie et se rajoute à la crise économique. Là encore, aucune prise en compte de cette situation n’est faite par les pays les plus riches, eux qui disposent du plus grand nombre de moyens financiers, économiques et par conséquent médicaux.

Mais, même dans les pays riches, les moyens médicaux ne seraient pas suffisants en cas de pandémie, contrairement aux propos rassurants des gouvernants. Il faudrait des mois pour avoir un véritable vaccin mais les gouvernants n’envisagent nullement alors d’en produire au niveau nécessaire à l’échelle mondiale. Ils laisseraient ainsi des populations entières mourir...

Confondre les problèmes du capitalisme avec ceux de la santé de toute l’humanité, n’est-ce pas un parti-pris d’extrême gauche ? Non, ce n’est pas nous qui n’oublions pas le profit capitaliste alors qu’il y a un risque pour l’existence même de l’être humain ! Par exemple, le gouvernement mexicain a décidé de reprendre l’activité économique et les déplacements de population que cela nécessite et les risques encourus. Au nom de quoi ? Des intérêts économiques ! Ce sont encore les intérêts des trusts pharmaceutiques qui ne s’arrêtent pas devant le risque pour toute l’humanité. Par exemple, le trust français Roche, producteur du Tamiflu, a vu ses actions grimper en flèche car ce trust prétend que son médicament répondrait à cette maladie. Quant aux Etats et aux capitalistes du monde entier, ils sont loin de renoncer à leur profits pour sauver l’humanité, eux qui n’ont que le message "sauvons la planète" à la bouche... Ils ne sont pas prêts à débourser un millième des milliers de milliards de dollars qu’ils ont sorti pour sauver trusts et banquiers de la crise.

Qu’on le veuille ou pas, la crise porcine est parfaitement liée au mode de fonctionnement social aberrant et criminel du capitalisme... D’ailleurs, les gouvernants et les classes dirigeantes ont immédiatement pris en compte l’intérêt que pourrait avoir cette crise dans la situation sociale déstabilisée par la crise économique. En effet, la crise porcine offre pour eux quelques avantages. Ils en profitent pour détourner le mécontentement et l’inquiétude des classes populaires. Au lieu de se tourner contre les patrons et l’Etat, les peuples son amenés à leur demander de les aider face à l’épidémie.

Certains trouvent même que cette crise tombe à point nommé pour l’Etat américain menacé par le mécontentement des classes populaires et rappellent que le H1N1 existait bel et bien dans la panoplie de guerre bactériologique des armées US... Savez-vous où est apparue la première contamination de grippe porcine (H1N1) ? À Fort Dix, New Jersey, en 1976. Possiblement une création d’un laboratoire militaire américain. Environ 200 soldats seront contaminés et certains en sont morts.

Rien ne permet d’étayer une telle affirmation évidemment. Par contre, il est certain que les classes dirigeantes face à une crise systémique qui les menace sont capables de tout, de menacer l’humanité des pires maux. Ils l’ont déjà fait avec des fascismes et deux guerres mondiales. Et rien ne prouve que cette crise sanitaire n’ait aucun rapport avec la crise du système capitaliste.


Voilà deux articles que j’ai trouvé sur le sité d’Alencontre, animée par des militants Suisses

La grippe porcine,
dernier fléau de l’industrie de la viande

Grain *

Le 29 avril 2009, au soir, l’OMS (Oganisation mondiale de la santé) annonçait qu’elle avait introduit le niveau d’alerte face à la pandémie – sur une échelle de six – pour combattre l’extension mondiale de la grippe porcine. Nous publions, ci-desssous, un premier article à ce sujet. Il est suivi d’un article de Mike Davis, l’auteur, entre autres, de l’ouvrage Le pire des mondes possibles. De l’explosion urbaine au bidonville global (Editions La Découverte, 2006) et du Stade Dubaï du capialisme (Editions Les Prairies ordinaires, 2007). D’autres contributions suivront (Réd.)

Le Mexique assiste à une répétition infernale de l’histoire de la grippe aviaire asiatique, mais à une échelle encore plus tragique. Une fois de plus, la réponse officielle arrive trop tard et entachée de mensonges. Une fois de plus, l’industrie mondiale de la viande est au centre de l’histoire, s’obstinant à nier toute responsabilité, alors que le poids de l’évidence concernant son rôle ne cesse de s’accroître. Cinq ans après le début de la crise de grippe aviaire H5N1 et après cinq ans aussi d’une stratégie mondiale contre les pandémies de grippe coordonnée par l’Organisation mondiale de la santé (l’OMS ou WHO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), le monde chancelle sous les coups d’un nouveau désastre, la grippe porcine. La stratégie mondiale a échoué et doit être remplacée par un nouveau système de santé public qui puisse inspirer confiance à la population.

Ce que nous savons de la situation au Mexique, c’est que, officiellement, plus de 150 personnes sont mortes d’une nouvelle souche de grippe porcine qui est en fait un cocktail génétique de plusieurs souches de virus de grippe : grippe porcine, grippe aviaire et grippe humaine. Celle-ci a évolué en une forme qui se transmet facilement d’humain à humain et qui peut tuer des gens en parfaite santé. Nous ne savons pas exactement où se sont produites cette recombinaison et cette évolution, mais il semble évident qu’il faut chercher du côté des élevages industriels mexicains et américains.[1]

Cela fait des années que les experts avertissent que le développement des grandes fermes d’élevage industriel en Amérique du Nord ont créé un foyer idéal pour que puissent émerger et se répandre de nouvelles souches de grippe extrêmement virulentes. « Parce que les élevages fortement concentrés ont tendance à rassembler d’importants groupes d’animaux sur une surface réduite, ils facilitent la transmission et le mélange des virus », expliquaient des scientifiques de l’agence nationale des instituts de santé publique américaine (NIH).[2] Trois ans plus tôt, Science Magazine avait sonné l’alarme en montrant que la taille croissante des élevages industriels et l’usage répandu des vaccins qui y est fait accéléraient le rythme d’évolution de la grippe porcine.[3] C’est la même chose avec la grippe aviaire : l’espace surpeuplé et les conditions insalubres qui règnent dans ces élevages permettent au virus de se recombiner et de prendre de nouvelles formes très aisément. Quand on en est à ce stade, la centralisation inhérente à l’industrie garantit que la maladie est disséminée partout, par l’intermédiaire des matières fécales, de la nourriture animale, de l’eau ou même des bottes des ouvriers des élevages.[4] Et pourtant, si l’on en croit les centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), « il n’existe pas de système national officiel de surveillance pour déterminer quels sont les virus les plus répandus dans la population porcine américaine.”[5] La situation est la même au Mexique.

Les communautés à l’épicentre

Ce que nous savons encore à propos de l’épidémie de grippe porcine mexicaine est que la communauté villageoise de La Gloria dans l’Etat de Veracruz a désespérément essayé d’obtenir une réaction des autorités face à l’étrange maladie respiratoire qui les a sévèrement affectés ces derniers mois. Les résidents sont absolument convaincus que leur maladie est liée à la pollution provoquée par la grande ferme porcine récemment installée dans leur communauté par Granja Carroll, une filiale de la société américaine Smithfield Foods, le plus grand producteur de porc mondial.

Après les innombrables essais de la communauté pour obtenir l’aide des autorités – essais qui ont mené certains leaders locaux en prison et provoqué des menaces de mort contre ceux qui osaient critiquer l’élevage de Smithfield – les autorités sanitaires locales ont finalement décidé de faire une enquête vers la fin de 2008. Les tests ont révélé que plus de 60% de cette communauté de 3 000 personnes souffraient d’une maladie respiratoire, mais le nom de la maladie n’a pas été officiellement confirmé. Smithfield nie toute connection avec ses activités.

C’est seulement le 27 avril 2009, quelques jours après l’annonce officielle par le gouvernement fédéral mexicain de l’épidémie de grippe porcine, que l’information est sortie dans la presse, révélant que le premier cas de grippe porcine diagnostiqué dans le pays avait été le 2 avril 2009 celui d’un petit garçon de 4 ans appartenant à la communauté de La Gloria. Le ministre de la Santé du Mexique déclare que l’échantillon prélevé sur l’enfant est le seul parmi les échantillons prélevés sur la communauté qui ait été retenu par les autorités mexicaines et envoyé pour être testé en laboratoire. Ce test a ensuite confirmé qu’il s’agissait bien de grippe porcine.[6] Tout cela malgré le fait qu’une société américaine privée d’évaluation des risques, Veratect, avait, au début du mois d’avril 2009, avisé les responsables régionaux de l’OMS de l’occurrence de la maladie respiratoire grave qui sévissait à La Gloria.[7]

Le 4 avril 2009, le quotidien mexicain La Jornada a publié un article sur la lutte de la communauté de La Gloria, avec la photo d’un jeune garçon qui tient une pancarte avec le dessin d’un cochon barré d’une croix et la légende « Attention, danger : Carrolls Farm » écrite en espagnol.[8]

Pour ce qui est des pandémies de grippe en général, nous savons que la proximité d’élevages intensifs de porcs et d’élevages de volailles augmente les risques de recombinaison virale et l’émergence de nouvelles souches virulentes de grippe. En Indonésie par exemple, on sait que les porcs vivant près d’un élevage de volailles ont des taux importants d’infection au H5N1, la variante mortelle de la grippe aviaire.[9] Des scientifiques du NIH (National Institutes of Health –Etats-Unis) avertissent que « l’augmentation du nombre d’installations porcines voisines d’installations aviaires pourrait faciliter l’évolution de la prochaine pandémie."[10]

On n’en a guère entendu parler, mais la région avoisinante de La Gloria compte de nombreuses élevages de volailles intensifs. Récemment, en septembre 2008, une épidémie de grippe aviaire a éclaté parmi les volailles de la région. A l’époque, les autorités vétérinaires ont assuré le public qu’il s’agissait seulement d’une souche peu pathogène qui n’affecte que les oiseaux de basse-cour. Mais grâce à la divulgation faite par Marco Antonio Núñez, le président de la Commission pour l’environnement de l’Etat de Veracruz, nous savons désormais qu’il y a eu une autre épidémie de grippe aviaire à environ 50 kilomètres de La Gloria, dans un élevage industriel appartenant à Granjas Bachoco, la plus grande entreprise de volailles du Mexique. Cette épidémie n’a pas été révélée parce qu’on craignait les conséquences que cela pourrait provoquer pour les exportations mexicaines.[11] Il faut noter ici que l’un des ingrédients courants de l’alimentation animale industrielle est ce qu’on appelle les « déchets de volaille », c’est-à-dire un mélange de tout ce qu’on peut trouver sur le sol des élevages intensifs : matières fécales, plumes, litière, etc.

Peut-on concevoir situation plus idéale pour l’émergence d’un virus grippal pandémique qu’une région rurale pauvre, pleine d’élevages industriels appartenant à des sociétés transnationales qui n’ont rien à faire du bien-être de la population locale ? Les résidents de La Gloria essaient depuis des années de lutter contre la ferme Smithfield. Ils ont, des mois durant, tenté d’amener les autorités à agir face à l’étrange maladie qui les frappait. On les a ignorés. Le radar du système mondial de surveillance des maladies émergentes de l’OMC n’a pas enregistré le moindre signal. Pas plus que les épidémies de grippe aviaire de Veracruz n’ont déclenché de réaction du système mondial d’alerte précoce pour les maladies de l’OIE. Ce n’est que grâce à sources privées et de façon désordonnée que la vérité a pu éclater.[12] Et c’est ce qu’on appelle la surveillance mondiale !

La mauvaise foi des grandes sociétés

Ce n’est pas la première fois, et ce n’est sans doute pas la dernière, que les agro-industriels dissimulent des épisodes de maladies infectieuses, mettant ainsi des vies en péril. C’est la nature même de leurs activités. En Roumanie il y a quelques années, Smithfield a interdit aux autorités locales d’entrer dans ses élevages porcins, après les plaintes des résidents à propos de l’odeur pestilentielle provenant des centaines de charognes de porcs laissées à pourrir pendant plusieurs jours. « Nos médecins n’ont pas eu accès aux fermes de la [société] américaine pour pouvoir effectuer leurs inspections de routine », a déclaré Csaba Daroczi, directeur-adjoint des services vétérinaires et d’hygiène de Timisoara. « Chaque fois qu’ils ont essayé, ils ont été repoussés par les gardiens. Smithfield propose que nous signions un accord qui nous obligerait à les prévenir trois jours à l’avance avant toute inspection. »[13] L’information a fini par émerger que Smithfield avait étouffé l’information sur un épisode majeur de grippe porcine classique ayant sévi dans ses fermes en Roumanie.[14]

En Indonésie, où les gens meurent encore de la grippe aviaire et d’où de nombreux experts pensent que viendra le prochain virus pandémique, les autorités ne peuvent toujours pas entrer sans permission dans les grands élevages industriels.[15] Au Mexique, les autorités ont repoussé les demandes d’enquête sur La Granja Carroll et accusé les résidents de La Gloria de propager l’infection parce qu’ils « utilisent des remèdes de grand-mère, plutôt que d’aller dans les centres de soins pour soigner leur grippe. »”[16]

Les élevages industriels sont de véritables bombes à retardement pour les épidémies mondiales. Et pourtant, il n’existe toujours pas de programmes qui permettent d’y faire face, ni même de programmes indépendants de surveillance des maladies. Personne parmi les gens haut placés ne semble s’en soucier et ce n’est sans doute pas un hasard que ces fermes soient souvent situées parmi les communautés les plus pauvres, qui paient très cher pour faire entendre la vérité. Pis encore, nous dépendons tellement de ce système aux limites de l’explosion pour une bonne part de notre alimentation que la tâche principale des agences gouvernementales de sécurité alimentaire semble être désormais de calmer les peurs et de s’assurer que les gens continuent à manger. Smithfield est déjà au bord de la faillite et était la semaine dernière en train de négocier sa reprise avec la plus grosse entreprise d’agroalimentaire de Chine, COFCO.[17]

Entre temps, l’industrie pharmaceutique fait fortune avec la crise. Le gouvernement des Etats-Unis a déjà fait une exception d’urgence dans son système d’autorisation pour permettre de traiter les malades de la grippe avec des antiviraux comme Tamiflu et Relaxin plus largement que cela n’était prévu. Excellente nouvelle pour Roche, Gilead et Glaxo Smithkline qui détiennent le monopole sur ces médicaments. Mais chose encore plus importante, une nuée de petits producteurs de vaccins comme Biocryst et Novavax voient la valeur de leurs actions crever le plafond.[18] Novavax essaie de convaincre à la fois le CDC et le gouvernement mexicain qu’il est capable de fournir un vaccin contre la grippe porcine dans un délai de 12 semaines, si les règlements encadrant les tests restent souples.

C’est un changement profond qu’il nous faut

Il est évident que le système mondial de résolution des problèmes de santé provoqués par l’industrie alimentaire transnationale marche sur la tête : Le système de surveillance est fichu, les services vétérinaires et ceux de santé publique qui sont en première ligne cafouillent et l’autorité est passée aux mains du secteur privé qui a tout intérêt à maintenir le statu quo. En attendant, on recommande aux gens de rester chez eux et de croiser les doigts en attendant le Tamiflu ou un nouveau vaccin éventuel auquel ils n’auront peut-être même pas accès. La situation n’est pas tolérable. Il faut bouleverser les choses. Et agir dès aujourd’hui.

Pour ce qui est de l’épidémie de grippe porcine au Mexique, le changement peut être immédiat : il pourrait consister en une enquête transparente, exhaustive et indépendante sur les élevages de volailles dans l’état de Veracruz, dans le pays tout entier et dans toute l’Amérique du Nord. Le peuple mexicain doit connaître la source du problème afin de pouvoir prendre les mesures adéquates pour couper l’épidémie à la racine et s’assurer que le problème ne se reproduise plus.

Au niveau international, l’expansion des élevages industriels doit cesser et faire machine arrière. Ces fermes sont des foyers de pandémies et continueront à l’être tant qu’elles existeront. Il ne sert probablement à rien de réclamer un changement complet de la stratégie mondiale menée par l’OMS. En effet, l’expérience de la grippe aviaire montre que ni l’OMS ni l’OIE, ni la plupart des gouvernements ne sont disposés à être fermes avec l’agriculture industrielle. Une fois de plus, ce sont les citoyens qui vont devoir réagir et se protéger eux-mêmes. Partout dans le monde, des milliers de communautés luttent contre les élevages industriels. Ce sont ces communautés qui sont en première ligne de la prévention contre la pandémie. Ce dont nous avons besoin à présent, c’est de transformer ces luttes locales contre les élevages industriels en un vaste mouvement mondial pour abolir ce système d’élevage.

Mais le désastre de la grippe porcine au Mexique révèle également un problème de santé publique plus vaste : Les menaces pour la sécurité des consommateurs qui font partie intégrante de notre système alimentaire industriel sont exacerbées par une tendance générale à privatiser complètement les soins de santé, ce qui a réduit à néant la capacité des systèmes publics à apporter des réponses adéquates en cas de crise, et par des politiques encourageant les migrations vers des mégalopoles où les politiques de santé publique et d’assainissement sont déplorables. (L’épidémie de grippe porcine a frappé Mexico District Federal, une métropole de plus de 20 millions d’habitants, précisément au moment où le gouvernement a coupé l’approvisionnement en eau d’une bonne partie de la population, en particulier les quartiers les plus pauvres.) Le fait que la surveillance des épidémies soit confiée à des cabinets-conseils privés, que les gouvernements et les agences des Nations Unies puissent garder le silence et ne pas divulguer l’information, que nous soyons obligés de dépendre d’une poignées d’entreprises pharmaceutiques pour soulager nos souffrances, avec des produits certes brevetés mais seulement à moitié testés, devraient nous indiquer que rien ne va plus. Ce n’est pas seulement de nourriture que nous avons besoin, mais de systèmes de santé publiqcsui aient un véritable agenda public et soient responsables devant lea population.

Lectures complémentaires :

Silvia Ribeiro, "Epidemia de lucro," La Jornada, 28 April 2009 : http://www.jornada.unam.mx/2009/04/28/?section=opinion&article=020a1pol

Edward Hammond, Indonesia fights to change WHO rules on flu vaccines, Seedling, April 2009 : http://www.grain.org/seedling/?id=593

Mike Davis, The swine flu crisis lays bare the meat industry’s monstrous power, The Guardian, 27 April 2009 : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2009/apr/27/swine-flu-mexico-health

R G Wallace, "The Agro-Industrial Roots of Swine Flu H1N1," 26 April 2009
http://farmingpathogens.wordpress.com/2009/04/26/the-agro-industrial-roots-of-swine-flu-h1n1/

GRAIN, "Bird flu in eastern India : another senseless slaughter", Against the grain, February 2008, http://www.grain.org/articles/?id=35 (Disponible bientôt en français)

GRAIN, "Germ warfare - Livestock disease, public health and the military–industrial complex", Seedling, January 2008, http://www.grain.org/seedling/?id=533 (Disponible bientôt en français)

GRAIN, "Viral times - The politics of emerging global animal diseases", Seedling, January 2008, http://www.grain.org/seedling/?id=532 (Disponible bientôt en français)

GRAIN, "La grippe aviaire : une aubaine pour ’Big Chicken’", A contre-courant, mars 2007, http://www.grain.org/articles/?id=24 (aussi disponible en Bahasa Indonesia)

GRAIN, "Grippe aviaire : une réponse mondiale imposée d’en haut", A contre-courant, avril 2006, http://www.grain.org/articles/?id=15

GRAIN, "Qui est le dindon de la farce ?", Les rapports de GRAIN, février 2006, http://www.grain.org/briefings/?id=195

Notes

* GRAIN, selon ses propres termes, est une organisation non gouvernementale internationale (ONG) dont le but est de promouvoir la gestion et l’utilisation durables de la biodiversité agricole fondées sur le contrôle exercé par les populations sur les ressources génétiques et les connaissances locales.

1. L’industrie du porc mexicaine, comme son équivalent américain, ne veut pas qu’on appelle la maladie “grippe porcine”, sous prétexte que celle-ci n’est pas transmise par les porcs, mais directement de personne à personne. (Leur préoccupation majeure est bien sûr le marché du porc qui est en train de s’écrouler à cause de l’image négative qui lui est associée) Certains responsables mexicains, comme le gouverneur de Veracruz, disent aux gens que le virus est venu de Chine, quoiqu’il n’y ait aucune évidence qui soutienne cette thèse.

2. Mary J. Gilchrist, Christina Greko, David B. Wallinga, George W. Beran, David G. Riley and Peter S. Thorne, "The Potential Role of CAFOs in Infectious Disease Epidemics and Antibiotic Resistance," Journal of Environmental Health Perspectives, 14 November 2006.

3. Bernice Wuethrich, "Chasing the Fickle Swine Flu", Science, Vol. 299, 2003

4. Pro-poor Livestock Policy Initiative, "Industrial Livestock Production and Global Health Risks," FAO, 2007 : http://www.fao.org/ag/againfo/ programmes/en/pplpi/docarc/pb_hpaiindustrialrisks.html

5. CDC, April 21, 2009 / 58 (Dispatch) ;1-3 : http://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/mm58d0421a1.htm

6. Andrés T. Morales, "Cerco sanitario en Perote, tras muerte en marzo de bebé por gripe porcina," La Jornada, 28 April 2009 : http://www.jornada.unam.mx/2009/04/28/?section=politica&article=012n2pol ; Tracy Wilkinson and Cecilia Sánchez, "Mexico tries to focus on source of infection," Los Angeles Times, April 28, 2009.

7. Dudley Althaus, "World’s queries have no answers," Houston Chronicle, 27 April 2009.

8. Andrés Timoteo, “Alerta epidemiológica en Perote por brote de males respiratorios,” La Jornada, 4 April 2009.

9. David Cyranoski, "Bird flu spreads among Java’s pigs," Nature 435, 26 May 2005.

10. Mary J. Gilchrist, Christina Greko, David B. Wallinga, George W. Beran, David G. Riley and Peter S. Thorne, "The Potential Role of CAFOs in Infectious Disease Epidemics and Antibiotic Resistance," Journal of Environmental Health Perspectives, 14 November 2006.

11. Piden cerco sanitario ante epidemia, SPI/ElGolfo.Info, 24 April 2009 : http://www.elgolfo.info/web/lo-mas-nuevo/37017-piden-cerco-sanitario-ante-epidemia-.html

12. Tom Philpott first broadcast the possible connection between the swine flu outbreak and the Smithfield operation in Veracruz from his US-based blog on 25 April 2009 : http://www.grist.org/article/2009-04-25-swine-flu-smithfield/

13. Mirel Bran : “Swine Plague : Romania Criticizes American Group’s Attitude”, Le Monde, 15 August
2007, translated by Leslie Thatcher (Truthout).

14. GRAIN, "Viral times - The politics of emerging global animal diseases", Seedling, January 2008

15. See “Box 2. Bird flu in Indonesia and Vietnam” (by GRAIN) in Edward Hammond, “Indonesia fights to change WHO rules on flu vaccines,” Seedling, April 2009 : http://www.grain.org/seedling/?id=593

16. "Afectados por extraña enfermedad, 60% de pobladores de La Gloria," La Jornada 27 April 2009 : http://www.lajornadasanluis.com.mx/2009/04/27/pol15.php

17. “Is Smithfield on the market ?”, Farming UK, 26 April 2009.

18. "Smaller drug firms gaining from swine flu," Reuters, 27 April 2009 : http://www.reuters.com/article/pressReleasesMolt/idUSTRE53Q5P620090427

(30 avril 2009)

Pandémie

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Capitalisme et grippe

Mike Davis *

La grippe porcine mexicaine, une chimère génétique probablement engendrée dans la fange fécale d’une porcherie industrielle, menace soudain le monde entier de fièvre. Les premiers cas en Amérique du Nord révèlent un taux d’infection qui se déplace déjà plus vite que la dernière souche pandémique officielle, la grippe de Hong Kong de 1968.

Ce virus porcin est une menace d’une ampleur inconnue. Il vole la vedette à notre assassin officiel de service, H5N1, connu sous le nom de grippe aviaire, qui continue, lui, de muter vigoureusement. Il semble assurément moins létal que la souche du SRAS de 2003 (Syndrome respiratoire aigu sévère), mais comme grippe, il peut se révéler plus durable et moins enclin à retourner à son antre secret.

Etant donné que la grippe saisonnière domestiquée de type A tue jusqu’à un million de personnes chaque année, il suffirait d’un modeste plus de virulence, tout particulièrement s’il s’accompagne d’une incidence élevée, pour produire un carnage équivalent à une grande guerre.

En attendant, une de ses premières victimes, c’est la croyance consolatrice, longtemps prêchée par l’OMS, que les pandémies peuvent être arrêtées par les réactions rapides des bureaucraties médicales, indépendamment de la qualité de la santé publique locale.

Depuis les premiers morts causés par H5N1 à Hong Kong en 1997, l’OMS, appuyée par la plupart des services de santé nationaux, a mis en avant une stratégie qui se concentre sur l’identification et l’isolement de la souche pandémique à l’intérieur de son rayon local d’éruption, suivis par une forte aspersion de la population par des médicaments anti-viraux et un vaccin, s’il en est un disponible.

Une armée de sceptiques a contesté avec raison cette stratégie de contre-insurrection virale, en faisant remarquer que les microbes peuvent aujourd’hui voler à travers le monde (tout à fait littéralement dans le cas de la grippe aviaire) plus vite que l’OMS ou les responsables locaux peuvent réagir aux premiers cas. Ils pointent également du doigt la surveillance primitive, souvent même inexistante, de l’interface entre les maladies humaines et animales.

Mais la mythologie de la frappe assurée, préventive (et bon marché) contre la grippe aviaire a servi de façon irremplaçable la cause des pays riches, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui préfèrent investir dans leur ligne Maginot biologiques particulières plutôt que d’accroître significativement l’aide aux fronts épidémiologiques hors de leurs frontières. Elle profite également aux grandes transnationales pharmaceutiques qui se sont opposées aux exigences du Tiers-monde d’une production générique publique d’antiviraux décisifs comme le Tamiflu de Roche.

La grippe porcine, en tout état de cause, peut faire la preuve que la version de la vigilance pandémique de l’OMS et du CDC (Center for Disease Control, de l’administration étatsunienne) sans nouveaux investissements massifs dans l’infrastructure de surveillance, scientifique et régulatrice, la santé publique de base et l’accès mondial aux médicaments vitaux, se rangent dans la même classe de la gestion pyramidale des risques que les produits dérivés de AIG et les titres de Madoff.

Ce n’est pas tellement que le système d’alerte pandémique a échoué, c’est qu’il n’existe pas, même en Amérique du Nord et en Europe. Il n’est peut-être pas surprenant que le Mexique n’ait ni la capacité ni la volonté politique de surveiller les maladies du bétail et leurs impacts sur la santé publique, mais au nord de la frontière la situation n’est guère meilleure. Aux Etats-Unis, la surveillance est un assemblage hétéroclite inefficace de juridictions des divers Etats. Les entreprises d’élevage de bétail y traitent les réglementations sanitaires avec le même mépris qu’elles traitent leurs salariés et leurs animaux.

De même, une décennie de mises en garde urgentes par les scientifiques de terrain n’ont pas suffi pour obtenir le transfert de la technologie sophistiquée d’identification des virus aux pays qui sont sur le chemin direct des pandémies probables. Le Mexique a des spécialistes de renommée mondiale, mais pour identifier le génome de la souche, il a dû envoyer les prélèvements à un laboratoire de Winnipeg (une ville qui a moins de 3% de la population de Mexico City. Cela a fait perdre presque une semaine.

Mais personne a été moins en alerte que les légendaires contrôleurs des maladies du CDC d’Atlanta. Selon le Washington Post, le CDC n’a appris l’épidémie que six jours après que le gouvernement mexicain eut commencé d’imposer des mesures d’urgence. Le journal remarque même « Les responsables de la santé publique des Etats-Unis sont toujours encore largement dans le bleu au sujet de ce qui se passe au Mexique deux semaines après que les premiers cas eurent été reconnus. »

Il n’y a à cela aucune excuse. Il ne s’agit pas d’un « cygne noir » qui bat subitement des ailes. En fait, le paradoxe central de cette panique de la grippe porcine, c’est que tout en étant totalement inattendue, elle a été précisément prédite.

Il y a six ans la revue Science a consacré un reportage important (par l’admirable Bernice Wuethrich) qui révélait que « après des années de stabilité, le virus nord-américain de la grippe porcine s’est mis subitement à évoluer rapidement. »

Depuis qu’il a été identifié au début des années 1930, le virus H1N1 de la grippe porcine avait seulement dérivé un peu de son génome initial. Puis en 1998, l’enfer s’est déchaîné.

Une souche hautement pathogène s’est mise à décimer les truies dans une porcherie industrielle de Caroline du Nord et, phénomène nouveau, des versions plus virulentes ont commencé à apparaître presque chaque année, y compris une variante bizarre de H1N1 qui contient les gènes internes de H3N2 (l’autre grippe de type A qui circule parmi les humains).

Les chercheurs que Wuethrich a interviewés craignaient qu’un de ces hybrides ne devienne une grippe humaine (on pense que tant la pandémie de 1957 que celle de 1968 tirent leur origine du mélange de virus aviaires et humains chez les cochons). Ces chercheurs réclamaient avec insistance la création d’un système officiel de surveillance des grippes porcines. Leurs admonestations n’eurent bien sûr aucun écho à Washington où on est prêt à jeter des milliards dans des fantasmes de bioterrorisme tout en négligeant d’autres dangers.

Mais qu’est-ce qui provoque cette accélération de l’évolution de la grippe porcine ? Probablement la même chose qui a favorisé la reproduction de la grippe aviaire.

Depuis longtemps, les virologues sont convaincus que le système d’agriculture intensif de la Chine méridionale, une écologie immensément productive de riz, poissons, porcs, oiseaux domestiques et sauvages, est le principal moteur de la mutation de la grippe : aussi bien la « dérive » saisonnière que les « mutations » génomiques épisodiques. (Plus rarement, il peut se produire un saut direct des oiseaux aux cochons et/ou aux humains, comme dans le cas de H5N1 en 1997.)

Mais l’industrialisation de l’élevage du bétail a brisé le monopole naturel de la Chine dans l’évolution de la grippe. Comme de nombreux auteurs l’ont signalé, ces dernières dizaines d’années l’élevage s’est transformé en quelque chose qui ressemble plus à l’industrie pétrochimique qu’à la jolie ferme familiale qu’on voit dans les livres d’école.

En 1965, il y avait aux Etats-Unis 53 millions de cochons dans plus d’un million de fermes ; aujourd’hui, 65 millions de cochons sont concentrés dans 65’000 porcheries industrielles, dont la moitié contiennent 5000 animaux et plus.

Cela a représenté un changement qualitatif profond, des porcheries à l’ancienne à des vastes enfers d’excréments sans précédent, qui enferment des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’animaux au système immunitaire affaibli, qui suffoquent dans la chaleur et le fumier, tout en échangeant à grande vitesse des pathogènes entre eux et avec leur pathétique progéniture.

Quiconque a jamais roulé à travers Tar Heel, en Caroline du Nord ou Milford, dans l’Utah, où les succursales de l’entreprise Smithfield Foods produisent chacune par année plus de un million de cochons ainsi que des lacs entiers de merde toxique, comprendra intuitivement jusqu’à quel point l’agrobusiness a détraqué les lois de la nature.

L’année passée, une commission distinguée réunie par le Pew Research Center a publié un rapport qui fait date sur « la production d’élevage industriel ». Le rapport souligne le danger aigu que « le recyclage continu de virus … dans des grands troupeaux (va) augmenter les occasions de génération de virus nouveaux par des événements de mutation ou de recombinaison qui pourraient aboutir à une transmission facilitée de personne à personne. »

La commission a averti également que le recours aux antibiotiques dans ce contexte de promiscuité (une alternative bon marché à des systèmes d’égouts ou un environnement plus humain) provoquait l’augmentation d’infections à staphylocoques, tandis que les fuites du fumier provoquaient des infections à Escherischia coli de cauchemar et des efflorescences toxiques de Pfisteria, le protozoaire qui a tué plus d’un million de poissons dans les estuaires de Caroline et rendu malades des douzaines de pêcheurs.

Toute amélioration de cette nouvelle écologie pathogène, se heurterait cependant au pouvoir monstrueux qu’exercent des conglomérats d’élevage tels que Smihfield Foods (porc et boeuf) et Tyson (poulet). Les membres de la commission Pew, que présidait l’ancien gouverneur du Kansas John Carlin, ont raconté l’obstruction systématique de leur enquête par les entreprises, y compris des menaces crasses de priver de financement les chercheurs qui collaboraient avec la commission. Qui plus est, il s’agit d’une industrie hautement mondialisée, dont la poigne politique est internationale. De même que le géant du poulet de Bangkok Charon Pokphand a été capable d’empêcher une investigation de son rôle dans la dissémination de la grippe aviaire à travers l’Asie du Sud-est, il est probable que l’enquête épidémiologique sur l’épidémie de grippe porcine se cassera le nez sur la mur de l’industrie de la viande de porc.

Cela ne veut pas dire qu’on ne va jamais trouver de responsabilité causale : d’ores et déjà il y a des rumeurs dans la presse mexicaine à propos d’un épicentre de la grippe porcine aux alentours d’une immense succursale de Smithfield dans l’Etat de Veracruz.

Mais ce qui est plus important encore (tout spécialement vu la menace toujours présente du H5N1), c’est le tableau d’ensemble : l’échec de la stratégie de l’OMS contre les pandémies, la poursuite du déclin de la santé publique dans le monde, les grandes pharmas qui ne lâchent pas les médicaments vitaux, et la catastrophe planétaire de la production de viande industrielle écologiquement aberrante. (Traduction A l’encontre)

* Mike Davis a publié en 2006 The Monster at Our Door à propos de la grippe aviaire. Cet article a paru le 27 avril 2009 dans Socialist Worker, hebdomadaire de l’ISO aux Etats-Unis. Une version aussi est apparue dans le quotidien anglais The Guardian.
Voir aussi sur ce site l’article de Grain, « La grippe porcine, dernier fléau de l’industrie de la viande ».

(30 avril 2009)

Messages

  • L’OMS conseille à tous les pays qui administreront des vaccins contre la grippe pandémique de surveiller attentivement leur innocuité et leur efficacité et nombre d’entre eux ont déjà établi des plans en ce sens. Un point positif est que les campagnes de vaccination de masse produisent en quelques semaines des quantités importantes de données sur l’innocuité. Les échanges internationaux des données de la surveillance post-commercialisation seront essentiels pour orienter les comparaisons des risques et des avantages et déterminer d’éventuelles modifications à apporter aux politiques de vaccination.

    En somme, l’OMS reconnait : méfiance totale pour les vaccins !!!

  • Où donc est la possibilité positive de l’émancipation ?

    Voici notre réponse. Il faut former une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu’on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s’en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en une opposition particulière avec les conséquences, mais en une opposition générale avec toutes les suppositions du système politique allemand, une sphère enfin qui ne puisse s’émanciper, sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans, par conséquent, les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l’homme, et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l’homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c’est le prolétariat.

    Le prolétariat ne commence à se constituer en Allemagne que grâce au mouvement industriel qui s’annonce partout. En effet, ce qui forme le prolétariat, ce n’est pas la pauvreté naturellement existante, mais la pauvreté produite artificiellement ; ce n’est pas la masse machinalement opprimée par le poids de la société, mais la masse résultant de la décomposition aiguë de la société, et surtout de la décomposition aiguë de la classe moyenne. Ce qui n’empêche pas, cela va de soi, la pauvreté naturelle et le servage germano-chrétien de grossir peu à peu les rangs du prolétariat.

    Lorsque le prolétariat annonce la dissolution de l’ordre social actuel, il ne fait qu’énoncer le secret de sa propre existence, car il constitue lui-même la dissolution effective de cet ordre social. Lorsque le prolétariat réclame la négation de la propriété privée, il ne fait qu’établir en principe de la société ce que la société a établi en principe du prolétariat, ce que celui-ci, sans qu’il y soit pour rien, personnifie déjà comme résultat négatif de la société. Le prolétariat se trouve alors, par rapport au nouveau monde naissant, dans la même situation juridique que le roi allemand par rapport au monde existant, quand il appelle le peuple son peuple ou un cheval son cheval. En déclarant le peuple sa propriété privée, le roi énonce tout simplement que le propriétaire privé est roi.

    De même que la philosophie trouve dans le prolétariat ses armes matérielles, le prolétariat trouve dans la philosophie ses armes intellectuelles. Et dès que l’éclair de la pensée aura pénétré au fond de ce naïf terrain populaire, les Allemands s’émanciperont et deviendront des hommes.

    Critique de la philosophie du droit de Hegel

    Karl Marx

  • Où donc est la possibilité positive de l’émancipation ?

    Voici notre réponse. Il faut former une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu’on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s’en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en une opposition particulière avec les conséquences, mais en une opposition générale avec toutes les suppositions du système politique allemand, une sphère enfin qui ne puisse s’émanciper, sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans, par conséquent, les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l’homme, et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l’homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c’est le prolétariat.

  • Le virus H1N1, c’est loin d’être terminé !!!

    Il y a eu en Ukraine plus de 200 morts dues au H1N1…
    En Russie, il a fait 70 morts au moins…
    Il y a eu aussi 7 morts en Arménie,112 morts en Iran, etc…

    Mais cela, ce ne sont que les victimes de 2015-2016.

    Pour la dernière épidémie mondiale d’H1N1, le bilan est autrement affolant :

    La grippe H1N1 aurait fait beaucoup plus de morts qu’on ne l’avait initialement pensé. De 18.500 personnes, on passe à près de 250.000 personnes d’après un papier du Lancet Infectious Diseases, rapporte l’AFP via Rawstory.

    L’estimation de 18.500 morts avait été confirmée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), mais l’équipe internationale de chercheurs qui est derrière l’article estime que ce chiffre est une sous-estimation de la réalité. La chercheuse Fatimah Dawood a ainsi expliqué à l’AFP le résultat de ses recherches :

    « Cette étude est l’une des premières à donner une estimation globale des morts causés par le virus H1N1. Contrairement à la plupart des estimations de mortalité de la pandémie de 2009, cette étude inclut le nombre de morts estimé pour des pays de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique où la surveillance des données liées à la mortalité est limitée. »

    Comme le note Reuters, le chiffre de 250.000 personnes est une estimation basse et le nombre de morts pourrait monter jusqu’à près de 579.000 personnes.

    Pour les chercheurs, ce taux de décès alarmant souligne le besoin d’une meilleure planification et distribution des vaccins. Dawood détaille ses recommandations :

    « Cette pandémie a vraiment fait un nombre de victimes énorme. Nos résultats suggèrent la meilleure façon de déployer nos ressources. Si un vaccin devenait disponible, nous devrions être certains qu’il a atteint des zones où le taux de mortalité risque d’être le plus élevé. »

    La grippe H1N1 a été découverte au Mexique et aux Etats-Unis en avril 2009 et avait fini par affecter près de 214 pays. Si l’OMS, qui avait été très critiqué, a annoncé que le risque de pandémie était terminé en août 2010, le virus H1N1 n’a pas pour autant disparu. La semaine dernière, 41 personnes ont été découvertes atteintes du virus à Singapour.

    La nouvelle est tout de même inquiétante, d’autant qu’une équipe de chercheurs a découvert en mai 2012 que le virus H1N1 est désormais capable de résister à certains médicaments antigrippaux, comme Tamiflu ou Relanza.

  • Suite à la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) de 2009, avec le vaccin Pandemrix®, des cas de narcolepsie se sont développés chez une soixantaine de Français. L’organisme d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, l’Oniam, aurait refusé de prendre en compte une vingtaine de dossiers, jugeant que "le délai d’apparition des symptômes" ne permettait pas de confirmer le lien avec le vaccin !!!

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